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Actualités - REPORTAGES

Retour - Des milliers de libanais ont réservé un accueil émouvant au leader du Congrès populaire Kamal Chatila à Beyrouth après 16 ans d'exil (photos)

«Le voilà ! Il est arrivé». Le cri se perd dans les hurlements de la foule en transe et les haut-parleurs commencent à diffuser des chansons de bienvenue. Kamal Chatila franchit à pied les derniers mètres qui le séparent du terrain vague, au croisement des rues 62 et 34 du secteur Hamra, où ses partisans lui ont préparé un accueil populaire. Après 16 ans d’exil forcé, le leader du Congrès populaire ne parvient pas encore à croire à la réalité de ce retour, tant de fois annoncé et tant de fois contrarié. Il regarde la foule massée dans les rues étroites, sous la bonne garde des soldats de l’armée et des agents des FSI. En voyant les enfants et les adolescents brandissant ses portraits d’une main et le drapeau libanais de l’autre, il a les larmes aux yeux. En dépit de ses efforts pour rester présent sur la scène locale, il lui était arrivé de douter de son avenir politique. Aujourd’hui, une nouvelle page s’est ouverte pour lui et pour la rue sunnite. Kamal Chatila ressemble à ses portraits, il a juste les cheveux un peu plus blancs (contrastant avec une moustache très noire) et le sourire un peu moins conquérant. Symbole de la guerre dans les années 75-76, l’homme a activement participé aux affrontements interlibanais de cette époque. Mais de son riche passé de militant, lourd de volte-face pas toujours heureuses, les Libanais n’ont retenu que le véto syrien qui l’a contraint à l’exil en 1984. Nassérien convaincu, il avait commencé sa carrière politique en créant l’Union des forces actives du peuple (devenue plus tard le Congrès populaire), qui luttait pour l’arabité du Liban et qui avait eu son heure de gloire dans les années 70, ayant même porté au Parlement le jeune Najah Wakim. Au début de la guerre libanaise, son organisation avait commencé par s’opposer au mouvement national de Kamal Joumblatt et des partis dits de gauche, largement appuyés par la résistance palestinienne. Il en a même personnellement payé le prix, puisqu’il a dû quitter une première fois le pays en 1980, à la suite d’un conflit avec les organisations palestiniennes. Il s’était à l’époque réfugié à Damas où il est resté plus d’un an, pour ne rentrer à Beyrouth qu’à la fin de l’année 1981. Pendant plus de deux ans, il a combattu aux côtés des Palestiniens, contre le mouvement Amal. Ce qui lui a valu la colère des Syriens, qui, à partir de cette date, ont décidé qu’il ne devait plus y avoir de milices sunnites. C’est ainsi que Chatila a dû reprendre le chemin de l’exil. Il est resté 16 ans entre la France et l’Égypte essentiellement, mais n’a jamais coupé les liens avec son pays. Périodiquement, ses nombreux partisans distribuaient ses portraits et présentaient des candidats à toutes les élections législatives et municipales. Sans grand succès toutefois, le mouvement fonctionnait au ralenti en raison de l’opprobre frappant son chef. Ses années d’absence n’ont pas permis à ses ennemis de démanteler son mouvement ou de le jeter dans l’oubli. Parfaitement structuré, le Congrès populaire est resté bien implanté chez les sunnites, notamment à Beyrouth et particulièrement chez les jeunes universitaires. Le spectacle des milliers de jeunes venus l’accueillir hier dans le secteur Hamra en est la meilleure preuve. Une image qui reste floue Peu le connaissent réellement, mais tous croient voir en lui le leader tant attendu. Certains sont même venus de Tripoli ou de Saïda pour assister à son arrivée et être les premiers à lui serrer la main. Pourquoi ? «C’est un homme intègre, un homme de principes», disent-ils en chœur. Quels principes ? Les jeunes se troublent un peu. Chatila représente un rêve mais, comme dans un rêve, l’image n’est pas très nette. “La patrie d’abord”, telle est sa devise», précisent ses jeunes partisans, qui ne parviennent toutefois pas à définir cette devise. D’ailleurs, Chatila lui-même est aujourd’hui un peu flou. Parti par Damas, c’est par le même chemin qu’il revient, bien que son avion ait effectué un vol direct Le Caire-Beyrouth. Pour un dialogue national global Aux milliers de Libanais venus l’accueillir, il affirme n’avoir d’animosité contre personne. «Il est temps qu’un véritable dialogue national soit entamé, un dialogue qui n’exclurait personne, puisque le Liban est à tous ses fils». Au sujet des relations libano-syriennes, Chatila tient un langage modéré, précisant que ces relations comportent de bons et de mauvais aspects et qu’il serait bon de chercher à combler les lacunes, mais que cela ne peut se faire qu’à travers le dialogue. Il est par contre bien plus virulent concernant ce qu’il a qualifié de «coup d’État contre l’accord de Taëf, commencé par la fameuse troïka, sous le régime précédent». En tenant ces propos, Kamal Chatila annonce pratiquement sa nouvelle couleur. D’autant que selon des sources bien informées, les contacts précédant son retour ont été effectués par le président du Conseil Sélim Hoss. Avant de se rendre à Damas à la fin du mois d’août pour y rencontrer le président Bachar el-Assad, Hoss avait promis aux partisans de Chatila, venus lui rendre visite, qu’il évoquerait son retour au Liban avec les autorités syriennes. De fait, le président du Conseil a soulevé cette question avec le président syrien et la réponse est tombée claire et nette : «Il peut rentrer, nous n’avons rien contre lui». La nouvelle a été rapidement annoncée aux membres du Congrès populaire qui ont commencé à préparer le retour de leur leader. Il n’était bien sûr pas question qu’il rentre pendant la période des élections, mais il ne fallait pas non plus attendre trop longtemps, son absence ayant déjà trop duré. Que sa venue soit destinée à contrebalancer l’extraordinaire victoire de l’ancien président du Conseil Rafic Hariri à Beyrouth ou qu’elle s’inscrive plus simplement dans le cadre de l’ouverture envers les opposants, amorcée par la Syrie de Bachar el-Assad, elle demeure malgré tout positive. Même si pour certains Libanais, Chatila demeure l’un des symboles d’une guerre honnie. Seize années d’exil n’ont donc pas réussi à détruire sa popularité. Dans un pays qui se reconstruit, qui veut consolider son unité face aux multiples dangers qui continuent à menacer son entité, les milliers de personnes venues accueillir le chef retrouvé ont montré à ceux qui en doutaient encore que le peuple ne reprend confiance dans son destin qu’en retrouvant les leaders qu’il chérit. Nul ne devrait donc se sentir exclu à cause d’un véto décrété par un pays étranger, fut-il un frère ou un allié. Le calvaire de Kamal Chatila est terminé. À quand le tour des autres exclus ?
«Le voilà ! Il est arrivé». Le cri se perd dans les hurlements de la foule en transe et les haut-parleurs commencent à diffuser des chansons de bienvenue. Kamal Chatila franchit à pied les derniers mètres qui le séparent du terrain vague, au croisement des rues 62 et 34 du secteur Hamra, où ses partisans lui ont préparé un accueil populaire. Après 16 ans d’exil forcé, le...