Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Solidarité - Plus de malades en attente de greffe que de greffons proposés Les dons d'organes, une initiative généreuse mais sans commune mesure avec les besoins

Après le décret-loi n°109 de 1983 qui a fixé au don d’organes, de tissus et de cellules des règles éthiques et juridiques rigoureuses, après l’arrêté ministériel n° 509/1, du 6 juillet 1999 qui mis sur pied une commission nationale ayant pour objectif d’assurer l’organisation des dons et la coordination nécessaire entre les hôpitaux, et après que des chirurgiens libanais eurent pratiqué, avec succès, plusieurs transplantations d’organes, la question qu’on se pose est celle de savoir pourquoi il y a, aujourd’hui, dans notre société, plus de malades en attente de greffes que de greffons proposés ? Les médecins sont, quant à eux, tous d’accord sur la nécessité de sensibiliser et d’éduquer la population libanaise sur l’importance que revêt cet acte de solidarité. L’intérêt porté depuis quelque temps par différents médias au phénomène de transplantation d’organes et la réaction favorable à ce sujet d’un grand nombre de Libanais, laisseraient croire que les établissements de santé au Liban débordent de greffons. Hélas, on est loin de cette vision très optimiste d’une société aussi tolérante et généreuse. En effet, un grand nombre de malades, en attente de greffes de foie et de cœur, sont inscrits sur la liste nationale de receveurs d’organes, fait remarquer, à cet égard, le Dr Mohamad Khalifeh, directeur du programme de transplantation du foie à l’hôpital de l’Université américaine de Beyrouth. Quelles peuvent être les raisons qui freinent le développement des dons d’organes ? De l’avis du Dr Samir Mallat, spécialiste des maladies du foie et de l’hypertension à l’Hôtel-Dieu de France à Beyrouth, c’est parce qu’elle ignore la volonté du défunt que, dans le doute, sa famille témoigne parfois d’une opposition présumée du défunt au prélèvement. Mort clinique et mort cérébrale Et pour limiter les cas de controverse, le décret-loi de 1983, relatif à la donation d’organes, requiert, en plus du consentement fait du vivant de la personne au prélèvement de ses organes et tissus après sa mort, l’avis de la famille qui doit, pour sa part, exprimer son approbation. Il est toutefois recommandé que toute personne révèle à ses proches son désir afin qu’ils puissent éventuellement en témoigner. D’ailleurs, cette même législation fixe clairement les règles concrètes d’organisation du recueil des produits humains, en s’appuyant sur des grands principes éthiques. Ainsi, dans le cas d’un donneur vivant, ce dernier doit exprimer, par écrit, sa volonté d’octroyer ses organes. Il doit, en outre, avoir dépassé les dix-huit ans, être sain de corps et d’esprit et avoir été examiné par le médecin spécialisé qui doit, à son tour, lui expliquer les conséquences de son acte et les dangers qu’il encourt. «Ce qui inquiète notamment la famille du décédé dans toute opération de prélèvement, continue le Dr Mallat, c’est l’idée de voir son corps mutilé». Et là, il faut bien préciser que la prise d’organes s’effectue dans les mêmes conditions qu’une intervention chirurgicale, où l’aspect extérieur du corps est respecté. Un autre problème qui soulève autant de questions chez la famille, c’est la question de la mort et les critères permettant de la reconnaître. Depuis que l’on parle de mort clinique et de mort cérébrale, surtout que la plupart des organes doivent être greffés très rapidement après leur prélèvement, il importe d’expliquer que la mort cérébrale est une mort inévitable. «C’est un phénomène irréversible, qu’on ne fait que précipiter en pratiquant un prélèvement d’organes», affirme le Dr Mallat. «Contrairement aux pays occidentaux, qui n’ont recours qu’à l’expertise et l’évaluation d’un seul médecin traitant pour confirmer la mort cérébrale, nous exigeons l’avis de trois spécialistes, parmi lesquels figurent un neurologue, un généraliste et le médecin traitant», déclare à ce sujet le Dr Mohamad Khalifeh. Les cas où la greffe s’impose Dans ce domaine, deux exemples suffisent : Plus de 50 % des greffes du cœur bénéficient d’une espérance de vie supérieure à 5 ans tandis que les greffés du rein sont libérés de la contrainte des séances de dialyse ( trois demi-journées par semaine) et d’un régime alimentaire draconien. De ce fait, moyennant un traitement qui, de plus en plus souvent, permet de retrouver une vie normale, les personnes greffées peuvent à nouveau travailler, au moins à temps partiel : elles reprennent ainsi leur place dans la société. En revanche, la greffe s’impose, en premier lieu, quand les médecins estiment que la maladie est arrivée à un stade terminal, quand il n’est pas possible de substituer un élément artificiel à l’organe (foie, cœur, poumon) ou au tissu (la peau des grands brûlés) malade et enfin dans le cas où les autres traitements ne suffisent plus ou ne sont plus supportés par le patient. Dans l’intérêt général et comme toute intervention chirurgicale, la greffe relève d’une décision médicale. «Les malades en attente d’une greffe d’organe sont inscrits, par ordre chronologique, sur la liste nationale par l’équipe médicale qui les suit», nous informe le Dr Khalifeh. «Cette liste est, de surcroît, gérée par la commission nationale des dons d’organes qui, par une sélection faite au hasard, tenant compte du fait qu’il y a plus de malades en attente de greffe que de greffons proposés, choisit le receveur du don», continue-t-il. Une priorité est naturellement accordée aux patients atteints d’une défaillance aiguë, pouvant conduire à une mort rapide. En fait, l’une des prérogatives de la nouvelle commission nationale de greffes et de transplantations d’organes est de proposer les greffons aux équipes médicales qui ont des patients inscrits sur la liste des receveurs en attente. Cependant, la commission n’est pas encore parvenue à régler le problème logistique qui se rapporte à la charge d’hospitalisation, note le Dr Samir Mallat. La greffe d’organes, qui ne se fait pas nécessairement dans le même hôpital où est effectuée l’opération du prélèvement, en plus des frais du transport des dons, peut être, en effet, à l’origine d’un conflit d’ordre financier entre les deux établissements concernés. La gratuité des organes, quant à elle, est une nécessité garantie par la loi de 1983, alors que l’anonymat donneur-receveur est primordial pour que chacun ait la même chance de se voir attribuer un greffon. Le trafic d’organes est sévèrement sanctionné par l’État libanais qui, par le parrainage de la commission de transplantation en plus des aides octroyées à cette dernière, essaie, entre autres, de cerner cette infraction ignoble. Quant aux Organisations non gouvernementales et autres organismes caritatifs qui s’intéressent au problème des transplantations et qui, par leur diffusion, sont présents dans la plupart des régions rurales, ils peuvent contribuer à éduquer et à sensibiliser les personnes tout en étant le trait d’union entre la société médicale et les donneurs. Il est à remarquer enfin que la commission va, très prochainement, disposer des demandes de consentement à la transplantation d’organes, qu’elle mettra à la disposition de la population, dans les établissements médicaux et sociaux établis dans presque toutes les régions libanaises. Dans une étape ultérieure, toute personne ayant rempli le formulaire, pourra retirer «sa carte de donneur» au siège de la commission à Beyrouth. Élisabeth GUILLI
Après le décret-loi n°109 de 1983 qui a fixé au don d’organes, de tissus et de cellules des règles éthiques et juridiques rigoureuses, après l’arrêté ministériel n° 509/1, du 6 juillet 1999 qui mis sur pied une commission nationale ayant pour objectif d’assurer l’organisation des dons et la coordination nécessaire entre les hôpitaux, et après que des chirurgiens libanais...