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Actualités - REPORTAGES

Reportage - Les habitants écartent tout risque d'actes vindicatifs Présence discrète du Hezbollah à Hasbaya(photo)

Les habitants de la bourgade de Hasbaya et des localités du caza n’ont pas attendu que l’État proclame la journée du 25 mai «fête nationale», commémorant le retrait israélien du Liban-Sud, pour baisser les rideaux de fer de leurs boutiques et sortir dans les rues afin de célébrer, à leur manière, leur «liberté retrouvée». De Hasbaya à Chebaa en passant par Aïn Kinya, Chouaya et Habbariyé, c’est le même délire, la même explosion de joie ; la même allégresse qui est exprimée par la dabké, les chants folkloriques, les jets de fleurs et de riz sur les centaines de voitures qui ont pénétré, hier, pour la première fois depuis 18 ans, dans la région. Jeunes et moins jeunes, ils n’avaient que ces quelques mots sur les lèvres : «Nous sommes libres, libres, enfin libres». Les éventuels problèmes liés au retrait israélien ? Ils n’en ont cure. Hier était une journée de fête. Une fête qui a commencé tôt le matin, qui se poursuivait encore en fin d’après-midi et qui se poursuivrait encore au cours des prochains jours. La joie des habitants de Hasbaya est immense. «Libre, je me sens enfin libre», déclare timidement Ghada, la trentaine, qui observe, appuyée à une voiture, les villageois danser dans la rue. À l’instar de nombreux habitants de Hasbaya, elle ne parvient toutefois pas à définir cette liberté. À croire qu’elle ne réalise toujours pas qu’elle a vécu, 18 ans durant, prisonnière dans une région au sein de laquelle elle pouvait peut-être facilement se déplacer, mais qu’elle pouvait difficilement quitter. Prisonnière, Ghada l’a été pendant 18 ans et c’est cette liberté qu’elle célébrait avec ses compatriotes. Elle se sent, «enfin, libanaise à part entière». «Je vais pouvoir faire la connaissance de notre État que je ne connais que de nom», dit-elle avant que sa voix ne soit couverte par les cris de la foule et les tirs en l’air qui ponctuent l’arrivée d’une délégation du Chouf. Aucune haine, aucune animosité à l’égard des habitants du village qui avaient collaboré avec l’ALS et qui se sont livrés à l’armée – 30 se sont rendus hier aux militaires en poste à Zemraya, le point de passage entre Mimès et Hasbaya – mais beaucoup de compassion. «Les trois quarts de ceux qu’on appelle des collaborateurs ne le sont pas en fait. Preuve en est qu’ils se sont rendus à l’armée. Il faut comprendre que c’est pour des raisons socio-économiques qu’ils ont dû travailler avec l’Armée du Liban-Sud», souligne Ghada. Sans aller jusqu’à justifier l’action des anciens miliciens de l’ALS, M. Amine Chamay, chef du secteur de la Croix-Rouge libanaise à Hasbaya, note qu’il appartient aujourd’hui à l’État de «réhabiliter» les jeunes qui avaient collaboré avec l’ALS. «Ceux-là ignorent tout de la notion d’État. Ils ont grandi sous l’occupation. Ce sont les brebis galeuses du pays qu’il faut réhabiliter», dit-il, estimant, comme plusieurs habitants de la région, qu’il n’y aura aucun problème à ce qu’ils regagnent un jour le village. C’est dire l’état d’esprit des villageois de Hasbaya. Dans ce caza, c’est la convivialité qui prime, assurent, en chœur, les habitants. Et s’ils écartent l’éventualité d’actes vindicatifs, «c’est parce qu’aucun des habitants de Hasbaya n’a fait l’objet d’exactions durant les 18 dernières années», insiste le président de la municipalité, M. Bahjat Chams. Comme partout ailleurs, le retrait israélien de ce caza s’est opéré sans problème. Il a été précédé d’une série de réunions entre les notables de Hasbaya qui ont été couronnées, mardi, par une réunion des cheikhs de Bayyada. Les chefs spirituels de la communauté druze ont publié un communiqué mettant l’accent sur la coexistence pour barrer la route devant d’éventuels actes vindicatifs. À la suite de la parution de ce communiqué, 300 miliciens de l’ALS se sont réunis, mardi, dans la salle publique du village où ils ont été pris en charge par les gendarmes du village (au nombre de 30) qui les ont livrés à l’armée sous la supervision de la CRL. Une page tournée Pour les notables de la ville, il est incontestable que les incidents de sécurité ne sont pas à craindre à Hasbaya et que la page de l’occupation israélienne est bel et bien tournée. Aussi bien cheikhs Mouhanna Abou Ghida et Ghaleb Kayss que le président de la municipalité ou le Dr Rafic Chémali, chirurgien de la région, mettent l’accent sur ce point. Ils expliquent leur assurance par l’importance de l’autorité morale des chefs religieux dont les instructions sont constamment prises en compte et minimisent dans le même temps l’importance du nombre hallucinant d’éléments armés à Hasbaya et dans les villages du caza. L’absence – anormale en de pareilles circonstances – de forces de sécurité est presque choquante, d’autant qu’elle détonne avec le déploiement massif de jeunes gens armés jusqu’aux dents : des centaines de personnes en treillis sillonnent les rues étroites des villages, à pied ou à bord de voitures découvertes, brandissant victorieusement des kalachnikovs et autres mitraillettes et maintenant ostensiblement des revolvers à la taille. Il s’agit, pour la plupart, de partisans du PSP, présent en force dans la région, mais aussi du PCL et du PSNS. Ils comptent parmi eux de nombreux adolescents. Bilal est âgé de 16 ans. «Je manipule les mitraillettes depuis l’âge de neuf ans. Pourquoi nous portons des armes ? Mais parce qu’il faut bien se réjouir du départ des forces d’occupation». Le discours de Bassam Mghaydatout, 32 ans, est différent : «En tant que membres du PSP, nous nous devons de maintenir la sécurité et d’éviter qu’il n’y ait des tensions. C’est sûr qu’il n’y aura pas d’incidents, mais il se peut fort bien qu’à cause de la joie, quelque chose de fâcheux se produise». Des informations contradictoires circulent au sujet d’établissements de commerce qui appartiennent à des anciens miliciens de l’ALS et qui auraient été incendiés la veille. Elles restent invérifiables. Personne ne veut donner la moindre précision sur l’emplacement de ces boutiques. Quant aux Forces de sécurité intérieure que l’État a promis, la semaine dernière, de dépêcher dans la région aussitôt le retrait israélien achevé, elles ne seront présentes à Hasbaya que dans quelques jours. «La commission ministérielle se réunira jeudi (aujourd’hui) pour mettre la dernière main au plan de sécurité qui sera appliqué dans le secteur», précise à L’Orient-Le Jour le ministre de l’Information et des Déplacés, M. Anouar el-Khalil, en tournée dans la région, tout en admettant que la présence de forces de sécurité dans la région est, pour l’heure, prioritaire. Appel au déploiement de l’armée Les habitants de la région préfèrent, eux, que ce soit l’armée qui se déploie dans le secteur. Si des incidents de sécurité sont à craindre, ce ne serait peut-être pas tant à cause d’éventuels actes vindicatifs qu’en raison de frictions entre les forces en présence sur le terrain, qui multiplient les démonstrations de force. Prenant le contre-pied des partis représentés dans le caza de Hasbaya, les combattants du Hezbollah font montre d’une grande discrétion. Seuls quelques fanions jaunes plantés sur les postes et les tanks désertés par les Israéliens et l’ALS attestent de leur présence. Dans le poste abandonné de Zaghlé, ils sont une vingtaine à ramasser les munitions laissées par l’ALS. Selon le Dr Chémali qui fait état d’une coordination entre les forces actives de Hasbaya et le commandement du Hezbollah, les combattants anti-israéliens se retireront de la région dès qu’ils auront achevé leur mission : démanteler et «nettoyer» les positions israéliennes. Mais la présence du Hezbollah dans la région est associée au dossier, en suspens, des hameaux de Chebaa. À Hasbaya aussi bien qu’à Chebaa, on réalise parfaitement que si le différend entre Beyrouth et Tel-Aviv sur l’appartenance géographique de ces localités n’est pas réglé, la région se transformera rapidement en une nouvelle zone de confrontation entre la Résistance et Israël. «Qu’à cela ne tienne. Nous sommes prêts à résister et à tout supporter pour que tous les secteurs occupés par les Israéliens soient libérés», tonne M. Bahjat Ghaïth. Âgé de 85 ans, il assure que les hameaux de Chebaa appartiennent au Liban. M. Anouar el-Khalil choisit, lui, d’éluder la question sur une éventuelle reprise des attaques anti-israéliennes à partir de la région de Hasbaya. «Le gouvernement a bien précisé que la résolution 425 implique le retrait israélien de tous les territoires libanais, y compris les hameaux de Chebaa. Nous attendons pour voir ce qui va se passer». Dans le village de Chebaa, faisant face au Mont Hermon, le Dr Mohamed Hamdan, responsable des relations extérieures du Comité des citoyens du Arkoub, nous montre deux positions israéliennes el-Chahel et Malhatha, ainsi qu’une station israélienne de préalerte, situées, selon lui, en territoire libanais, alors que le commandant du contingent indien de la Finul, le capitaine Subiip Sinjh, assure qu’elles sont situées en territoire syrien occupé. El-Chahel et Malhatha avaient été bombardées la semaine dernière par le Hezbollah. Abou Hassan, un combattant de cette formation, rencontré à la position d’al-Zaghlé, reprend à son compte les propos de cheikh Hassan Nasrallah pour affirmer que le bombardement des positions israéliennes dans les hameaux de Chebaa se poursuivra tant que l’État hébreu ne libérera pas ces localités. Il révèle que près de 300 combattants du Hezbollah se trouvent aujourd’hui dans la région de Hasbaya, mais plutôt loin des villages. Selon Abou Hassan, «les préparatifs militaires sont en cours en prévision d’une nouvelle confrontation avec Israël». Le jeune homme refuse d’en dire plus. Il est temps de se rendre à Chebaa et on le prie de nous indiquer le chemin : «Je peux vous indiquer le chemin par les montagnes. Les routes ? Je ne les connais pas». Les civils sont, eux, à mille lieues des problèmes associés à la présence israélienne dans les hameaux de Chebaa. Pour les centaines de personnes qui ont regagné hier les villages de Hasbaya, la fête continue.
Les habitants de la bourgade de Hasbaya et des localités du caza n’ont pas attendu que l’État proclame la journée du 25 mai «fête nationale», commémorant le retrait israélien du Liban-Sud, pour baisser les rideaux de fer de leurs boutiques et sortir dans les rues afin de célébrer, à leur manière, leur «liberté retrouvée». De Hasbaya à Chebaa en passant par Aïn...