Théâtre - Roula Hamadé, Raymond Hosni et Tarek Bacha sur la scène du Monnot "Al-Takht" de Joe Kodeih : rétrospective d'un couple autour d'un lit (photos)

Écrite et mise en scène par Joe Kodeih, «al-Takht» (Le lit) est une pièce d’une heure cinq minutes, interprétée par Roula Hamadé, Raymond Hosni et Tarek Bacha et présentée au Théâtre Monnot. C’est l’histoire d’un couple — trente, quarante ans — qui traverse une passe difficile. Ils ne parviennent plus à payer les traites de leur mobilier qui a donc été saisi. Il ne leur reste plus qu’un lit, leur lit, où ils peuvent encore se retrouver. Al-Takht, c’est un couple qui s’aime, qui se déteste, qui se déchire, qui s’adore, qui fait des comptes d’épicier, qui se lance à la figure des choses pas très jolies-jolies, qui joue ses fantasmes. Bref, un couple comme beaucoup d’autres, à la fois banal et unique, mais sûrement émouvant. Au départ, al-Takht devait s’intituler Matar Charles de Gaulle 2 et constituer une suite de Matar Charles de Gaulle que Joe Kodeih avait présentée l’an dernier au CCF. Il s’agissait, rappelons-le, d’une jeune Libanaise (superbement interprétée par Betty Taoutel) qui attendait, en vain, son fiancé à l’aéroport de Paris. «“Matar Charles de Gaulle 2” devait montrer ce même fiancé, dans un lit avec une femme, à Paris», indique Joe Kodeih. «Toutefois, en cours d’écriture, j’ai été confronté à trop de faux raccords. Petit à petit, j’ai donc commencé à quitter l’idée d’origine et, finalement, il ne m’est resté que le lit». Autour de ce lit, «espace intime, très riche et lourd de symbolique», le metteur en scène a imaginé un couple vivant un conflit «très libanais», le payement à crédit étant devenu chose courante au Liban. Une femme (Roula Hamadé) et un homme (Raymond Hosni) au paroxysme du dépouillement. Côté scénographie, tout a été conçu dans le même esprit et en fonction des deux personnages centraux. Notamment le décor – signé Elisa Kodeih – qui consiste en un certain nombre d’objets disposés sur scène. Improvisations Avant d’en arriver là, la pièce a été jouée de différentes manières : version haineuse, version très ludique, etc. «Nous avons beaucoup tâtonné et improvisé», souligne Joe Kodeih. «Les acteurs ont fait beaucoup de suggestions, ils ont beaucoup apporté au texte et au jeu, et cela me plaît bien», poursuit-il. «Je n’aime pas les acteurs “marionnettes” ; pour moi, les acteurs sont aussi des créateurs». Il ajoute que trouver des acteurs de l’âge des deux personnages principaux d’al-Takht n’a pas été facile. «Il me fallait des acteurs qui soient à la fois jeunes et mûrs, ce qui n’est pas courant chez nous. De plus, ajoute-t-il, je voulais à tout prix que leur complicité soit palpable, que le courant passe entre eux, et je peux dire que vraiment nous avons travaillé avec amour». Il note l’absence de production : le lit, c’est le sien. «Je dors actuellement sur un matelas», affirme-t-il dans un sourire. Le rideau s’ouvre sur Summer Time. Une chanson «trop exploitée, voire un cliché», mais que le metteur en scène décide de garder, un jour que Roula Hamadé arrive aux répétitions en la fredonnant. «C’est aussi une chanson d’amour, ajoute-t-il, qui garde une certaine fraîcheur, qui fait un peu rêver». Et qui lui a donné envie de mettre des couleurs sur scène, des notes de gaieté. Jamais satisfait, mais toujours content, Joe Kodeih ne tarit pas d’éloges sur ses acteurs. «Je suis étonné de ne pas me sentir stressé, et je sais qu’ils y sont pour quelque chose», dit-il. Roula Hamadé est une grande actrice, qui a su rester simple. «Elle a une grande qualité, celle de savoir écouter le metteur en scène», souligne ce dernier. «Elle sait aussi prendre des initiatives, tout comme Raymond Hosni. C’est un excellent acteur, au physique intéressant, qui mériterait de grands rôles, à la mesure de son talent». Enfin, Tarek Bacha, 19 ans, est «doué et très instruit». Ce qu’il préfère, c’est le théâtre populaire. «C’est quelqu’un de très sympathique et je lui souhaite une longue carrière», conclut Joe Kodeih. * «Al-Takht» se joue, tous les jeudis, vendredis, samedis, dimanches, à 20h30, jusqu’au 14 mai.