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Actualités - OPINION

Soignez-les, ils saignent

Des dizaines, plusieurs dizaines de Libanais, revenus de là-bas, des dizaines à avoir refait leur même chemin de croix – sauf que cette fois-là, c’était en sens inverse. Des hommes, des femmes, des enfants qui ont passé des heures entières à bourrer, une nouvelle fois, leurs valises. Ils y ont mis leurs kilos de vêtements, toutes leurs peluches, ces gadgets idiots, ces reliques sentimentales auxquelles ils tiennent tellement et qu’ils avaient pris avec eux, cette nuit-là, pour ne jamais oublier là où ils étaient nés, là où ils avaient grandi, là où ils avaient aimé. Ils y ont mis leurs tonnes de manques, leurs estomacs noués, leurs poings serrés, leurs envies, leurs besoins de Liban. Leur putain d’envie de vivre et de se battre, celle-là même qui leur a souvent fait défaut là-bas – rejetés par les Palestiniens, évités par les juifs – cette putain d’envie de vivre, ils l’ont retrouvée, dans leur tête, dans leurs jambes, et ils l’ont mise, elle aussi, bien en évidence, sur le dessus de chaque valise. À quelques heures de leur départ, ils étaient forts – tellement forts. Forts de toutes les promesses, de tous les encouragements maintes et maintes fois entendus dans la bouche d’un grand nombre de dirigeants libanais. Forts parce qu’ils savaient que leurs mamans, que leurs papas allaient les attendre, derrière les barbelés, sous le soleil exactement, pour les prendre dans leurs bras, essuyer leurs larmes, leur sueur. À quelques heures de leur départ, ils avaient le cœur en chamade, la tempête sous leur crâne, aucune assurance, toutes les appréhensions du monde, leurs dirigeants après tout n’étant pas à une promesse creuse près – mais une certitude, une seule : c’est ici, au Liban, qu’ils veulent jouer leur vie. M. Berry, vous êtes député du Liban-Sud, vous êtes toujours le deuxième personnage de l’État, probablement continuerez-vous à l’être. Il n’y a pas une semaine, vous leur déclariez, M. Berry, que « la justice libanaise a déjà prouvé sa clémence, qu’elle était de loin préférable au recours à l’ennemi», vous souhaitiez leur retour. M. Berry, ils ont cru en vous, donnez l’exemple à vos collègues, faites en sorte que pour une fois, des promesses soient tenues, M. Berry, soignez-les, vous aussi, ils saignent, ils ont besoin d’un État. Parce que leur seule faute, c’est d’avoir voulu, 22 ans durant, survivre. Et résister.
Des dizaines, plusieurs dizaines de Libanais, revenus de là-bas, des dizaines à avoir refait leur même chemin de croix – sauf que cette fois-là, c’était en sens inverse. Des hommes, des femmes, des enfants qui ont passé des heures entières à bourrer, une nouvelle fois, leurs valises. Ils y ont mis leurs kilos de vêtements, toutes leurs peluches, ces gadgets idiots, ces...