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Actualités - REPORTAGES

Drame - L'effondrement de trois immeubles, c'était il y a cinq mois Les habitants de Byaqout dans l'attente d'une solution radicale

«Quand nous nous sommes mariés, nous n’avions pas d’argent. Nous avons fait des économies pour payer le prix de cet appartement, 30 000 dollars. Comment pouvons-nous tout recommencer ?» C’est ainsi que cette jeune femme avec deux bébés sur les bras crie son désespoir. Comme deux cents autres familles, son mari et elle s’étaient trouvé un toit dans des complexes résidentiels à Byaqout, au Metn. Mais les immeubles n’avaient pas résisté à une combinaison de terre argileuse et de carrières toutes proches. Trois sont déjà détruits et les autres figurent dans une zone dangereuse. Les habitants ont été évacués en février. Depuis, aucune indemnisation à l’horizon. Ils organisent un sit-in depuis une semaine devant le Parlement. Hier, la cinquantaine de propriétaires d’appartements à Byaqout qui manifestaitent devant le Parlement se plaignaient des solutions promises par les autorités et sans cesse reportées. «Sommes-nous libanais ?» s’écrie l’un d’eux. «Qui est responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons ? Certains ont perdu leur maison, d’autres vivent en danger». Un autre habitant donne sa version des faits : «Quand le drame a eu lieu, le 17 février 2000, et que nous avons été évacués de nos maisons, l’État nous a payé l’équivalent de quatre mois de location afin que nous ne restions pas dans la rue. Mais depuis deux mois, nous ne recevons rien du tout. C’est parce que nous avons décidé d’entamer une action devant le Parlement que l’État a décidé de nous avancer trois nouveaux mois de location. Toutefois, cette solution ne saurait être radicale». Un tel règlement, selon les manifestants, passerait soit par une consolidation du terrain qui permettrait aux propriétaires de regagner leur foyer, soit par des indemnisations. Or, la plus grande partie des immeubles se trouvent dans la zone A, qui ne peut être consolidée. Qui est supposé indemniser les propriétaires ? «C’est l’État qui devrait nous rendre notre argent et faire payer le propriétaire ensuite», réclament-ils. «Où va l’argent des taxes que nous payons ? Qu’ils ne nous parlent pas des propriétaires. Ils possèdent des permis accordés par l’État et c’est pour cette raison que nous avons acheté ces appartements». «D’ailleurs, poursuit l’un des manifestants, les promoteurs du projet sont certainement soutenus par l’État. Comment expliquer qu’ils n’aient même pas passé quelques heures en prison ?» Ont-ils songé à un procès ? «Aucun avocat n’accepte de se charger de l’affaire», disent-ils. «Notre but n’est pas de déterminer les responsabilités. Nous voulons rentrer dans nos droits». Selon les habitants, aucune mesure sérieuse n’a été prise sur le terrain ; aucun responsable politique ne les a vraiment soutenus. Interrogés sur le montant des indemnisations qu’ils réclament, ils font remarquer que personne n’en parle encore. Personne non plus n’ouvre le sujet des carrières qui se trouvent juste sous les complexes résidentiels, et qui auraient joué un rôle dans la catastrophe. Un rôle de premier plan selon les habitants. Le sable et les rochers provenant de ces carrières ont fini dans la marina de Dbayé, selon eux. Par ailleurs, l’ingénieur du projet, M. Élie Zeinoun, est également président de la municipalité. Murr : « Le Haut comité de secours débattra de la question » Un rapport du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), établi fin mars selon les habitants, classe toute la région zone de danger (à différents niveaux). M. Négib Mikati, ministre des Travaux publics, qui sortait du Parlement, a été abordé par les manifestants. Il a déclaré que le Conseil des ministres n’avait pas encore reçu le rapport. «Voulez-vous qu’on vous l’envoie par courrier ?», lui a crié un manifestant. Un autre nous a déclaré : «Il y a vingt jours, une réunion s’est tenue au ministère de la Défense. Il a été décidé d’envoyer ce rapport dans les quelques jours qui suivent au Conseil des ministres. Comment se fait-il qu’il n’y soit pas encore ?» Par ailleurs, M. Mikati a promis que le dossier serait étudié en priorité en Conseil des ministres, mais qu’il ne pouvait «ajouter à l’ordre du jour un article qui n’y figure pas», et qu’il fallait que «des solutions accompagnent le constat du CDR». Mais c’est le ministre de l’Intérieur et député du Metn, M. Michel Murr, que les manifestants attendaient vraiment. Et, contrairement à ce qu’on aurait pu craindre, les propos qu’il a tenus les ont calmés. «Je vous ai déjà déclaré que votre dossier a été transféré au Haut comité de secours (dont M. Murr est vice-président)», leur a-t-il dit. Un des habitants lui a fait remarquer que selon le Premier ministre, le Haut comité de secours n’avait pas les moyens de les indemniser. «Je vous dirai quelle est la solution si vous voulez bien m’écouter», précise-t-il. «Il existe trois parties dans cette affaire : les propriétaires, les promoteurs (qui sont responsables, comme le constate le rapport du CDR) et l’État. Vous parlez de cette affaire comme si l’État était votre adversaire». M. Murr a demandé aux manifestants de former une délégation de dix personnes qui se réunirait avec lui. «Le Premier ministre a dit que la caisse du Haut comité de secours ne pouvait disposer de telles sommes», poursuit-il. «Mais je suis vice-président de cette institution et je peux vous dire qu’elle n’a pas encore débattu de la question. Nous déciderons alors où nous procurer l’argent nécessaire pour contribuer aux indemnisations. Nous avons déjà dépensé 300 000 dollars pour les loyers». Interrogé sur la possibilité de faire assumer une partie des responsabilités aux responsables des carrières de Nahr el-Mott, M. Murr répond, catégorique : «Il n’y a pas de carrières». Hier, les manifestants qui se trouvaient place de l’Étoile se déclaraient déçus par la façon dont l’État a pris en charge le dossier. Ils ont quand même quitté les lieux avec l’espoir qu’une nouvelle tentative ne serait pas vaine. Après tout, qu’ont-ils encore à perdre ?
«Quand nous nous sommes mariés, nous n’avions pas d’argent. Nous avons fait des économies pour payer le prix de cet appartement, 30 000 dollars. Comment pouvons-nous tout recommencer ?» C’est ainsi que cette jeune femme avec deux bébés sur les bras crie son désespoir. Comme deux cents autres familles, son mari et elle s’étaient trouvé un toit dans des complexes...