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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Le député du Metn déplore le manque de tact dans la gestion du dossier des disparus Nassib Lahoud : Le bilan de l’an 2000 ? Triste et démotivant

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est constant. Et sa constance, Nassib Lahoud la prouve à chaque occasion : à chaque déclaration, à chaque interview, il creuse le sillon qu’il s’est choisi, sans se dédire, sans s’excuser, sans baisser le ton. Sa constance lui permet de poser des jalons, de baliser, d’affermir un parcours politique, réel et cohérent. On peut sans aucun doute lui reprocher une certaine modération, une façon un peu trop sage de mettre en paroles un discours certes ferme et musclé, un excès de prudence, surtout. Soit. Il n’empêche, Nassib Lahoud a choisi, il est constant : c’est rare dans le landernau politique libanais. Dernier exemple en date : l’interview qu’il a accordée, hier, à L’Orient-Le Jour. Traiter les disparitions au cas par cas Parmi les personnalités politiques les plus remerciées par les prisonniers libanais revenus de Syrie puis libérés, le nom de Nassib Lahoud se place incontestablement dans le peloton de tête. «Ah bon ? Je ne savais pas. Pourquoi ?...» Comment évaluez-vous ce qui a été fait par rapport à tout cela, ce qui reste à faire surtout, notamment à la suite des instructions données par le chef de l’État afin que soit mis en place un mécanisme pour déterminer le sort des disparus ? «La manière avec laquelle le dossier a été géré manquait de tact. Il ne fallait pas dire “voilà, ça y est, ce sont les derniers prisonniers, fermez maintenant ce dossier”. On ne ferme pas ce genre de dossiers en une seule fois, alors que beaucoup de familles continuent à réclamer leurs proches, qui pensent que ces derniers sont encore vivants. Je souhaite également la formation d’une commission au sein de laquelle siégerait d’abord un grand juge, qui serait chargé de rassurer les familles, mais également des représentants de l’État et de la société civile, des organisations de défense des droits de l’homme. Dans ce cas-là, oui, l’initiative du président Lahoud est bonne et tout le monde devrait faire en sorte qu’elle réussisse. Des recherches doivent être faites, des réponses doivent être données, sur la base d’informations fournies par les familles. La vérité, toute la vérité doit être dite, ensuite les dossiers pourraient se clore, mais uniquement au cas par cas». Il est normal de demander aux familles d’oublier ? «Non, ça c’est impossible, des parents ne peuvent pas oublier que leurs proches ont disparu, c’est évident. Et puis il faut les aider à s’adapter à la nouvelle donne. Je pense que la guerre a engendré énormément d’atrocités». Il est donc clair que tous les disparus lors de la guerre ne se trouvent pas nécessairement en Syrie ? «Absolument. Cette assertion est fausse. Beaucoup sont morts dans d’autres circonstances». Les rapports Liban-Syrie Où en est-on dans l’évolution des rapports libano-syriens ? Y a-t-il vraiment eu redéploiement, départ des forces armées syriennes du Metn par exemple ? «Je refuse d’abord cette logique qui veut que tout redéploiement doive être une opération secrète à propos de laquelle il faut se poser des questions, essayer de deviner. Il faut qu’un redéploiement soit le fruit d’une concertation entre les deux États, que le dossier des relations bilatérales soit traité ouvertement, et dans le détail, que la question de la présence des forces armées soit examinée par les deux gouvernements. Est-elle nécessaire ? Si oui, où, combien et jusqu’à quand devrait-elle durer ? Cela doit se faire dans la sérénité et dans le respect des besoins stratégiques libano-syriens». Vous en pensez quoi, vous, Nassib Lahoud ? Cette présence est-elle encore nécessaire ? «Je pense qu’engager ce genre de pourparlers avec des idées préconçues desservirait le dialogue entre les deux pays et le but recherché». Vous n’avez pas d’idées préconçues, vous ? «La seule idée préconçue que j’ai, c’est qu’il est temps de réviser en profondeur et en détail la présence militaire syrienne au Liban. Cela est valable pour les relations économiques, pour la main-d’œuvre syrienne, etc.». Et les services de renseignements syriens ? «L’immixtion syrienne dans la politique libanaise intérieure est absolument à revoir, et sérieusement. Il est contraire aux intérêts des deux pays que cette immixtion dure. Il faut assainir ces relations pour rendre au Liban sa souveraineté et sa liberté de décision, et arriver à un partenariat stratégique entre les deux pays». Le grand problème, pour Nassib Lahoud, c’est que le gouvernement libanais refuse toujours d’engager ce dialogue, «cela relève pourtant de sa responsabilité, or il ne fait que se cantonner dans de vagues slogans selon lesquels la présence syrienne est légale, temporaire et nécessaire. Ce n’est pas avec trois mots que l’on peut résumer une situation beaucoup plus compliquée que cela». La libération des prisonniers est une étape positive dans cette évolution, non ? «Absolument. Sauf que cette libération, pour absolument nécessaire qu’elle ait été, ne constitue pas le dossier principal. L’initiative du président Assad sur ce point est louable». Et les entretiens qu’il a accordés, à Damas, à bon nombre d’interlocuteurs du camp chrétien, Fouad Boutros en tête ? «Ils sont fort utiles. Mais je ne veux pas que l’on réduise tout cela à des tentatives en vue d’un assainissement des relations syro-chrétiennes. Les chrétiens demandent la même chose pour eux, autant que pour l’ensemble du pays». Ce n’est pas le président Lahoud qui aurait dû enclencher cette série de concertations ? «Tant au niveau de la présidence de l’État qu’à celui du gouvernement, le dialogue interlibanais est insuffisant et les dossiers importants sont occultés, que ce soit les relations libano-syriennes, la situation au Liban-Sud, la réconciliation nationale, ou l’état de la démocratie et celui des libertés». Aucune évolution durant l’an 2000 Si l’on veut faire le bilan de l’an 2000, en s’arrêtant notamment sur ces quatre dossiers ? Ces quatre dossiers ont-ils évolués ? «Concernant le dossier libano-syrien, aucune évolution, à l’exception de la libération des prisonniers libanais. Par rapport à la situation au Sud, les autorités libanaises et la communauté internationale sont toujours en plein débat et aucune initiative diplomatique sérieuse n’a encore été faite par les Libanais. Pour que le Liban demande un amendement de la ligne bleue, pour que celle-ci englobe les fermes de Chebaa, il est impératif qu’il y ait au préalable un accord formel entre le Liban et la Syrie sur la libanité de ces hameaux. Et cette initiative, seul le gouvernement libanais doit la prendre, puisque la Syrie a déjà reconnu cette libanité. Concernant la démocratie, aucune évolution non plus, au vu surtout de la loi électorale qui a régi les législatives 2000 et dont tout le monde reconnaît aujourd’hui l’iniquité. Et puis la gestion des opérations électorales a manqué totalement de neutralité. La déclaration ministérielle aurait dû définir les bases d’une nouvelle loi électorale, que le débat soit lancé dans le pays, le gouvernement y aurait beaucoup gagné sur le plan de la promotion de la démocratie. Quant aux libertés, nous avons tous noté avec plaisir l’engagement pris par le Premier ministre pour leur défense. Il faut maintenant que tout cela soit codifié, qu’il y ait de nouvelles lois qui protègeront les citoyens vis-à-vis du pouvoir. Nous attendons que le gouvernement tienne tous ces engagements. Il faut le prendre au mot, il faut aussi que la société civile continue à faire pression. Au sujet de la réconciliation nationale, c’est pareil, il faudrait élargir au plus vite la loi d’amnistie et assurer le retour des leaders exilés. C’est incontournable. J’espère que les responsables réaliseront très tôt que si les grands dossiers politiques ne sont pas résolus, il n’y aura aucune croissance à l’horizon, aucun investissement». Le bilan de l’an 2000 est donc globalement négatif ? «À l’exception du retrait israélien – une très grande victoire – ce bilan est triste. Et démotivant. Les élections et le nouveau gouvernement auraient dû constituer un nouveau point de départ, avec un programme politique ambitieux, clair, tourné vers l’avenir. Le fossé entre les attentes des Libanais et les préoccupations du gouvernement est énorme et inconcevable». La barre là où il fallait Et la querelle Hariri-Murr au sujet de la présidence du Conseil central de sécurité ? «C’est un détail...» Certes, mais il est énorme. Est-ce que cela ne signifie pas que certains pôles du pouvoir essaient d’écarter Rafic Hariri de toute action politique en voulant le cantonner aux seules décisions économiques ? «On ne peut pas interdire à un gouvernement de s’occuper de tous les problèmes d’un pays. Un pays est géré dans sa globalité par son gouvernement. Et si le Premier ministre ne s’est pas occupé de certains dossiers politiques, cela constitue un grave manquement.» Y a-t-il eu manquement ? «Évidemment. On n’a pas vu le gouvernement à l’action au sujet des prisonniers politiques par exemple...» Et les attaques des ulémas du Akkar contre le patriarche maronite ? «C’est inacceptable. Le fond et la forme de leur discours est inacceptable. J’ai fait part de mon refus total et j’aurais voulu entendre chez les leaders de la communauté musulmane des condamnations plus claires». Quand est-ce que vous allez lever la voix, monter d’un cran ? «Vous savez, la hauteur à laquelle j’ai mis la barre est la hauteur qu’il faut. Il ne sert à rien d’être agressif. Sur le fond, ce que je dis est très “haut”. Et si on peut arriver à construire un consensus autour des grandes lignes que je propose, je pense que cela serait très bien pour le pays». Qu’on se le dise. Ziyad MAKHOUL
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est constant. Et sa constance, Nassib Lahoud la prouve à chaque occasion : à chaque déclaration, à chaque interview, il creuse le sillon qu’il s’est choisi, sans se dédire, sans s’excuser, sans baisser le ton. Sa constance lui permet de poser des jalons, de baliser, d’affermir un parcours politique, réel et cohérent. On...