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Actualités - REPORTAGES

Société - Fumer un bon Montecristo, un excellent Cohiba. Quel plaisir ? Cigare, sortilèges, mystères et mode d’emploi

Fumer un cigare. Toute une technique, toute une passion, tout un savoir-faire. Fumer un bon Montecristo, un excellent Cohiba, déguster un Punch ou un Davidoff, sentir le goût de l’arôme vous envahir, ce goût qui flirte avec votre palais, sentir le goût tantôt caramélisé, tantôt amer, tantôt sucré. Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, était si attaché à ses cigares qu’il devenait incapable de réfléchir quand il n’en avait pas un sur lui. Pourquoi fumons-nous le cigare ? Par réelle passion ? Pour frimer ? Quelles sont les marques de cigare les plus connues ? Y a-t-il une classification bien précise des meilleurs cigares ? Chez nous au Liban, combien de cigares sont consommés par an ? L’empereur Napoléon III répondit un jour à quelqu’un qui lui demandait de prohiber le tabac : «Ce vice rapporte une centaine de millions par an. Quand vous pourrez me citer une vertu qui en rapporte autant, je l’interdirai». Une passion qui touche de plus en plus de jeunes, de plus en plus de monde, beaucoup se laissent tenter par cette nouvelle expérience, un véritable phénomène de société. Découvrons cet univers unique, l’univers du cigare, un monde à part. Fumer un cigare a toujours été un symbole de réussite et de pouvoir. D’ailleurs, si on observe certains tableaux et photos qui datent du début du siècle, on remarque que presque tous les hommes portaient un chapeau et fumaient le cigare, signes de puissance et de richesse. C’est vrai. Les rois de l’époque, les généraux, les hommes politiques fument. Et n’en déplaisent à beaucoup de machistes, pas mal de femmes aussi. Et tant mieux. On ne voit pas en quoi ça ne devrait être qu’une activité masculine. Des produits luxueux Des hommes comme Fidel Castro ont, à côté de leur bureau, une salle annexe dans laquelle ils collectionnent leurs cigares préférés. En 1900, aux États-Unis, on disait que quatre hommes sur cinq fumaient la feuille dorée. Chez nous, les fumeurs de cigare ne représentent que 10 à 15 % de la poupulation totale. Les très bons cigares restent donc des produits luxueux et ne sont pas accessibles à tous. Les marques les plus vendues sont le Montecristo, le Cohiba, le Romeo y Julieta, le Punch et le Partagas de Cuba. Le Hoyo de Monterrey, cigare fabriqué à Tegucigalpa, capitale du Honduras, est bien placé aussi. Les cigares cubains tiennent la corde devant ceux provenant de la République dominicaine. Les gens préfèrent l’arôme cubain parce qu’il est plus onctueux et beaucoup plus épicé. La clientèle fait partie de la classe aisée, ce sont surtout des habitués. Le chiffre d’affaires de certains agents exclusifs peut varier de 600 000 à un million de dollars annuel. Toutefois, avec la crise économique actuelle, les ventes ont tendance à baisser un peu partout dans le pays. Beaucoup de jeunes achètent le cigare à l’unité. Ainsi, les prix des cigares à l’unité vont de 2 500 livres libanaises à 22 dollars américains. Les boîtes, elles, ont un prix qui varie de 24 à 500 dollars. Des marques moins huppées que les Montecristo et compagnie, comme La Flor de Cano par exemple, vendent les boîtes de 26 coronas à 25 dollars américains. Plusieurs bons magasins se trouvent en ville. On trouve à peu près toutes les marques de cigare, toutes les tailles et toutes les couleurs. Du moins, les plus fumées et les plus connues. Elles proviennent des grands pays producteurs de tabac. On trouve surtout du cubain et du dominicain. Les cigares provenant du Brésil ou du Honduras sont rares. Si vous désirez acheter un bon «El Rey del Mundo» par exemple, ou un Licenciados, ou une autre marque moins connue mais tout aussi prestigieuse et certainement plus rare, faites un petit tour du côté de l’Aéroport international de Beyrouth. Si vous allez vers Cuba, ne revenez pas avec plus de trois boîtes de cigares dans vos valises. Sinon, c’est la grosse amende. Certaines mauvaises langues affirment que les cigares que l’on trouve chez nous proviennent des pays de l’Est. Les graines sont cubaines mais elles ne sont pas cultivées à Cuba. Les responsables interrogés ont démenti ces rumeurs mais affirment que les cigares contrefaits existent quand même comme partout au monde. Par ailleurs, «ce qui mériterait d’être développé au Liban, ce sont les clubs de cigares», me lance un vendeur. Oui mais réuniront-ils beaucoup de monde ? Pas si sûr. «En tout cas, ce sera des endroits où les amateurs s’adonneront à leur passion sans polluer le reste de la population», réplique-t-il. Outre les grands magasins, on peut trouver beaucoup de cigares dans différents «pubs», genre «bars à cigare» où on peut boire, dîner et fumer un bon Montecristo par la suite. Cela dit, le cigare a toujours eu des opposants. Outre la reine Victoria qui ne fut jamais proche de tout ce qui est tabac et le désapprouvait totalement, on assista en 1964 en Amérique à une montée en puissance de l’antitabagisme avec la publication du fameux rapport Terry qui accusait le tabac d’être la cause de maladies graves, dont le cancer. Ce rapport faisait bien la distinction entre la cigarette, dont la fumée est avalée, et le cigare, qui présente des risques moindres, étant donné que la fumée, dans ce cas, n’est pas inhalée. Suite à ce rapport, des groupes antitabac se formèrent un peu partout en Europe. Mais, cela ne tienne, quand on est passionné, on l’est pour la vie, et malgré tout ce qui fut dit les fumeurs de cigares continuèrent à fumer. L’embargo décrété par Kennedy C’est après la Seconde Guerre mondiale que les cigares – surtout cubains – vont connaître une période glorieuse au cours de laquelle les fumeurs vont privilégier les cigares roulés à la machine par rapport à ceux fabriqués à la main. Pourtant, ces derniers, reconnaissent les connaisseurs, sont bien plus fins et ont un goût beaucoup plus subtil . Ainsi, les «Clear Havanas» ou les «vrais havanes», cigares cubains fabriqués aux États-Unis, étaient vendus en grande quantité. Malheureusement, l’histoire d’amour entre Cuba et les États-Unis allait se détériorer. Après la révolution menée par Fidel Castro, l’île voisine de Saint-Domingue subira un embargo fatal, imposé par le président Kennedy. Pour la petite histoire, sachez que le jeune président charismatique avait pris ses précautions, en mettant de côté, juste avant l’entrée en vigueur de l’embargo, plus de 1 000 cigares. Malin non ? Toujours est-il que cette punition infligée par le président américain provoqua un certain découragement chez les fumeurs et surtout chez les fabricants de cigares cubains qui, pour beaucoup d’entres eux, quittèrent en grand nombre leurs manufactures pour s’installer en Floride. Là, ils continuèrent leur fabrication en gardant les mêmes marques qu’ils utilisaient auparavant, alors que toutes les entreprises abandonnées étaient nationalisées par le régime castriste. Ainsi, la seule manière de reconnaître un vrai cigare cubain provenant directement de Cuba, comme un bon Cohiba par exemple, ou un Montecristo ou encore un Romeo y Julieta, est de vérifier si l’inscription «Habano» ou «Havana» figure sur la bague. Au fait, qu’est-ce qu’une bague ? Et bien la bague n’est autre que cet élégant morceau de papier qui entoure le cigare. On y trouve inscrits la marque, l’endroit de fabrication et, quelquefois, le nom de la manufacture. À quoi sert-elle ? Tout simplement à garder la feuille bien sous pression, de sorte que celle-ci ne se détache pas. De plus, elle permet de ne pas vous salir l’index pendant la prise en main de votre cigare. De nos jours, l’attitude à l’égard des fumeurs de cigare est un peu plus tolérante que par le passé. Bien que les opposants restent nombreux, le mouvement en faveur du cigare est trop important et l’enrayer relève de l’impossible. Comment choisir un bon cigare ? Pour beaucoup d’entre nous, acheter un cigare pour la première fois est synonyme de nervosité. C’est clair. Nous voilà dans un magasin luxueux au cœur de Beyrouth, le marchand nous guide ensuite vers sa cave et nous nous trouvons face à une multitude de cigares, de toutes les marques. Un profane s’y perd, à coup sûr. Lequel choisir ? Comment faire pour ne pas commettre une erreur embarrassante ? En fait, c’est au vendeur lui-même de vous mettre à l’aise. Il doit être en mesure, si c’est un connaisseur, de vous guider dans votre choix. Il n’y a pas de mauvais cigares. Tout dépend de votre goût personnel, celui que vous développerez avec le temps. Le meilleur moyen de devenir initié est de rester attentif, lors de vos premiers achats, aux différentes discussions qui se tiennent dans les caves à cigares les plus connues du pays. N’hésitez pas à poser des questions sur telle ou telle marque, sur l’endroit de fabrication... bref, ayez l ’esprit curieux ! Après tout, vous allez acheter un produit exceptionnel à un prix exceptionnel, vous êtes donc en droit de demander des explications. Ainsi, vous développerez très vite vos goûts personnels, vous saurez faire la différence entre le Montecristo n°4 et le Punch Corona ou entre le Cohiba cher à Fidel Castro et un Davidoff dominicain. Évaluer un bon cigare. Ce n’est pas difficile. Testez-le et posez-vous les questions suivantes : Quel goût a-t-il ? Est-il sucré, fade, caramélisé, piquant ? Tous les cigares du monde ont un arôme et un goût bien particuliers. Les spécialistes classent les arômes suivant une échelle allant de A à E. A représente le cigare le plus doux, qui convient d’ailleurs aux débutants et E, le plus fort. Le Romeo y Julieta est classé D : équilibré à fort. Si vous commencez par celui-ci, vous risquez de ne pas apprécier le goût et donc de ne plus renouveler l’expérience. Commencez donc par fumer un cigare doux : le José Marti par exemple. Entre deux rendez-vous espacés d’un quart d’heure, il serait dommage de fumer un cigare qui mériterait d’être consommé au calme avec un bon porto. Un cigare est fait pour vous détendre. Certains fument dans les grandes occasions, un mariage par exemple. D’autres, au contraire, fument pendant des funérailles. Oui, un bon cigare peut vous remonter le moral. Comment reconnaître un bon cigare ? S’il est bien entretenu, votre cigare ne risque pas de s’abîmer et de se dessécher. On reconnaît un bon cigare à la couleur de sa cendre. Plus celle-ci est blanche, meilleur est le cigare. Sa structure est aussi un indice. Les meilleurs cigares produisent des cendres assez longues et résistantes. Ainsi, lors de dîners, on peut remarquer que certaines personnes s’amusent à «jouer» à qui aura la plus longue cendre. Bonjour les dégâts ! Pour les tapis, bien sûr. Un bon cigare se reconnaît aussi par son arôme. S’il est vraiment désagréable, le cigare est malheureusement à jeter. De plus, si votre cigare est légèrement huileux, c’est bon signe. L’important est de bien conserver vos cigares, dans une cave digne de ce nom. N’oubliez pas que ce sont finalement des produits naturels. Ils sont la résultante d’un équilibre subtil de température et d’humidité. Qu’est-ce qu’une bonne cave à cigare ? C’est un endroit humidifié à 70 % dont l’atmosphère est celle d’un pays tropical. La température ne doit pas dépasser 20 degrés. Si ces conditions sont remplies, vous pourrez conserver vos cigares des années. Un humidificateur est nécessaire. Vous reconnaissez une bonne cave par l’odeur de son bois précieux. «On sent le cèdre», s ’exclame le vendeur. C’est une boîte fabriquée afin qu’un minimum d’air y circule. Pour l’entretenir, il ne faut pas oublier de rajouter de l’eau distillée tous les mois. Rassurez-vous, la plupart des magasins de cigares au Liban disposent de bonnes caves et de bons humidificateurs. Les prix varient de 400 à 2 000 dollars américains. C’est simple. Comme pour l’achat d’un véhicule, il faut bien s’assurer des performances de l’appareil. L’intérieur doit être recouvert de bois de cèdre. Ce dernier absorbe l’humidité et la diffuse de façon à améliorer la maturation des cigares. Achetez une cave un peu plus grande que nécessaire. La première chose à vérifier est le système d’humidification. Certaines caves disposent d’un flacon ou d’une simple éponge qui diffusent lentement l’humidité. Veillez ensuite à ce que le couvercle et la partie supérieure de la cave s’emboîtent parfaitement. Le couvercle doit être complètement étanche, permettant à l’air de circuler à l’intérieur de la boîte. Bon fumeur ou bon frimeur ? On reconnaît immédiatement un bon fumeur de cigare d’un mauvais. Dans la façon de tenir le cigare tout d’abord. Il ne doit surtout pas être tenu comme une cigarette. Le cigare doit reposer sur le pouce et le majeur et être maintenu par l’index. Un petit frimeur est vite repéré. Fumer un cigare demande une technique particulière : il faut savoir le couper, l’allumer... (voir encadré). Quelqu’un dont le cigare s’éteint sans arrêt ne sait sûrement pas le fumer. Un peu d’attention vous suffira pour reconnaître les amateurs expérimentés. Voilà. Comme le dit si bien Bill Cosby : «Je vais m’asseoir et m’offrir un petit plaisir auquel je pense depuis un moment. C’est le mélange d’un soupçon d’avoine grillée et de fruit sec, avec une note de cannelle et un accent de cacao... Non, ce n’est pas un cigare. C’est une barre de chocolat granola». Raji GABRIEL
Fumer un cigare. Toute une technique, toute une passion, tout un savoir-faire. Fumer un bon Montecristo, un excellent Cohiba, déguster un Punch ou un Davidoff, sentir le goût de l’arôme vous envahir, ce goût qui flirte avec votre palais, sentir le goût tantôt caramélisé, tantôt amer, tantôt sucré. Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, était si attaché à ses...