Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

Entretien - De passage à Beyrouth, le tueur de coûts donne un aperçu de sa méthode Carlos Ghosn se dit satisfait de ses premiers mois chez Nissan (photos)

Français d’origine libanaise, né au Brésil, élève à Jamhour, Carlos Ghosn s’est taillé une réputation mondiale grâce à des méthodes de gestion éprouvées au sein de Michelin ou de Renault. Après l’alliance l’année dernière entre le constructeur automobile français et Nissan, sa nouvelle mission est de redresser le groupe nippon qui accumule les pertes depuis 1993. De passage à Beyrouth, il a expliqué à «L’Orient-Le Jour» comment il appréhende ce défi. Carlos Ghosn – prononcer à la française, sans le «s» – traîne déjà une flopée de surnoms. Certains lui plaisent, d’autres moins, c’est la rançon de la notoriété. «Seven eleven», acquis à Tokyo où il a entrepris la difficile mission de redresser Nissan, sonne particulièrement bien aux oreilles d’un homme surtout brocardé pour ses talents de «cost killer». La référence au supermarché du coin, ouvert de sept heures du matin à onze heures du soir, résume à elle seule les méthodes d’un homme qui n’a pas peur de dire que ses prédécesseurs japonais ne se tuaient pas à la tâche. Pour réussir, lui, n’a pas le choix. Il s’est fixé tout juste trois ans pour rétablir le constructeur automobile nippon sur la voie de la croissance, après sa prise de contrôle par Renault. À en croire M. Ghosn, trois mois après le début de la mise en œuvre du «plan de renaissance de Nissan», tout se passe pour le mieux. Souriant, le quadragénère respire la confiance. La contestation des petits actionnaires lors de la dernière assemblée générale houleuse qui l’a consacré patron ? «Une pratique typiquement japonaise dont la presse locale n’a pas rendu compte, tandis que les journaux français insistaient sur cet aspect», explique calmement l’ancien élève de Jamhour, lors d’un entretien accordé à L’Orient-Le Jour. Dans la pénombre d’une suite de l’hôtel al-Bustan – dehors le soleil couchant est éblouissant – Carlos Ghosn donne l’impression de savoir exactement où il va et à quel rythme. «Alors que le groupe est déficitaire depuis plusieurs années, le plan prévoit un retour aux bénéfices dès le premier exercice fiscal (qui se termine fin mars 2001 au Japon) et une réduction de moitié des 21 milliards de dollars de dette d’ici à 2002», énonce-t-il, comme si c’était l’entreprise la plus aisée du monde. Seule l’agitation permanente de son pied droit trahit une certaine fébrilité, qu’en tant que nouveau patron dans un nouvel univers il doit avoir appris à maîtriser. Car il s’agit bien d’un «électrochoc» selon sa propre expression, qu’il impose aux honorables employés de Nissan. Réduire les coûts, réinvestir La stratégie repose sur un mot clé, la croissance. D’ores et déjà, la part des investissements est passée de 3,7 % du chiffre d’affaires en 1999 à 5 % en 2000. Une politique que n’a pas menée l’ancienne direction, en raison du poids de l’endettement. Ghosn se débarrasse de cette contrainte en s’engageant simultanément sur trois fronts : la réduction des coûts (on retrouve tout de même le cost killer qui s’est aliéné une ville entière et au-delà en fermant l’usine Vilvorde de Renault en Belgique) ; la vente d’actifs sans rapport avec le «métier de base» de Nissan, telle une filiale dans le secteur de la téléphonie par exemple ; et enfin le réinvestissement dans les produits, la technique... Car malgré les pertes du groupe, qui est devancé par le numéro un japonais de l’automobile, Toyota, les voitures Nissan demeurent une référence en matière de qualité. Derrière des lunettes transparentes, deux rides profondes s’intercalent entre les yeux sombres du seul grand patron d’origine libanaise de Tokyo. La tenue est décontractée, la poignée de main chaleureuse, mais le regard demeure sérieux, le ton posé, précis. Il pèse ses mots qui ne s’embarrassent d’aucune fioriture. L’homme semble prendre soin de son image. Le secret de son succès ? «Je suis exigeant, je sais prendre des décisions, mais je veille à ce qu’elles soient comprises». La méthode Ghosn est un mélange d’écoute et d’autorité. Dès son arrivée dans un pays «si différent» l’ancien numéro deux de Renault qui a déjà l’expérience de la culture brésilienne, libanaise, américaine, française... a appliqué la même recette pragmatique : «J’aborde les problèmes comme des opportunités plutôt que des obstacles». Pas de grève À l’inévitable question concernant le fossé culturel qui sépare le monde de l’entreprise nipponne de celui de Renault, ou Michelin dont il a dirigé la branche nord-américaine, Carlos Ghosn répond sans détours : «les critères de performance sont universels, il n’y a pas de confusion possible à cet égard». Une équipe d’environ deux cents personnes recrutées de façon transversale dans les divers secteurs et les différentes régions d’opération du groupe ont conjointement établi le diagnostic et préparé le plan de redressement. Toute la difficulté consiste désormais à mobiliser employés, fournisseurs et partenaires. «Qu’il y ait des heurts, c’est normal, l’essentiel étant que ça se passe dans un esprit positif. Les Japonais sont très constructifs, l’entreprise est sacrée pour eux», dit le patron de Nissan qui se réjouit de n’avoir essuyé aucune grève jusque-là. Pourtant son plan prévoit des réductions d’effectifs qui concerneront 16 000 personnes dans l’archipel, sur un total mondial de 21 000. «Nissan est en surcapacité de 30 % au Japon, mais nous allons pouvoir diminuer les effectifs sans licenciements secs». Malgré les efforts qu’il demande – les fournisseurs ont été sommés de réduire leurs factures de 20 % – Carlos Ghosn est heureux de l’accueil que lui ont réservé les Japonais, dont il apprend lentement la langue. Un sondage lui fait de toute évidence plaisir : un institut nippon lui attribue un taux de notoriété de 78 % au Japon, juste après Arnorld Schwarzenegger. En octobre prochain, lors de la publication des premiers résultats semestriels, la question sera de savoir si ce score s’accompagne d’un taux d’approbation aussi élevé. «Ce sera la première occasion de mesurer les résultats du plan».
Français d’origine libanaise, né au Brésil, élève à Jamhour, Carlos Ghosn s’est taillé une réputation mondiale grâce à des méthodes de gestion éprouvées au sein de Michelin ou de Renault. Après l’alliance l’année dernière entre le constructeur automobile français et Nissan, sa nouvelle mission est de redresser le groupe nippon qui accumule les pertes depuis 1993. De...