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Actualités - ANALYSE

Liban-Sud : en attendant une redistribution des cartes

Les élections au Liban-Sud ressemblent un peu à ces courses de fond au sujet desquelles les commentateurs sportifs ont l’habitude d’écrire qu’il y a «deux courses dans la course». La course principale, celle où les jeux sont faits d’avance, et l’autre, celle des coureurs de seconde zone. Dans les élections dans les deux mohafazats du Sud, il y a les candidats des deux grandes formations politiques chiites, le mouvement Amal et le Hezbollah, et les autres, tous les autres, régions et candidats confondus. Cette réalité strictement électorale se double d’une interrogation politique, plus subtile. Pourquoi, malgré le retrait israélien, le Sud du pays doit-il continuer d’être soumis au régime d’exception. La loi électorale, en effet, y prévoit deux circonscriptions. Pourquoi dès lors doit-on aller aux urnes en un seul bloc pour élire 23 députés que rien souvent ne rassemble. Réforme chéhabiste Rappel : sous le mandat Chéhab, la ville de Saïda, presque totalement sunnite, était devenue une seule circonscription électorale, avec un seul député. Elle était représentée à la Chambre tantôt par Dr Nazih Bizri, une des figures du sunnisme politique pur et dur, et tantôt par Maarouf Saad, un des grands chantres de l’arabisme et plus particulièrement du nassérisme. C’est lui qui a mené à Saïda la Résistance populaire de 1958 et c’est sa mort brutale en mars 1975 qui a été le détonateur de la dernière guerre. À Jezzine, le problème est tout autre, bien que le souci du législateur de la fin des années cinquante soit le même : éviter aux députés de cette région de faire de la «figuration» en les noyant dans une masse d’électeurs non chrétiens. Dans les années soixante, la région avait été dotée de trois sièges au Parlement : deux maronites et un grec-catholique. Si souvent ce troisième siège posait problème pour le pouvoir (d’où la tentation qu’avaient certains hommes d’affaires de la capitale d’aller se faire élire à Jezzine), par contre les deux députés maronites étaient toujours de la région. Partagée qu’elle était entre une certaine fidélité à un féodalisme traditionnel bon enfant et une volonté certaine de changement, Jezzine a souvent permis à certaines figures jeunes de se faire élire et de briser ainsi des tabous que beaucoup d’autres régions chrétiennes libanaises n’ont pas encore réussi à éliminer. Reste à mentionner la troisième nuance qui concerne l’ancienne circonscription de Marjeyoun-Hasbaya. Là, les choses sont liées à une personne et à un parti : la personne c’est M. Habib Sadek, et le parti c’est le Parti communiste libanais. Le premier s’est toujours distingué par sa lutte contre le féodalisme local. Actuellement le PCL n’a plus besoin de la couverture Sadek. Son engagement dans la grande mouvance islamo-progressiste sous la houlette de M. Kamal Joumblatt, et plus tard dans la résistance contre l’occupation israélienne lui a permis de s’affirmer au grand jour comme un acteur sur la scène électorale, plus particulièrement dans la région de Marjeyoun. Mais il connaît un handicap sérieux : son secrétaire général adjoint, M. Saadallah Mazraani, qui espère pouvoir avoir sa chance dans la course au Parlement, appartient à la communauté chiite. Cela rend sa tâche difficile face à des formations qui dominent actuellement la scène électorale. Comment le refus dans ces trois hauts lieux du particularisme du Liban-Sud va-t-il pouvoir s’exprimer ? Vote-sanction Les données n’étant pas les mêmes dans les trois régions, contrairement aux soucis qui sont identiques, l’expression du refus de ce rouleau compresseur qui a transformé ce cinquième du Liban politique en une chasse gardée à la disposition d’une masse électorale uni-confessionnelle s’exprimera de manière différente : il pourra aller du vote-sanction à l’abstentionnisme. À Saïda, lors du précédent scrutin de 1996, le président de la Chambre, M. Nabih Berry, et le Hezbollah, qui avaient chacun ses raisons pour ménager l’électorat de Moustapha Saad et de Bahia Hariri, ont préféré ne faire mentionner aucun des deux noms sur leurs bulletins électoraux respectifs. Il est fort possible que ce même scénario se reproduise. Mais il n’est pas à exclure aussi qu’un front du refus puisse se dégager, juste au niveau de la ville et de sa proche banlieue. Ce front qu’essaie de former le Dr Abdel-Rahman Bizri, fils de l’ancien ministre et député de la ville, commence à se former, et pourrait constituer la surprise à Saïda : À Jezzine, même si les raisons du refus sont identiques, la réponse pourrait être légèrement différente. Là certains commencent à parler d’un vote-sanction, un vote lié au refus de cette exclusion politique à laquelle la région a été soumise durant de longues années. À Marjeyoun enfin, le PCL entend sortir le grand jeu. Convaincu cette fois que ses candidats n’ont pas le moindre espoir, il est à parier qu’il se fera le champion d’un vote purement contestataire. Il n’hésitera donc pas à lancer dans la bataille des personnalités connues pour être proches de la Résistance, dans le simple but de réserver sa place pour l’avenir. L’ombre du passé Les Libanais ont très bien compris qu’une situation, si longue qu’elle ait été, peut être inversée du jour au lendemain. Ils ont retenu cette leçon et agissent en conséquence. Au Liban-Sud, sur les 23 députés, 14 sont chiites. Il est normal que les 9 autres, les 3 sunnites, les 2 maronites, les 2 grecs-catholiques, le grec-orthodoxe, et le druze, ne se sentent pas à l’aise. Mais il est vrai aussi qu’une fois les sources, au sens matériel et moral du terme, de la victoire taries, une nouvelle distribution des cartes se fasse. La bataille électorale actuelle dans la région s’inscrit dans cette optique.
Les élections au Liban-Sud ressemblent un peu à ces courses de fond au sujet desquelles les commentateurs sportifs ont l’habitude d’écrire qu’il y a «deux courses dans la course». La course principale, celle où les jeux sont faits d’avance, et l’autre, celle des coureurs de seconde zone. Dans les élections dans les deux mohafazats du Sud, il y a les candidats des deux...