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Actualités - OPINION

Délicate transition en Syrie

Quel avenir pour la Syrie après la mort du président Assad ? La succession, assurée jusque-là sans problème majeur, sera-t-elle le prélude à un changement dans les orientation du régime ? La modernisation de la Syrie, souhaitée par le président désigné, aura-t-elle lieu ? Il est certes tôt pour répondre à ces questions. Mais un fait est certain : la disparition du président syrien marque la fin d’une période historique. Hafez el-Assad avait réussi à faire de la Syrie – qui était jusqu’en 1970 une zone d’influence et de luttes entre les pays de la région – un acteur principal sur la scène proche-orientale. La légitimité populaire que lui avait assurée sa participation à la guerre d’octobre 1973 lui avait permis d’asseoir son pouvoir et d’assurer une stabilité que la Syrie n’avait plus connue après 1948. Reprenant le flambeau du nationalisme arabe, après la mort de Nasser, il avait consacré l’essentiel de son temps à la politique extérieure, manœuvrant avec habileté entre l’Union soviétique et les États-Unis pour assurer à son pays un rôle régional de premier plan. L’ancien président considérait, en effet, que la stabilité de son pays était fonction du «message» historique – panarabisme et lutte contre Israël – dont il était porteur. Cette priorité accordée à la politique étrangère avait eu pour inconvénient majeur de laisser en suspens les problèmes intérieurs auxquels était confrontée la Syrie. La chute du socialisme en Union soviétique avait tout juste entraîné une timide ouverture en direction du secteur privé, avec le décret n° 10 autorisant la création de sociétés mixtes dans certains secteurs. Mais cette ouverture n’avait été suivie d’aucune politique de changement et le régime avait connu par la suite une longue période de stagnation à un moment où les pays de la région se mettaient à l’heure de la mondialisation. Ce retard accumulé par la Syrie, le successeur désigné du président Assad devra le combler très vite. Les obstacles à surmonter sont nombreux : tout d’abord une administration bureaucratique difficile à manier et minée par la corruption. Ensuite, une économie dirigiste marquée par un chômage très important, une baisse considérable du pouvoir d’achat et une productivité extrêmement limitée. Enfin, un système politique qui appartient à un monde révolu et qui ne possède aucune structure de participation. Ces obstacles sont-ils surmontables ? Les résistances au changement sont manifestes. Bachar el-Assad va devoir affronter l’opposition de ceux qui vont, sous prétexte de continuité et de fidélité au président disparu, prôner l’immobilisme. Les barons du régime, et avec eux l’ensemble de la nomenklatura syrienne, considèrent que leurs intérêts sont liés au maintien du statu quo actuel. Le changement n’est pas aisé. Il est même, par définition, porteur de risques. Or le président désigné n’a pas le choix, car l’immobilisme signifie, à terme, une condamnation à mort du régime dont il a hérité. Les rares indications en provenance de Damas laissent d’ailleurs entendre que la décision d’aller de l’avant a d’ores et déjà été prise. Fait à noter en ce qui nous concerne : les surprenantes déclarations du ministre syrien du Plan Issam Zaïm – une des figures de proue du nouveau gouvernement – qui parle d’une révision des accords économiques conclus entre le Liban et la Syrie pour les fonder sur une «vision stratégique» et plus en fonction d’intérêts étroits. L’adaptation de la Syrie au monde moderne est une nécessité incontournable dont dépend également l’avenir des relations libano-syriennes car aucune normalisation réelle ne saurait être envisagée sans un changement en profondeur dans la nature même du régime syrien. Les Libanais sont-ils en mesure de contribuer à cette transition annoncée ? Les surenchères auxquelles nous avons assisté au cours de la semaine écoulée permettent d’en douter. La classe politique dans son majorité n’a vu dans le décès du président Assad que l’occasion de consolider des positions électorales. Il serait temps aujourd’hui, alors même que le parti Baas tient son congrès à Damas, d’envisager un dialogue avec les Syriens sur la révision de leurs choix politiques et économiques et d’encourager le nouveau régime à «libaniser» la Syrie plutôt que de persévérer, comme le souhaitent nos hommes politiques, dans cette anachronique politique de «syrianisation» du Liban.
Quel avenir pour la Syrie après la mort du président Assad ? La succession, assurée jusque-là sans problème majeur, sera-t-elle le prélude à un changement dans les orientation du régime ? La modernisation de la Syrie, souhaitée par le président désigné, aura-t-elle lieu ? Il est certes tôt pour répondre à ces questions. Mais un fait est certain : la disparition du...