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Actualités - CHRONOLOGIE

Tchad Pour quelques kilos de sucre, des fraudeurs risquent leur vie

Les bras chargés de sacs, des silhouettes s’éloignent précipitamment des rives du fleuve Chari avant de disparaître dans les rues de N’Djamena : tous les jours, près d’un millier de Tchadiens se risquent à traverser le fleuve séparant la capitale tchadienne du Cameroun pour ramener en fraude quelques kilos de sucre. De jour comme de nuit, les fraudeurs franchissent en pirogue les eaux du Chari, puis marchent jusqu’à Kousseri, une ville camerounaise située à environ 15 km de N’Djamena. Une fois sur place, ils achètent le sucre blanc en poudre dont les Tchadiens raffolent tant. Si cet intense va-et-vient entre les deux rives fait désormais partie de la vie quotidienne, il n’en demeure pas moins périlleux en raison de la présence des douaniers tchadiens. Souvent armés de kalachnikov, ces derniers n’hésitent pas à tirer sur les suspects qui refuseraient de s’arrêter. Un risque d’autant plus important que les bénéfices de ce trafic semblent dérisoires : acheté entre 700 et 800 francs CFA (entre 7 et 8 FF) à Kousséri, le «carro de sucre», une unité de mesure équivalent à deux kilogrammes, sera ensuite revendu sur les marchés de N’Djamena au prix de 1 000 F CFA (10 FF). La marge est faible, mais dans ce pays classé parmi les plus pauvres d’Afrique, les quelques centaines de francs CFA ainsi obtenus permettent aux fraudeurs de subsister. «C’est devenu mon métier, car je n’ai pas d’autre moyen de gagner ma vie», avoue Hadje, une vieille dame qui a, pendant des années, traversé chaque jour le Chari. «Pour passer sur l’autre rive, il faut louer une pirogue», explique Hadje. «Dès que les douaniers s’éloignent, on franchit le fleuve à plusieurs». «Le jour, les douaniers ne tirent que sur les piroguiers qui tentent de s’échapper, mais la nuit ils tirent sur tout ce qui bouge», précise-t-elle. «Les fraudeurs sont rusés, ils font déjà passer deux ou trois pirogues pour voir si nous réagissons avant de faire passer tout le groupe», reconnaît un douanier. «En cette période de saison sèche, le fleuve est à son plus bas niveau. Les deux rives ne sont plus distantes que de deux cents mètres, ce qui rend encore plus facile sa traversée», ajoute-t-il. Une fois à terre, tous les stratagèmes sont bons pour échapper à la vigilance des douanes. «Généralement, les hommes courent avec leurs sacs tandis que les femmes essayent de cacher le sucre sur elles», raconte un habitué. «Certaines placent des sacs sous leur voile pour faire croire qu’elles portent un enfant ou qu’elles sont enceintes», poursuit-il. «J’en ai même vu qui avaient accroché tellement de sacs sur leur corps que leur démarche ressemblait à celle d’un robot». Coiffés d’un turban couleur kaki, les hommes de la brigade fluviale scrutent pendant des heures les abords du fleuve quand ils ne patrouillent pas sur les eaux paisibles du Chari à bord de l’unique bateau gonflable à moteur encore en état de marche. «À N’Djamena, les fraudeurs sont des petits trafiquants qui ne transportent que quelques sacs, tandis que plus au sud, on peut tomber sur des trafiquants lourdement armés», explique un douanier. «Ici, certains viennent même nous voir directement pour nous demander de les laisser passer», confie-t-il. «Quand il n’ont qu’un ou deux sacs, on accepte». «En fait, les douaniers profitent aussi du trafic», assure un observateur. «Souvent, ils partagent l’argent de la fraude avec les trafiquants». Considéré par les autorités tchadiennes comme «une véritable gangrène», la fraude a encore de beaux jours devant elle, poursuit-il. «Tant que des produits comme le sucre seront plus chers au Tchad, rien n’empêchera les pirogues de traverser le Chari».
Les bras chargés de sacs, des silhouettes s’éloignent précipitamment des rives du fleuve Chari avant de disparaître dans les rues de N’Djamena : tous les jours, près d’un millier de Tchadiens se risquent à traverser le fleuve séparant la capitale tchadienne du Cameroun pour ramener en fraude quelques kilos de sucre. De jour comme de nuit, les fraudeurs franchissent en...