Rechercher
Rechercher

Actualités

Sécurité - La Cour de justice a tenu une audience de dix minutes, pour le principe Les inculpés de Denniyé provoquent une émeute à Roumié : 4 blessés chez les FSI, 7 chez les insurgés (photo)

En prison, les détenus du groupe dit de Denniyé sont aussi dangereux qu’en liberté. Depuis le 11 septembre et la concrétisation de la menace islamiste dans le monde, ils semblent avoir plus de détermination encore et multiplient les manœuvres d’intimidation à l’égard de la Cour de justice qui a entamé leur procès, il y a près de deux ans, et ne parvient toujours pas à le boucler. Hier encore, l’alerte a été chaude et la mini-émeute qu’ils ont provoquée à Roumié a fait quatre blessés au sein des forces de l’ordre et sept dans les rangs des détenus, dont deux graves, aboutissant au report de l’audience qui était prévue dans l’après-midi. Une première dans l’histoire judiciaire libanaise et une réalité qu’il faut prendre particulièrement au sérieux. Après le coup de filet du réveillon de l’an 2000, lorsque l’armée avoir réussi à arrêter un groupe d’islamistes décidés à provoquer des troubles au Liban-Nord, les autorités croyaient en avoir fini avec la menace fondamentaliste et réussi à éloigner le danger. Elles se trompaient. Depuis leur incarcération, les 22 membres du groupe dit de Denniyé, en référence au lieu où ils ont été capturés (bien que la plupart d’entre eux soient originaires de Tripoli et du Akkar), ne cessent de provoquer des troubles. Grève de la faim et manipulations diverses Tantôt ils mènent une grève de la faim dans leurs cellules, tantôt ils se mettent à crier « Allah ou akbar » quand les reliques de sainte Thérèse arrivent à la prison de Roumié, et tantôt encore, ils menacent la Cour de justice, en pleine audience, des pires foudres, allant même jusqu’à insulter le procureur général Adnane Addoum. Sans oublier leurs connexions hors de prison, notamment au Liban-Nord et dans le camp palestinien de Aïn el-Héloué, qui leur ont permis de suivre de loin, sinon de manipuler, l’affaire Abou Obeïda – le Libanais membre du groupe Esbat el-ansar, avec lequel ils sont liés et qui a tué trois militaires à Saïda – et peut-être le crime de Betchay, qui visait un responsable de la sécurité à la prison de Roumié, sans que l’enquête officielle ne parvienne à identifier les coupables. Hier, ils ont encore frappé, avec un sens de l’organisation, une coordination et une habileté rares, sans que les forces de l’ordre ne se doutent de leurs projets. Alors qu’elles auraient dû être plus vigilantes, les détenus ayant annoncé au cours de l’audience de vendredi dernier qu’ils étaient déterminés à boycotter le procès. Ce qui est déjà étonnant puisqu’ils sont emprisonnés et ne sont donc pas libres de leurs décisions. Des cuillers transformées en couteaux, à la barbe des gardiens Au moment de les emmener au Palais de justice où devait se tenir, à 15h, l’audience de leur procès, ils refusent de sortir de leurs cellules, criant qu’ils ne veulent pas de cette « justice impie », réitérant les accusations qu’ils avaient lancées à la figure des magistrats au cours d’une précédente audience et allant même jusqu’à les qualifier de « maudits croisés ». Il est près de midi et les forces de l’ordre sont dépassées, car les détenus doivent arriver à l’avance par mesure de sécurité. Le responsable de l’unité en charge du transport des détenus de Denniyé contacte alors le procureur général Adnane Addoum, qui lui suggère de tenter de négocier avec eux. Un lieutenant pénètre alors dans l’une des cellules pour tenter de parlementer avec les détenus sans recourir à la force. Il est aussitôt agressé par les prisonniers, munis de cannes et d’outils métalliques, qu’ils ont eux-mêmes fabriqués en travaillant dans l’atelier de la prison. Ils ont ainsi transformé des morceaux de bois en bâtons et des cuillers en couteaux, à force de les frotter. Ce qui signifie qu’ils ont préparé leur coup depuis longtemps, sans que les forces en charge de la sécurité ne devinent leurs projets. Sous l’intensité des coups, le lieutenant s’est évanoui et c’est alors que le renfort est arrivé pour essayer de le dégager de la cellule où il gisait. Une véritable bataille a eu lieu et les forces de sécurité ont eu le dessus au bout d’une demi-heure, avec toutefois un bilan assez lourd, quatre blessés dans leurs rangs, dont le lieutenant. Chez les détenus aussi, il y a eu des blessés, sept, selon un premier bilan, dont notamment Ihab el-Banna et Saïd Minawi qui ont été transportés à l’hôpital gouvernemental de Dahr el-Bachek. Vers 13h, l’émeute a été réprimée sans utilisation d’armes à feu, mais il a fallu du temps pour ramener le calme au sein de la prison. Le parquet militaire a aussitôt décidé d’ouvrir une enquête, interrogeant les membres du groupe et leurs compagnons de détention pour déterminer s’il y a réellement eu une agression contre les forces de sécurité. Ce qui pourrait entraîner l’ouverture d’un nouveau procès criminel. Une audience de dix minutes malgré tout Pour ne pas donner aux détenus le sentiment d’avoir remporté quand même une victoire, en annulant l’audience de l’après-midi, la Cour de justice a tenu à se réunir et l’audience s’est ouverte vers 15h20, sous la présidence de M. Tanios Khoury et en présence des assesseurs MM. Afif Chamseddine, Ghassan Abou Alwane, Maroun Awad et Ralph Riachi. Mais seulement sept des 22 inculpés ont répondu à l’appel dans le box des accusés. Et lorsqu’un des avocats des inculpés a demandé la raison de l’absence des quinze autres, le président Khoury lui a répondu sèchement : « L’armée et les forces de l’ordre en charge de leur transport connaissent la raison et savent ce qu’elles doivent faire. » Le détenu Jamil Hammoud, qui est un peu le chef de la bande, a alors demandé la parole, mais là aussi, le président a fait preuve de fermeté : « Vous ne pouvez pas parler. Si vous avez quelque chose à dire, transmettez-le à vos avocats et je serai toujours prêt à les accueillir. » Après une rapide concertation avec ses assesseurs et les représentants du parquet, M. Addoum et Mme Kaddoura, le président a décidé de lever l’audience, en raison de l’absence de la plupart des inculpés, fixant la prochaine audience au 21 février. La cour ne s’est ainsi réunie que dix minutes, juste pour marquer le coup. En fixant le prochain rendez-vous dans plus d’un mois, elle a voulu attendre que la situation se calme et, surtout, permettre aux responsables de Roumié de séparer les inculpés de Denniyé, quitte à placer certains d’entre eux dans d’autres prisons. En attendant, les proches des inculpés entament une vaste campagne auprès des députés et des ministres du Nord pour les sensibiliser sur la situation de ces détenus et la lenteur des procédures. Comme si le report d’une audience pouvait accélérer le déroulement du procès. Mais au sein du groupe de Denniyé, la logique fait d’étranges détours. En tout cas, le ministre des Transports, M. Négib Mikati, a promis à leurs parents de faire de son mieux pour les aider. De leur côté, les autorités trouveront sans doute rapidement des solutions à la situation au sein de la prison, mais les détenus de Denniyé semblent toujours avoir l’avantage de la surprise, jamais à court de nouvelles idées pour semer le trouble, discréditer la justice et porter des coups parfois mortels aux juges, puisqu’ils seraient liés aux auteurs de l’assassinat des quatre magistrats de Saïda. Le procureur général Adnane Addoum a eu beau déclarer, à l’issue du soulèvement d’hier, que « la situation est totalement contrôlée et que les autorités puniront les coupables, selon les dispositions de la loi », il ne parvient pas à être convaincant. Un peu moins de contrôle sur les citoyens ordinaires et un peu plus de vigilance avec les fauteurs de troubles, tout en évitant les discours lénifiants, seraient sans doute plus efficaces. Face à des autorités qui agissent par à-coups, la détermination des membres du groupe de Denniyé devrait donner à réfléchir... et pousser à réagir. Scarlett HADDAD
En prison, les détenus du groupe dit de Denniyé sont aussi dangereux qu’en liberté. Depuis le 11 septembre et la concrétisation de la menace islamiste dans le monde, ils semblent avoir plus de détermination encore et multiplient les manœuvres d’intimidation à l’égard de la Cour de justice qui a entamé leur procès, il y a près de deux ans, et ne parvient toujours pas à...