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Actualités - BIOGRAPHIE

Le portrait de Rima Eddé

Le portrait de Rima Eddé aurait pu inspirer Degas ou encore Toulouse-Lautrec, ses chers maîtres... Un physique de ballerine, le port de tête noble, la démarche légère, le regard intense. Et des mains comme empruntées à une autre, les mains d’un peintre qu’elle est aussi, des mains passionnées, rebelles. Un peu comme son tempérament, un peu comme sa vie, comme son art. Rima Eddé pénètre la pièce sur la demi-pointe des pieds, ballerines imaginaires qui lui donnent des ailes. Un bandeau pour seul costume de scène découvre son front large, franc et dévoile des yeux comme éclairés par une lumière intérieure. Deux prunelles curieuses qui regardent, impriment, puis donnent à son pinceau la mémoire des détails, des couleurs et des formes. Rima a tellement regardé le monde de la danse pour le reproduire sur ses grandes toiles qu’elle l’a pénétré, corps et âme, devenant elle-même danseuse, au même titre que peintre. Car elle ne peut faire les choses à moitié, guidée par une forte sensibilité et un monde intérieur très élaboré. «J’ai toujours été rebelle, différente. Avec une imagination poussée à bout». Et un désir de liberté permanent. Qu’elle assume entièrement ! Les choses – importantes – de la vie Lorsqu’elle quitte le Liban pour la France en 1974, lançant à son tour le célèbre «à nous deux, Paris !», Rima Eddé doit relever plusieurs défis pour gagner cette première liberté. Inscrite à la fameuse école Met de Penninghen, elle ne peut se permettre un échec, «tu échoues, tu rentres !», menaceront alors ses parents. «C’était la grosse panique». Les cinq années d’études seront dures mais passionnantes, «une ambiance très forte, particulière, émotionnelle et passionnée. Un monde qui convenait parfaitement à ma sensibilité et qui la transformait en force». Elle se jette dans le dessin, puis la peinture à l’huile, troquant les techniques modernes contre les pinceaux. «Je n’aimais pas les machines, ce qui m’a obligée à compenser par le dessin, répondre à l’art graphique par l’huile». Traitant son projet de diplôme «les choses importantes de la vie» sur un ton libre et ironique, à l’huile bien évidemment, elle obtient son diplôme de graphiste en 1979 avec mention très bien. «Je ne pense pas qu’on peint mieux avec le temps, on peint différemment. Le goût du risque en moins». Rima, qui se sent bien plus peintre que graphiste, «c’est également dû à mon tempérament solitaire», se met à fréquenter le milieu de la danse, «très intéressant pour un peintre», à observer les danseurs, les reproduire, avant d’entrer elle-même dans la danse. Lorsqu’elle se repose, elle peint encore, des personnages en situation, des toréadors avant leur entrée en scène, des amis dans un café parisien, des inconnus dans des salles d’attente, «un monde intimiste où l’être est important». Elle épouse un photographe français dont elle aura deux enfants, aujourd’hui âgés de 20 et 17 ans, avant de s’en séparer en toute amitié et de poursuivre sa vie parisienne, «une vie d’artiste, très intéressante mais déréglée, quelquefois insécurisante». Une vie d’artiste qui s’exprime enfin vers la fin des années 80. Rima Eddé va participer à plusieurs expositions collectives parisiennes avant de «s’exposer» seule à la galerie Liliane François en 1989. Trois ans plus tard, les Libanais auront la chance de la retrouver à la galerie Épreuve d’Artiste où ses toiles, ses danseurs et ses couleurs très libres seront enfin à l’honneur. Dans le privé, Rima se dirige de plus en plus vers les commandes de portraits, «comme je peignais beaucoup d’amis, les gens trouvaient ça très ressemblant». Pourquoi pas nous ? lui diront-ils. Encouragée par ses proches et les inconditionnels, les commandes personnelles se précisent et se multiplient ; l’artiste a la lourde tâche d’immortaliser un être, enfant, adulte, des épouses de politiciens, des gens du monde. Pour cela, elle fait des passages éclair au Liban, l’agenda déjà bouclé, rencontre son heureuse victime, l’apprivoise avant de la prendre en photos, «pour les détails physiques. Puis elle repart vers son atelier parisien exécuter le travail dans sa solitude sacrée. «J’essaie surtout de retranscrire l’âme. Les gens sont assez exigeants et je me dois d’être totalement fidèle au modèle, jusque dans le tempérament». Rima «vit avec ses personnages» le temps qu’il faut, «des mois parfois», une relation privilégiée, «je développe une grande affection pour eux !», qui prend fin lorsque, le travail achevé, la toile trouve sa place sur le mur qui l’attend. Parmi les privilégiés figurent Papou Lahoud, «elle voulait des danseurs», Zeina Trad, Farès Boueiz, Gaby Tamer, Zafer Chaoui ou encore... Le Sérail. Le portrait de Rima Eddé serait incomplet si l’émotion n’y était pas présente, comme une couleur prédominante ; celle qu’elle dégage et celle qu’elle ressent. Son portrait demeure pourtant très abstrait, Rima ne possède presque aucune photo d’elle, volontairement sans doute. Au nom de la liberté. Carla HENOUD
Le portrait de Rima Eddé aurait pu inspirer Degas ou encore Toulouse-Lautrec, ses chers maîtres... Un physique de ballerine, le port de tête noble, la démarche légère, le regard intense. Et des mains comme empruntées à une autre, les mains d’un peintre qu’elle est aussi, des mains passionnées, rebelles. Un peu comme son tempérament, un peu comme sa vie, comme son art. Rima Eddé...