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Actualités - OPINION

En défaut d'oubli

Le Liban vit en ce moment un grand psychodrame, dont il n’a pas le temps de digérer les chocs. La libération, puis les élections, c’est trop en un si bref intervalle. Un peuple livré aux cagnottes de la société du spectacle, un peuple rendu stérile par la fatigue, la chaleur et la télévision, hébété par ce qu’on lui livre en pâture, un peuple exploité par les zaïms de passage, maintenu dans la crédulité et la démagogie, un peuple à la mémoire courte a choisi. Mais il faut craindre que la plupart de ceux qui ont été élus soient de la race de ceux qui savent arriver au pouvoir, mais pas nécessairement l’exercer. Elle existe, et l’histoire du Liban en est pleine. On a accusé les élections de Beyrouth d’être un véritable détournement de volonté populaire. Un détournement dont les moyens sont illégaux, car les moyens matériels mis en œuvre étaient de nature à infléchir la volonté populaire en l’engourdissant. Et anticonstitutionnels parce que la campagne a réveillé des sentiments confessionnels qui vont dans le sens d’un éclatement de la société libanaise. Nous récolterons ce que nous avons semé. Au risque d’aller à contre-courant, la campagne de Télé-Liban avait ceci de salutaire qu’elle nous a remis en mémoire, tardivement et maladroitement, hélas, des données qui doivent faire partie de notre mémoire collective. Cette campagne devrait se poursuivre et s’étendre à tout ce qui est antinomique au Liban, y compris à l’Administration parallèle mise en place par le régime et qui a fini par interférer avec le pouvoir administratif réel et même avec le pouvoir politique. Cette même mémoire collective prise en défaut d’oubli, au cours des élections législatives, l’avait déjà été à l’occasion de la libération de la bande frontalière. Ces miliciens vaincus, chassés de leurs foyers ou jetés en prison, sont les victimes d’une seule interprétation de notre histoire, la dernière en date. Or, c’est de différents moments de notre conscience historique qu’il faut tenir compte en écrivant notre histoire, en constituant notre mémoire et donc notre avenir. Il nous faut dépasser les clivages et les blocages qui font que nous en restons au même point, que notre histoire piétine, que nous en restons à être plusieurs tribus qui se battent pour le pouvoir. Notre histoire commune est faite de plusieurs épaisseurs historiques, qui correspondent à autant de sensibilités politiques, et pour en rendre compte, ce n’est pas un discours idéologique qu’il faut, mais un discours historique et sociologique. L’histoire qui doit s’écrire doit tenir compte de toutes les sensibilités afin de les dépasser toutes et de déboucher sur une mémoire collective où tous les Libanais se reconnaîtront.
Le Liban vit en ce moment un grand psychodrame, dont il n’a pas le temps de digérer les chocs. La libération, puis les élections, c’est trop en un si bref intervalle. Un peuple livré aux cagnottes de la société du spectacle, un peuple rendu stérile par la fatigue, la chaleur et la télévision, hébété par ce qu’on lui livre en pâture, un peuple exploité par les zaïms...