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Actualités - REPORTAGES

Des négociations compliquées, mais pas dangereuses

Venus accueillir Marie Moarbès détenue depuis 120 jours à Jolo, les 44 journalistes libanais commencent eux aussi à se sentir otages en Libye. Les autorités libyennes ont beau déployer des trésors d’hospitalité, pour les journalistes, le climat général est à la déception et au sentiment d’impuissance. Tout le monde – et particulièrement les Libyens – se sent pris au piège de ces négociations interminables. Et pour le régime libyen – qui voulait, à travers la libération des otages occidentaux, opérer un retour en force sur la scène européenne –, c’est sa crédibilité qui est en jeu. Les sources les plus optimistes parlent d’une libération aujourd’hui et les autres laissent entendre que le happy end pourrait coïncider avec l’anniversaire de la révolution libyenne, le 1er septembre. De quoi faire sortir de ses gonds le ministre Sleiman Traboulsi, au calme pourtant légendaire, et dont la principale activité dans sa suite à l’hôtel Méhari est d’apaiser les journalistes... «J’affronte moi aussi une grève à l’EDL, répète-t-il en permanence. Mais nous devons attendre encore. Partir serait un terrible constat d’échec et provoquerait le désespoir des familles des otages». Tout le monde attend donc et le secrétariat du peuple pour les Affaires étrangères (ministère) organise des visites touristiques, alors que l’ambassadeur du Liban à Tripoli Moustapha Hamdane (parent du chef de la garde présidentielle) a donné un dîner pour toute la délégation libanaise. Toutes ces activités ne parviennent toutefois pas à détourner l’attention de l’essentiel : l’affaire des otages de Jolo. Et, lorsque jeudi soir, les journalistes ont été convoqués à une conférence de presse, ils ont tous cru que les autorités libyennes comptaient faire d’importantes révélations. Même l’émissaire allemand Cornelius Sommer a tenu à être présent. Finalement, c’est une religieuse italienne sœur Rachel qui est montée à la tribune pour raconter comment des rebelles ont enlevé des élèves en Ouganda (sœur Rachel tient une école dans le sud de ce pays) et elle est là pour demander l’intervention du colonel Kadhafi... L’histoire est sans doute poignante mais nul ne parvient à s’y intéresser vraiment. M. Sommer retourne au coffee shop de l’hôtel, un vague sourire aux lèvres. Il continue à croire que le mauvais temps a retardé la libération des otages et que celle-ci devrait commencer aujourd’hui, si l’hélicoptère affrété, ainsi que l’avion, par la Libye peut atterrir à Jolo. L’émissaire allemand continue aussi à parler des 17 otages, même s’il laisse entendre que si les ravisseurs libèrent 14, «nous n’allons pas les leur renvoyer». Toutefois, si les Européens acceptent une libération incomplète, le sort des trois otages restants (l’équipe de France 2) deviendrait très difficile à résoudre. Ce qui inquiète grandement les Français, qui s’estiment lésés dans les négociations. Et finalement, les cartes semblent se brouiller : les Européens négocient entre eux et avec les Libyens, qui négocient avec les Philippins et avec le groupe Abu Sayyaf... Pour M. Sommer qui a une grande expérience de ce genre d’affaires, ces négociations «sont très compliquées, mais moins dangereuses que celles pour la libération des otages au Liban». Ce n’est sans doute pas par hasard que l’Allemand, qui a joué un rôle important dans les négociations au Liban, M. Wolfang Guttelman, est actuellement ambassadeur d’Allemagne à Manille. Pour M. Sommer, si l’ancien chef de la police secrète allemande (qui avait effectué une médiation entre le Hezbollah et les Israéliens) joue un rôle dans les négociations de Jolo, il n’a aucun titre officiel. L’émissaire allemand, qui affirme que son ministre, Jochka Ficher, se rendra à Tripoli lorsque l’avion libyen aura décollé de Manille, raconte encore qu’au départ, le gouvernement philippin n’était pas très chaud pour la médiation libyenne, craignant qu’elle ne soit favorable aux ravisseurs, en raison de certaines relations anciennes entre l’un des chefs du groupe et la Libye. Par contre, les Occidentaux et bien sûr les Libanais et les Sud-Africains appuyaient cette médiation, estimant que la Libye pourrait aboutir à une solution, tout en y recueillant des avantages. C’est pourquoi lorsque des émissaires de l’organisation caritative dirigée par Seif al-Islam, le fils du leader libyen, ont offert leurs services, les Occidentaux ont sauté sur l’occasion. Depuis, tout le monde attend. La pluie de Jolo a encore brouillé les cartes et les Libyens, eux aussi, commencent à s’impatienter. Comment sortir de l’impasse ? Tout dépendra de l’ampleur des concessions que l’Europe accordera à la Libye. À Tripoli, on espère que d’ici à demain, l’éclaircie tant attendue se précisera.
Venus accueillir Marie Moarbès détenue depuis 120 jours à Jolo, les 44 journalistes libanais commencent eux aussi à se sentir otages en Libye. Les autorités libyennes ont beau déployer des trésors d’hospitalité, pour les journalistes, le climat général est à la déception et au sentiment d’impuissance. Tout le monde – et particulièrement les Libyens – se sent pris...