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Actualités - ANALYSE

Le Conseil des ministres toujours en quête d’un statut

L’État des institutions : dix ans après Taëf, deux ans après le discours d’investiture, on en reste toujours loin. À preuve que le Conseil des ministres, que l’on a doté d’un siège de rattrapage (les anciens locaux administratifs de l’UL) est toujours en quête d’un statut organique. Ou, si l’on préfère la terminologie disciplinaire, d’un «règlement intérieur». Les ministres, plus frondeurs qu’on ne l’avait promis, commencent à se plaindre de ce manque de structuration qui leur permet pourtant de prendre bien des libertés avec la hiérarchie. On sait en effet que nombre d’entre eux, et non des moindres, ont déjà eu maille à partir avec le chef du gouvernement. Des frictions, rapportées ici même, ont de la sorte opposé ces derniers temps MM. Issam Farès et Élias Murr au président Rafic Hariri. On ne s’étonnera pas dès lors que ce dernier ne soit pas hostile à la mise en forme d’un code précis pour le fonctionnement de l’Exécutif. À condition, bien entendu, que cette réglementation vienne asseoir son autorité sur l’ensemble de l’équipe gouvernementale. C’est ce que croient savoir des sources informées, qui rappellent que l’idée en l’air depuis les temps, déjà lointains, où M. Nabih Berry était ministre et réclamait une carrosserie bien conçue pour le char de l’État. M. Hariri lui-même avait eu quelques velléités d’organisation lors de l’une de ses précédentes expériences gouvernementales. Il avait à l’époque chargé l’un de ses ministres de préparer une étude circonstanciée, travail que les circonstances n’ont semble-t-il jamais permis de soumettre au Conseil. Ce qui est assez compréhensible si l’on se remémore que le même M. Hariri, qui n’en est pas à une contradiction près, s’était toujours opposé sous le régime Hraoui à attribuer au Conseil un siège tout à fait indépendant, comme le commande pourtant Taëf. Il a fallu l’avènement du président Lahoud pour que l’institution soit enfin logée à sa propre enseigne et non plus à Baabda ou au Sérail. Comme on sait, ce dernier corps de bâtiment a été rénové à grands frais (une soixantaine de millions de dollars) par M. Hariri qui pensait en réserver une aile aux réunions du Conseil, avec la flatteuse perspective de recevoir «chez lui» le président de la République une fois par semaine. Mais ce menu piège de préséance a été déjoué d’entrée de jeu par le président Hraoui qui a rejeté l’offre haririenne, soulignant que si le Conseil devait siéger ailleurs qu’à Baabda, cela devrait être dans des locaux bien à lui, entendre en terrain neutre. Finalement, sous M. Hoss, l’on a envoyé la direction de l’UL aller se mettre en vitrine à l’immeuble de verre (destiné au départ au Parlement) du secteur du Musée, initialement réservé à la Sécurité d’État créée après Taëf pour faire plaisir à M. Berry. Cet étrange carrousel immobilier une fois réglé, l’on en est resté là, sans pourvoir le Conseil de ce manuel d’emploi, de ce règlement interne, qui doit constituer sa principale ossature juridique. Et politique. Sur le plan fonctionnel, il va sans dire qu’un statut en bonne et due forme permettrait de moderniser le travail administratif en dotant le Cabinet d’un cabinet formé d’une pléiade de cadres à plein temps. La préparation des ordres du jour, la publication des décrets, les notifications aux ministères ou aux administrations ne se feraient plus au petit bonheur la chance, mais d’une manière bien organisée. Jusque-là les autorités ont rechigné à un tel effort pour une assez bonne raison : la création d’un nouvel organigramme à caractère administratif implique en effet, dans la mentalité politicienne locale, une compétition serrée, à caractère confessionnel, pour l’attribution des postes d’importance. Une nouvelle cause, en somme, de lutte d’influence et de disputes entre leaderships. À ces motivations, sans doute louables, s’ajoute cependant une arrière-pensée plutôt égoïste : en l’état traditionnel du système, c’est le Cabinet de la présidence du Conseil qui s’occupe du Conseil tout court et en contrôle donc les pulsions, notamment au niveau, très important, de l’ordre du jour. Un dispositif qui ne manque du reste pas de logique purement institutionnelle. En effet, selon la Constitution, c’est le président du Conseil qui coordonne et supervise l’action du gouvernement. Il paraît donc normal que l’intendance reste confiée à son propre staff bureautique. Mais la Constitution prohibe clairement le dédoublement de personnalité morale. Elle précise noir sur blanc que le Conseil des ministres, instance titulaire en tant que telle du pouvoir exécutif, surclasse collectivement tout autre autorité de ce même exécutif. À preuve d’ailleurs qu’il est maintes fois arrivé à un chef de gouvernement d’être mis en minorité lors d’un vote du Conseil. À l’heure actuelle, et comme on est dans le pays du compromis, les pôles concernés sont en quête d’un arrangement qui autonomiserait le Conseil sans en fâcher le président. Certains proposent ainsi que le secrétariat général du Sérail soit détaché en bloc auprès du Conseil, pour lui servir de cabinet permanent, le chef du gouvernement recrutant alors pour sa part une nouvelle équipe administrative. Il reste un autre point de litige : la définition des prérogatives, encore très vagues, du vice-président du Conseil. M. Michel Murr avait déjà soulevé le problème quand il occupait la fonction. Il avait prié le Parlement et le service du contentieux du ministère de la Justice d’élaborer des études juridiques. Mais le projet est resté lettre morte. Philippe ABI-AKL
L’État des institutions : dix ans après Taëf, deux ans après le discours d’investiture, on en reste toujours loin. À preuve que le Conseil des ministres, que l’on a doté d’un siège de rattrapage (les anciens locaux administratifs de l’UL) est toujours en quête d’un statut organique. Ou, si l’on préfère la terminologie disciplinaire, d’un «règlement...