Sommes-nous… « civilisées »?

 «Civilisées» est le film de Randa Chahal Sabbagh qui, lors de sa projection dans le cadre du Festival international du film de Beyrouth, il y a deux ans, a suscité les foudres de Dame Anastasie, toujours dépassée par un brin de liberté ! Trop vrai, trop cru. Trop choquant. Les propos des acteurs écorchent les chastes oreilles de la vieille dame. Elle l’interdit donc au Liban. Aujourd’hui le Festival de Carthage a si bien accueilli «Civilisées» que ce film a été applaudi par les critiques de ces 18e journées cinématographiques. Mais est-on jamais prophète dans son pays, surtout si les gardiens de sa haute moralité et de la qualité de sa vie sont ignorants sur toute la ligne ! Un film contre l’intolérance pourtant. Mais son tort est d’être inspiré du quotidien des Libanais en temps de guerre ; une période, certes, très tourmentée de la vie du pays. Mais devrait-on occulter, interdire, jusqu’à oublier, malgré nous, toutes les pages tristes, violentes, laides ou choquantes de l’histoire du Liban, qu’il ne resterait pas grand-chose à retenir. Et si aujourd’hui les services de la censure se penchaient sérieusement sur notre réalité, ils proposeraient de dénier la qualité de «Pays» à ce lopin de terre, demanderaient son rattachement à l’une de ces jungles lointaines ou, au mieux, le ravaleraient au rang d’un énième monde. On pourrait alors comprendre. Et accepter tout ce qui se trame, s’impose et se vit sur les 10452 km2 baptisés «Liban». Maria CHAKHTOURA