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Actualités - INTERVIEWS

Portrait - Le député du Metn semble être en train de fédérer, autour de lui, de plus en plus de libanais Lucky Luke entre humour et pugnacité, Nassib Lahoud s'en va-t-en guerre (photo)

Il s’appelle Nassib Lahoud. Et cela faisait longtemps. Bien trop longtemps. Bien trop longtemps que les Libanais n’avaient plus adhéré, ensemble. À des idées. À des valeurs plutôt. À une façon de (conce)voir la politique. De rêver le Liban, sa souveraineté, sa liberté. À une façon de se battre pour un État de droit. Une démocratie. De réformer, c’est-à-dire de changer, de faire évoluer une mentalité, un atavisme géographique, historique, comportemental, une façon de faire évoluer un pays. De se battre contre la tricherie, l’injustice, la corruption. Une façon de refuser, férocément l’attentisme, un signe du Ciel. De refuser la résignation. La résignation surtout. Les Libanais en général – quelle que soit leur confession, quel que soit leur âge – semblent avoir trouvé un référent. Un modèle. Et pour les jeunes, c’est de plus en plus visible, une «idole» – politique – est née. Le constat est d’importance, et sa portée indiscutable. Parce qu’à l’heure où les 18-35 ans se massent en foule aux portes des ambassades pour mendier des visas, Nassib Lahoud est en train de leur donner, apparemment, à réfléchir. Les jeunes Libanais se posent, de nouveau, des questions. De nouveau, ils recommencent à se rendre compte. Ils recommencent à se rendre compte qu’il existe au Liban des hommes politiques sans trop de démagogie et capables de (re)présenter, aux plus hauts postes d’un État que ces jeunes estiment, en majorité, dégénérescent, leurs vouloirs. Leurs idéaux. Leurs espoirs. Capables de les fédérer. Les jeunes Libanais, chrétiens comme musulmans, même – ou justement parce qu’ils se désintéressent de plus en plus dangereusement de la chose publique, détestent les Goliath, combattent, tout naturellement, aux côtés des David. Nassib Lahoud brigue une nouvelle fois un des sièges maronites de la circonscription du Metn-Nord. Il est le moteur de «La liste de la liberté», et il mène un combat de titans contre le ministre de l’Intérieur Michel Murr qui préside l’autre liste de la région. Et au-delà, un combat contre toutes les injustices, toutes les tares d’une démocratie chancelante à bien trop d’égards. Sauf qu’en y réfléchissant à deux fois, et loin de vouloir – ou de pouvoir – réduire ou caricaturiser son action en lutte du Bien contre le Mal – le «monochrome» n’existe pas – c’est un combat pour, plutôt qu’un combat contre, qu’a entrepris Nassib Lahoud. Un combat pour un renouveau démocratique. Un combat pour toutes les libertés. Pour le Liban. Nassib Lahoud s’en va-t-en-guerre. Portrait... De l’importance d’être constant... Nassib Lahoud ne dort pas beaucoup en ce moment, et à côté de sa ténacité, de ses certitudes, il garde le sourire. L’humour et la détermination comme armes absolues contre toutes les saletés. Qu’est-ce que ça fait d’être une «idole» ? En a-t-il conscience Nassib Lahoud ? «Je commence, un peu plus chaque jour, à m’en rendre compte, à percevoir le soutien de la part d’un large éventail de la population. Et sans qu’il y ait nécessairement adhésion ou approbation de mes idées, je sens que les gens comprennent ce que je fais». Et comment il l’explique ? «L’image que la classe politique donne d’elle-même n’est pas particulièrement flatteuse, je crois que les gens ont compris mes convictions, profondes, et ma cohérence, mon parcours général leur semble avoir un sens». Nassib Lahoud n’abreuve personne de réponses simplistes, «j’essaie simplement de démystifier certains problèmes, de les décortiquer, de faire en sorte de rendre les rêves que les Libanais ont en commun réalisables, de mettre l’accent sur leur faisabilité». Une évidence, si l’on se base sur ses huit ans de travail parlementaire : Nassib Lahoud semble être un homme politique constant. «Ce que j’ai refusé à M. Hariri, je l’ai refusé à M. Hoss, j’ai protesté contre les mêmes abus, en essayant de dépersonnaliser mon action politique, que ce soit un combat d’idées, de valeurs, plutôt que celui d’un homme». Et la confiance ? «Il est évident qu’il doit y avoir, à la base, une confiance en la personne, en son parcours». Mais comment peut-on rester constant lorsque l’on fait de la politique au Liban ? «Les compromis sont incontournables et nombreux. Les compromis, pas les compromissions...». L’image que véhicule Nassib Lahoud, cette légende qui commence à lui coller à la peau – beaucoup de personnes ne parlent que de lui sans jamais l’avoir vu, ou suivi ses discours – est presque trop parfaite, trop idéale, un peu déshumanisée. Il a certainement des défauts, des limites, non ? Nassib Lahoud se tait, sourit, réfléchit. «C’est simplement qu’il y en a trop...». On lui reproche parfois de ne pas être très proche de sa base, c’est vrai ? «Je suis proche de ma base sans être un député-piston, je rends tous les services possibles lorsqu’ils sont légaux... Ce que je me reproche de ne pas avoir réussi à faire, c’est de créer un groupe de travail, un mouvement politique qui pourrait profiter de la créativité et du dynamisme des jeunes». Et l’homme ? «Je pense que l’extrême exigence que j’ai envers moi-même et envers les autres peut devenir un gros défaut, une limite, oui». L’intransigeance à visage humain Qu’est-ce qui le fait pleurer, Nassib Lahoud ? «Certainement le départ d’un être cher». Et rire ? La réponse fuse, spontanée : «Tout ! Je suis extrêmement sensible à l’humour des autres». En a-t-il lui ? «Enfin, j’espère... Dans tous les cas, en famille, avec mes enfants, l’humour, les piques, l’irrévérence affectueuse sont plus qu’encouragés». Ce qui le met en colère, «une colère complètement démesurée», c’est le mensonge. Il rêve, Nassib Lahoud ? «Bien sûr que oui, maintenant, c’est de vacances. Et d’un Liban “normal”, qui ne saute pas, comme il le fait depuis une dizaine d’années, d’une crise l’autre». Et la présidence de la République ? «J’y pense. Mais ça m’obsède beaucoup moins qu’avant. Mes 56 ans probablement...». Et quand tout va mal, où est-ce qu’il la puise sa force? «Je relativise, je remets les compteurs à zéro. Et puis, il y a ma famille, mes amis». Et ce nom, empreint d’Histoire, d’histoires... «Mon nom avait une très grande importance pour moi lorsque j’étais jeune, maintenant beaucoup moins». Et un de ses proches collaborateurs qui nous raconte «Nassib Lahoud», la juxtaposition entre Lahoud, «la tradition, le clan» et Nassib, «la modernité, le réformisme plus en phase avec la réalité immédiate». Une question : Et si Michel Murr se trouve assis à côté de lui, face à lui, qu’est-ce qu’il lui aurait dit, les yeux dans les yeux ? «Je lui aurais simplement demandé dans quelle mesure il serait capable de gérer lui-même une bataille électorale, dans un contexte d’élections libre et compétitif. La vraie légitimité populaire se forge quand on gagne une bataille dans un contexte neutre ou lorsque l’on est dans l’opposition, et non pas dans un contexte d’hégémonie». Nassib Lahoud de A à Z Le principe est simple : nous avons choisi, pour Nassib Lahoud, 26 mots – les 26 lettres de l’alphabet, lui demandant ce que chacun d’entre eux lui inspirait, à quoi chacun de ces 26 mots lui faisait penser. Sauf que Nassib Lahoud est un homme extrêmement pudique, rationnel, «c’est la première fois que l’on me fait faire ça», dira-t-il au départ, presque réticent, un peu embarrassé, un peu pris au dépourvu. Mais au fur et à mesure que l’on égrène avec lui l’alphabet français, le député de Baabdate se détend, commence à sourire, se dévoile, alterne éclats de rire et réponses plus sérieuses, légèreté et gravité, amertume et espérances. Le Nassib Lahoud qui se dévoile alors, loin des méandres marécageux de la bataille électorale qu’on lui impose, est assez inattendu. La preuve par 26... Acteurs. «Cinéma». Et dans votre vie professionnelle, vous en côtoyez beaucoup ? «Ce cinéma-là est primaire. Tout le talent d’un acteur, c’est de donner l’impression qu’il est naturel. Alors...». Bataille. «Électorale, évidemment». Comment elle se passe celle-là ? «Dans ma vie je n’ai gagné aucune bataille facilement, aucune. Parfois je m’en plains, mais ça me stimule. Celle-là est excitante». Cadeau. «Ces dix dernières années, je n’en ai reçu aucun». Et le plus beau cadeau que votre femme vous ait fait ? «Mes enfants». Dollars. «Depuis dix ans, j’en dépense beaucoup plus que je n’en gagne». Quelle couleur vous auriez choisi pour les dollars ? «On est tellement habitués au vert. Je ne sais pas. Le bleu ?». Envies. «L’impatience de les réaliser sur-le-champ». Femmes. «Il y a la mienne. Et ma fille Joumana commence à lui faire concurrence». Grèves. «Injustices sociales». Comment les faire reculer ? «Il faut en être conscient d’abord...» Héros. «Je n’ai jamais pu placer tous mes idéaux en une seule personne». Invitation. «Il y a celles que l’on recherche, celles que l’on subit». Jeunesse. «Trop contestataire et pas assez engagée, dynamique. Il faut politiser les jeunes, leur donner l’accès au pouvoir, les sortir de la contestation et les inclure dans les mécanismes décisionnels». Khalass. «Khalass à la corruption. Au défaitisme. À la résignation. Au deus ex machina, à l’attente du miracle». Lucky Luke. «Un de mes héros préférés de jeunesse». Le cow-boy justicier solitaire, en chasse contre tous les Daltons... Métissage. «Le Liban devrait être une mosaïque et pas un melting-pot. Un projet national et pas une fusion artificielle». Naufragé. «Le Liban est incoulable. Tant qu’il a sa jeunesse, sa colonne vertébrale». Œil. «Mes verres de contact…» Portrait. «Je suis contre le portrait-robot, contre les étiquettes, les idées préconçues». Qu’est-ce-qui-fait-pleurer-les-blondes ? «Les rides !» Réconciliation. «Non. Plutôt un projet en commun qui cimente – pas de baisers, de tapes dans le dos sans lendemains». Sentimental. «Certainement. Je le suis et j’en suis fier». Terminus. «Jamais». Urgence. «Je déteste, mais ça semble être mon pain quotidien». Vulgarité. «J’aime la simplicité pas la vulgarité». Une femme vulgaire vous la trouvez belle ? «Parfois... Belle, oui, sans être attirante». Wanted. «Le changement. Être “alive and kicking”, vivant et fonceur». X. «Polytechnique. Ou cet(te) inconnu(e) que l’on intègre». Yéti. «Un monstre attachant». Zorro. «Anti-Zorro. Anti-homme providentiel. Anti-deus ex machina». Nassib Lahoud semble être aujourd’hui un homme qui fédère. Relativement loin de la démagogie. Des vestes qui tombent en lambeaux à force d’être retournées. Juste parfois ces «obligations», ces limites inhérentes à la politique libanaise. Nassib Lahoud semble être aujourd’hui l’homme qui rassemble. Encore fraudra-t-il qu’il aille jusqu’au bout...
Il s’appelle Nassib Lahoud. Et cela faisait longtemps. Bien trop longtemps. Bien trop longtemps que les Libanais n’avaient plus adhéré, ensemble. À des idées. À des valeurs plutôt. À une façon de (conce)voir la politique. De rêver le Liban, sa souveraineté, sa liberté. À une façon de se battre pour un État de droit. Une démocratie. De réformer, c’est-à-dire de...