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Actualités - ANALYSE

Enrichissement illicite - Des vices de forme dans le texte adopté Une loi dont les mécanismes sont contestés

La loi sur l’enrichissement illicite que certains hauts responsables, ministres et députés, ont commencé à appliquer, peut-elle contribuer à l’assainissement de la vie politique au Liban et au redressement de l’Administration, dont l’action est alourdie par toutes sortes de prébendes, commissions et pots-de-vin ? Déclarer son patrimoine, au début de sa vie publique, et le déclarer une seconde fois, une fois son mandat public terminé, en justifiant les différences possibles entre les deux déclarations, fait-il vraiment l’affaire ? Peut-on se baser sur ces déclarations pour démontrer qu’il y a eu enrichissement illicite ? De hauts responsables administratifs répondent par la négative à ces questions et indiquent que la loi sur l’enrichissement illicite est née avec un ou plusieurs vices de forme : 1- L’inapplicabilité de la sanction pour retard dans la déclaration, lorsqu’il s’agit d’un des grands commis de l’État, ou d’une des trois premières magistratures ; 2- L’impossibilité de vérifier la véracité et l’intégralité de la déclaration de fortune faite, que les lacunes soient intentionnelles ou pas ; 3- L’impossibilité pour l’auteur de la déclaration de vérifier l’authenticité de la déclaration de fortune de son conjoint ; 4- Comment peut-on demander des déclarations de fortune à de hauts fonctionnaires non titularisés, alors qu’une partie de leurs revenus provient d’émoluments pour conseils et consultations échappant à tout contrôle, et à toute prévision parfois, ou d’actes commerciaux indépendants de leurs fonctions publiques ? 5- Quelle est la limite de validité temporelle des déclarations de patrimoine, et quelle garantie offrir qu’elles ne seront pas exploitées à des fins politiques ? 6- À quelles dispositions sont soumis les avoirs d’un personnage public, en cas de plainte pour enrichissement illicite déposée par un particulier, une fois déposée la caution de 25 millions de LL légale ? Du reste, qui donc prendrait le risque de se tromper et de payer une amende de 200 millions de LL et de purger une peine de prison de 3 mois à un an ? Et comment s’engager si l’on ne connaît pas, à l’avance, les avoirs du responsable attaqué ? Des garanties inexistantes Voilà certaines des questions que l’application de la loi sur l’enrichissement illicite peut soulever et auxquelles on ne saurait répondre. D’autant que l’on est en droit de se demander si cette application se fait dans un climat d’indépendance totale de la justice, sachant par ailleurs que l’évasion fiscale et le détournement de la loi sont une des marques du sous-développement dans lequel se débat le Liban. Enfin, si, sous le régime actuel, il existe une volonté d’appliquer cette loi sur l’enrichissement illicite, qui donc peut garantir qu’elle sera appliquée sous un régime qui y serait moins favorable ? Une loi similaire avait été forgée sous le mandat du président Camille Chamoun elle n’a jamais été appliquée. La loi actuelle risque de connaître le même sort, d’autant que les poursuites sont engagées soit par une instance, dont l’action est étroitement dépendante de l’autorité politique, soit par un particulier, avec les risques dont nous avons parlé plus haut. Selon l’ancien membre du Conseil constitutionnel, le magistrat Sélim Azar, pour que la loi sur l’enrichissement illicite soit réellement efficace, il serait nécessaire que les déclarations de patrimoine des responsables soient rendues publiques afin que «la majorité intègre» soit en mesure de condamner «la minorité corrompue». M. Azar croit aussi que point n’est besoin d’une déclaration de patrimoine pour déceler un enrichissement illicite. Cet enrichissement éclate avec évidence dans l’accumulation des biens incompatibles avec l’état de la fortune et surtout les rentrées du titulaire d’une fonction publique. Les organismes de contrôle administratifs jouent, à ce niveau, un rôle crucial et peuvent décider d’eux-mêmes de tirer au clair les causes de ce changement soudain de fortune. Enfin, des magistrats estiment que l’application de la loi sur l’enrichissement illicite est insuffisante pour combattre la corruption et doit s’accompagner de mesures complémentaires, comme l’instauration de la Haute Cour chargée de juger les présidents et ministres prévue par la Constitution.
La loi sur l’enrichissement illicite que certains hauts responsables, ministres et députés, ont commencé à appliquer, peut-elle contribuer à l’assainissement de la vie politique au Liban et au redressement de l’Administration, dont l’action est alourdie par toutes sortes de prébendes, commissions et pots-de-vin ? Déclarer son patrimoine, au début de sa vie publique, et...