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Actualités - REPORTAGES

Société - Difficultés économiques, études universitaires prolongées Au Liban, on se marie de plus en plus tard (photos)

Ils n’ont pas vraiment l’air de jeunes ménages et pourtant ils ne sont mariés que depuis peu. Elle a coiffé sainte Catherine depuis belle lurette, et lui a déjà les tempes grisonnantes. Mais cela n’empêche pas les nouveaux mariés d’être heureux, d’avoir des enfants et de vivre leur union avec sérénité. Si les couples ne répondent pas tous à cette description, le taux de mariages tardifs est en nette augmentation dans le pays par rapport aux années soixante-dix. En effet, aujourd’hui, on se marie généralement 5 ans plus tard qu’il y a trente ans, autrement dit autour de 28 ans pour les femmes et vers 32 ans pour les hommes. Lorsqu’ils se sont mariés, il y a trois ans, Marianne, dentiste, avait 35 ans et Oscar, médecin, en avait 38. Ils s’étaient rencontrés depuis peu, et leurs parcours se ressemblaient étrangement. Pris par leurs études à l’étranger et par le démarrage de leurs vies professionnelles après une difficile réadaptation au pays, aucun d’entre eux n’avait jusque-là pensé au mariage. Ils avaient de plus, tous deux, mis du temps à se remettre du choc causé par la perte prématurée d’un de leurs parents. «Je n’étais pas contre le mariage à l’époque, explique Marianne, mais le timing n’était pas idéal». Marianne et Oscar se sont finalement trouvés, quand le tourbillon de leur début de carrière s’est calmé et qu’il a cédé la place à la routine professionnelle. «J’ai alors réalisé que je devais penser à moi, explique Marianne, et que l’horloge biologique allait me devancer». Chacun a alors rencontré en l’autre l’âme sœur. Un mariage tardif qui semble épanouir ce couple puisqu’il n’est pas basé sur du fictif, avoue Marianne, mais sur une entente, une compatibilité, une mentalité commune. «Nous nous comprenons à demi-mot, puisque nous avons vécu beaucoup de situations similaires», ajoute-t-elle. «Évidemment, à notre âge, on ne peut avoir les mêmes exigences que lorsqu’on est jeune, c’est la raison pour laquelle on met de l’eau dans son vin, et ça fait des mariages réussis». Et pourtant, un seul regret plane sur l’union harmonieuse du couple. Celui de n’avoir pas assez d’énergie à donner à leurs deux enfants en bas âge. Le dialogue et l’écoute priment plutôt que les jeux et l’effort physique car, à 38 ans, s’il est vrai qu’une mère a plus de maturité, elle ne peut se lever la nuit, emmener ses enfants au parc la journée et s’adonner à ses occupations professionnelles, avec l’énergie d’une femme de 25 ans… Karim et Rania se sont eux aussi mariés sur le tard, alors qu’il avait 40 ans et qu’elle en avait 33. Rien ne les destinait à se rencontrer puisqu’elle vivait en France où elle faisait carrière dans l’assurance, alors qu’il venait de rentrer au Liban après des études de génie agronome aux États-Unis, pour monter une société de dératisation. «Jusque-là, je n’avais jamais pensé me marier, avoue Karim, vu la précarité de la situation dans le pays et mon instabilité professionnelle. Dès que je me suis stabilisé professionnellement, j’ai réalisé que j’avais beaucoup d’affection à donner et que j’étais mûr pour me marier. Et puis j’ai rencontré Rania...». S’il raconte son mariage avec beaucoup de sagesse, lançant finalement les mots d’amour et de respect, Rania, elle, est plus volubile et décrit leur première rencontre comme un coup de foudre. «Je venais passer des vacances au Liban et nous nous sommes rencontrés au cours d’une soirée chez des amis communs. C’était en décembre. Nous ne nous sommes plus quittés depuis ; et en juillet, nous étions déjà mariés. Je n’ai jamais envisagé de me marier avant cela, avoue-t-elle, parce que je n’avais pas rencontré la personne adéquate, et que ma vie en France me satisfaisait pleinement». Le couple a aujourd’hui une fillette de 20 mois et désire avoir d’autres enfants. Évidemment, Rania a dû abandonner sa carrière, mais elle n’en éprouve aucun regret, car sa vie familiale semble lui apporter beaucoup de bonheur. «L’ouragan est arrivé dans ma vie, ajoute-t-elle, je n’ai pas eu le temps d’y penser». Un décalage de 5 ans L’exemple de ces couples ne constitue pas une rareté de nos jours car, en 30 ans, les choses ont changé au Liban. Les jeunes filles ne se marient plus à l’âge de 23 ans, comme dans les années 70, mais autour de 28 ans, en moyenne. De même, les jeunes hommes ne se mettent plus la corde au cou dès 27 ans, mais vers 32 ans, comme le montrent une étude sur les conditions de vie des ménages en 1997 et une autre sur la famille, entreprises respectivement par l’Administration centrale de la statistique et par le sociologue démographe Abdo Kahi. «Ce décalage moyen de 5 ans est un phénomène de notre société traditionnelle qui accompagne le mouvement des civilisations occidentales, explique M. Kahi, sans pour cela que varie le taux de célibat définitif». En effet, celui-ci est encore de 5 % chez la femme de 55 ans et oscille autour de 3 % chez l’homme du même âge. «Nous vivons ainsi de grandes mutations économiques, technologiques, culturelles et sociales, et ces mutations encouragent la montée de structures modernes et post-modernes, même si nous assistons au maintien des structures traditionnelles libanaises», ajoute-t-il. Le mariage tardif est aujourd’hui le résultat de plusieurs facteurs interdépendants. Si la guerre a contribué à retarder l’âge du mariage, les jeunes ont aujourd’hui d’autres priorités avant de penser fonder une famille, selon le chercheur. Les études universitaires qu’ils poursuivent sont de plus en plus longues. «Il faut se former davantage aujourd’hui, explique-t-il, alors qu’ailleurs on peut se marier tout en poursuivant ses études, ceci ne se fait pas au Liban». Quant à l’entrée dans la vie professionnelle, elle constitue une étape longue et lente, puisque le démarrage d’une carrière débute par le bas de l’échelle, impliquant une adaptation difficile et un travail d’arrache-pied, pour des salaires souvent très bas. De plus, la crise économique que traverse le pays ne peut que retarder l’indépendance financière des jeunes. Ceux-ci vivent longtemps aux crochets de leurs parents, même quand ils travaillent, et ne peuvent se permettre de fonder un foyer aussi vite qu’ils le désirent. Alors, à défaut de pouvoir vivre ces étapes difficiles à deux, de plus en plus de jeunes les vivent chacun de son côté, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, et ne pensent au mariage qu’une fois débarrassés de toute considération matérielle. Avec, en plus, cette maturité qu’ils arborent fièrement…
Ils n’ont pas vraiment l’air de jeunes ménages et pourtant ils ne sont mariés que depuis peu. Elle a coiffé sainte Catherine depuis belle lurette, et lui a déjà les tempes grisonnantes. Mais cela n’empêche pas les nouveaux mariés d’être heureux, d’avoir des enfants et de vivre leur union avec sérénité. Si les couples ne répondent pas tous à cette description, le...