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Actualités - REPORTAGES

Correspondance Le jeu du voile dans les photos de Jinane Al-Ani Un pied de nez aux orientalistes (photos)

Les voyageurs du siècle dernier voyaient l’Orient à travers le regard des femmes voilées, une image qui les a marqués et qui a marqué leurs récits. Aujourd’hui, si le voile a pris une autre dimension, il conserve aux yeux des Occidentaux une certaine énigme. Pour faire se rencontrer ces deux mondes, une artiste irakienne, Jinane al-Ani, a réalisé des photographies intitulées Constructing Identities (Construction d’identités) qui sont actuellement exposées à la Sackler Gallery du Smithsonian. À noter que c’est la première fois que cette prestigieuse institution culturelle donne à voir les œuvres d’une artiste irakienne contemporaine. Parmi les œuvres exposées, deux spectaculaires photographies (1m 50x 2m), qui vont de paire et qui ont pour nom Sans titre, révèlent un jeu de voilage et de dévoilage exécuté par cinq femmes assises qui ne sont autres que l’artiste elle-même, ses trois sœurs et sa mère. Dans l’une des photos, on peut voir une personne le visage complètement voilé, au côté d’une autre dont le voile découvre uniquement les yeux, alors qu’au centre trône une femme la tête cachée mais les jambes à moitié couvertes par une mini-jupe et les bras également à moitié couverts. L’alignement s’achève par deux femmes, tête et jambes couvertes. Toutes ont les mains posées sur les genoux mais d’une manière différente, soit jointes, soit croisées ou mises à plat. Dans la seconde photo, les personnages changent de place et de position, comme au jeu des chaises musicales. Des métamorphoses qui disent la complexité d’une identité que les Orientalistes ont voulu réduire à sa plus simple expression, perçue par eux comme l’exotisme dans toute sa splendeur. Aller au-delà de la réduction Jinane al-Ani, qui veut aller au-delà de cette réduction, est née (en 1966) d’un père irakien et d’une mère irlandaise. En 1980, elle s’installe avec sa mère et ses sœurs en Grande-Bretagne où elle suit des cours de Beaux-Arts puis se spécialise dans la photographie au Royal College of Art de Londres. Issue d’un mariage mixte et ayant expérimenté deux mondes différents, elle a voulu visualiser leur compréhension mutuelle. «Le voile, dit-elle, représente un défi non seulement pour l’imagination mais aussi au droit du mâle européen de scruter son sujet. Le photographe, qui braque son objectif sur une femme voilée, ne peut endurer en retour un regard qui le perturbe et le désarme». L’artiste a exploré de nombreuses idées, qu’elle a trouvées en étudiant les descriptions et les représentations du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, faites par les photographes, les écrivains et les voyageurs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Elle a été particulièrement intéressée par la fascination que le voile, ainsi que les mystères dont il est paré, a exercé sur eux. Ainsi, dans une autre paire de photographies, elle examine les idées préconçues sur ce que les étrangers appellent le «costume» et qui est en fait un habit pour les gens du pays. Ailleurs, dans une série de slides et de clichés à effets de transparence, elle expose ce goût poussé de l’exotisme à travers une savante et dynamique superposition d’images. Pour, enfin, faire un tirage de la véritable identité. Jinane al-Ani défie le stéréotype de la femme orientale par des références parallèles au passé et au présent, à l’Est et à l’Ouest, à l’exotique et à l’indigène.
Les voyageurs du siècle dernier voyaient l’Orient à travers le regard des femmes voilées, une image qui les a marqués et qui a marqué leurs récits. Aujourd’hui, si le voile a pris une autre dimension, il conserve aux yeux des Occidentaux une certaine énigme. Pour faire se rencontrer ces deux mondes, une artiste irakienne, Jinane al-Ani, a réalisé des photographies intitulées...