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Téléphonie - Plus de 20 millions de dollars de revenus supplémentaires par mois pour l’État, souligne le ministère des P et T en réponse aux chiffres d’« al-Moustakbal » Pourquoi cherche-t-on à dévaloriser le marché du cellulaire ?

La guerre du téléphone cellulaire reprend de plus belle, mais dépasse décidément tout entendement. On croirait rêver : les milieux du Premier ministre, Rafic Hariri, en l’occurrence le quotidien al-Moustakbal (propriété du chef du gouvernement), s’emploient à dévaloriser purement et simplement le marché de la téléphonie mobile, alors que l’État se prépare à privatiser le secteur ; le ministère des Télécommunications réfute, chiffres à l’appui, les estimations d’al-Moustakbal sur ce plan ; le Conseil supérieur pour la privatisation (en charge du dossier de la privatisation du cellulaire) affirme que le ministère des Télécommunications ne lui a pas fourni les chiffres sur les revenus de la téléphonie mobile des quatre derniers mois ; et dans le sillage de cet imbroglio digne des parodies les plus cocasses, l’État fait montre d’une précipitation suspecte pour privatiser le GSM alors que la conjoncture régionale et internationale dans ce domaine n’est, au stade actuel, nullement favorable en raison, notamment, des risques de guerre en Irak et des retombées possibles au Liban. Comme le souligne le dicton populaire, « on vend au son du violon et on achète au son du canon ». Mais au Liban, dans les hautes sphères, l’on préfère, semble-t-il, « vendre » au son du canon... Comment espérer, dans de telles conditions, que les efforts de redressement du cabinet Hariri soient pris au sérieux par les instances internationales et les milieux d’affaires étrangers ? Face aux accusations et contre accusations que se lancent publiquement les hauts responsables, l’opinion publique se doit de réclamer des comptes aux officiels. C’est, en définitive, l’argent du contribuable qui est en jeu. Et le contribuable est en droit de s’interroger sur les raisons qui poussent certains cercles influents au sein même du pouvoir à dévaloriser de la sorte le marché du cellulaire. Est-il vrai que des « initiés », parmi lesquels plusieurs personnalités (très) haut placées, se sont déjà livrés à un partage du gâteau savamment dosé, dans la perspective de l’octroi de deux licences d’exploitation du secteur pour une période de 20 ans ? Des noms circulent à ce propos et les informations rapportées à cet égard par plus d’un média n’ont pas été démenties, ou l’ont été, dans un ou deux cas, d’une manière timorée. La guerre des chiffres autour du cellulaire a donc été relancée au cours des dernières vingt-quatre heures. Non pas par des milieux de l’opposition ou par des sociétés qui cherchent à se frayer une place au soleil, mais par le propre quotidien du Premier ministre. Dans son édition d’hier, al-Moustakbal a ainsi rapporté en bonne place, en tête de sa première page, une information détaillée dont il ressort que le service de téléphonie mobile subit des pertes mensuelles de 100 000 dollars par mois depuis que l’État a repris le contrôle du secteur, le 31 août 2002. La démarche du quotidien « haririen » est d’autant plus édifiante que le gouvernement vient de lancer l’appel d’offres pour l’octroi des deux licences d’exploitation du réseau. Cherche-t-on ainsi à décourager certaines sociétés étrangères « indésirables » qui pourraient être intéressées par cette privatisation ? Désire-t-on dévaloriser le marché du GSM pour que les initiés et certains hauts responsables puissent remporter les licences d’exploitation au plus bas prix ? Les soupçons qui planent à ce propos sont d’autant plus inquiétants que parmi tous les services publics (électricité, eau, télécommunications...), le cellulaire est celui qui est, de loin, le plus rentable. Toute l’infrastructure nécessaire est, en effet, déjà en place. La clientèle est acquise et le marché est appelé à se développer de plus en plus, compte tenu du fait que ce secteur est en pleine expansion, aussi bien au Liban qu’à l’étranger. Les affirmations d’« al-Moustakbal » Dans l’attente que les milieux officiels prennent la peine de fournir des explications convaincantes à l’opinion publique, la question qui se pose, pour l’heure, est de savoir s’il est vrai que l’exploitation du GSM a été perdante depuis le transfert de propriété à l’État. Les chiffres sur ce plan devraient parler d’eux-mêmes. À condition, évidemment, qu’ils soient disponibles et qu’il ne soient pas manipulés. Nous avons tenté, à plus d’une reprise, d’obtenir du Conseil supérieur pour la privatisation (CSP, proche de M. Hariri) le bilan des recettes du cellulaire au cours des quatre derniers mois. En vain. L’on nous répondait que le ministère des Télécommunications n’avait toujours pas communiqué ce bilan au CSP. Pourtant, le bureau du ministre Jean-Louis Cardahi nous a fourni sans délai les chiffres en question. « Il s’agit là de l’argent du contribuable qui, de ce fait, a le droit d’être informé », souligne-t-on au ministère. Qu’en est-il donc de cette guerre des chiffres ? Al-Moustakbal rapporte sur ce plan la moyenne des revenus de l’État provenant de la téléphonie mobile entre le 1er septembre 2002 et le 31 décembre 2002, c’est-à-dire après le transfert de la propriété du réseau à l’État. Le quotidien a fait à ce sujet une comparaison entre les revenus enregistrés au cours des quatre derniers mois de 2002 et ceux qui auraient pu être réalisés, durant cette même période, si le contrat BOT n’avait pas été résilié (dans ce dernier cas de figure, l’État ne percevait que 40 pour cent des revenus nets du cellulaire). Il ressort des chiffres fournis par al-Moustakbal que les revenus bruts mensuels perçus par l’État entre le 1er septembre et le 31 décembre 2002 se sont élevés, en moyenne, à 32 millions de dollars. La même source précise qu’il faut déduire de ce montant près de 6,68 millions de dollars, représentant ce que l’État doit assumer pour couvrir les intérêts débiteurs ainsi que le coût de la dépréciation du réseau et du développement du « software ». Ce qui signifie que les revenus nets mensuels s’élèveraient, après déduction, à 25,32 millions de dollars en moyenne pour la période considérée. Or, le quotidien du Premier ministre affirme que si le contrat BOT avait été maintenu, les revenus nets de l’État (soit 40 pour cent des revenus des opérateurs, conformément au BOT) se seraient élevés entre le 1er septembre et le 31 décembre 2002 à près de 25,42 millions de dollars, ce qui entraîne, selon la même source, une perte mensuelle moyenne de 100 000 dollars. Le ministère des Télécommunications contre-attaque Al-Moustakbal note en passant que les chiffres qu’il a fournis n’englobent pas la TVA et les communications internationales. C’est précisément à ce niveau que le ministère des Télécommunications dénonce la manipulation. Il souligne, en effet, sur base des chiffres officiels fournis par le bureau du ministre Cardahi, que si le quotidien du Premier ministre a inclus la TVA et les communications internationales dans son estimation des revenus qu’aurait enregistrés l’État si le BOT n’avait pas été résilié, il n’a pas en revanche pris en compte ces deux facteurs dans les revenus réalisés après le transfert de propriété, le 31 août 2002. En d’autres termes, al-Moustakbal a gonflé l’estimation des revenus théoriques si le BOT n’avait pas été résilié, mais dans le même temps, il a amputé (de la TVA et des communications internationales) les revenus après le transfert de propriété. D’où le déficit de 100 000 dollars évoqué par le quotidien. Le bureau du ministre Cardahi fournit, pour réfuter cette estimation, un tableau détaillé des revenus des deux opérateurs du GSM durant le contrat BOT (jusqu’au 31 août 2002) et à l’ombre du nouveau contrat de gestion (NCO) conclu après le transfert de propriété. Il ressort de ces chiffres que la moyenne des revenus mensuels de l’État dans le cadre du contrat BOT s’élevait à près de 26,6 millions de dollars pour la période comprise entre janvier et août 2002. Par contre, après le transfert de propriété, la moyenne des revenus mensuels de l’État, entre le 1er septembre et le 31 décembre 2002, a atteint près de 47,3 millions de dollars. Ce qui signifie que les revenus mensuels ont augmenté de plus de 20 millions de dollars par mois, en moyenne, entre septembre et décembre 2002, par rapport à la période du contrat BOT (voir tableau ci-contre). Cette guerre des chiffres ne devrait pas, cependant, occulter le fond du problème. Car le véritable enjeu reste les conditions dans lesquelles l’opération de privatisation devrait se réaliser. Et pour la majorité silencieuse, l’enjeu est beaucoup plus vital : il porte sur les pratiques du pouvoir, sur le droit de la société civile à réclamer des comptes et sur la nécessaire dissociation entre les « affaires » et la gestion de la chose publique. Michel TOUMA
La guerre du téléphone cellulaire reprend de plus belle, mais dépasse décidément tout entendement. On croirait rêver : les milieux du Premier ministre, Rafic Hariri, en l’occurrence le quotidien al-Moustakbal (propriété du chef du gouvernement), s’emploient à dévaloriser purement et simplement le marché de la téléphonie mobile, alors que l’État se prépare à...