Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

musique - Assembly Hall de l’AUB Walid Hourani : un piano habité de féerie

Fidèle à ses rendez-vous saisonniers avec les mélomanes libanais, fidèle à ses pertinents traits d’humour qu’il décroche comme des flèches de Cupidon à un public qui l’ovationne – à juste titre – toujours à tout rompre, fidèle à ce gilet d’artiste qu’il porte, plastronnant des notes de musique – partition, peut-être fantaisiste qu’on rêverait un jour de le voir interpréter sur le clavier –, fidèle à sa musique toujours admirablement enserrée dans un programme éblouissant (sans ragtime cette fois!), fidèle surtout à un art et une inspiration suprêmes, voilà pour notre plaisir et félicité (le mot n’est pas de trop quand on sort sur un nuage à cause d’une belle mélodie!) le piano habité de féerie de Walid Hourani. Présenté conjointement par le Rotary Club du Chouf et l’École de musique Ghassan Yammine à l’Assembly Hall (AUB) Walid Hourani dont le talent de virtuose et l’esprit pince-sans-rire ne sont plus secrets pour personne, a concocté à ses nombreux amis et fervents adeptes des touches d’ivoire un somptueux menu où ont résonné des pages de J.S. Bach, Scarlatti, Beethoven, Chopin, Gelalian et Modeste Moussorgsky. Ouverture solennelle, oscillant entre gravité et ferveur d’un magnifique Prélude sur un ton mineur tiré du livre le Clavier bien tempéré du Kantor. Douce et presque pieuse narration d’une absolue pureté et d’une architecture dépouillée et cristalline. Trois sonates (longo 413,23 et 104) de Domenico Scarlatti devaient prendre le relais. Monde sonore plein de grâce de ce musicien né à Naples et maître de la Cappella Giulia. Sonates qui ont rendu célèbre ce brillant claveciniste sicilien définitivement établi en Espagne ; sonates se signalant par une ligne aisée et élégante, des rythmes vifs et bien marqués, sans oublier une harmonie souvent bien audacieuse pour un XVIIIe siècle fouillant plutôt dans le chaudron d’une science naissante... À savourer aussi, comme une croustillante gâterie, dans la savoureuse ligne bachienne, une parfaite connaissance des subtilités du contrepoint que Scarlatti utilise à bon escient, agrémentant ses compositions de délicieuses fantaisies qui en aucun cas ne font étalage de science ou de virtuosité mais demeurent dans les limites d’un ingénieux et charmant badinage avec les touches du clavier. Atmosphère plus grave et préromantique avec la sonate quasi una fantasia op 27 n 2 de Beethoven appelée Clair de lune dans ses trois mouvements magnifiques alternant une rêverie mélancolique mais comme touchée par la grâce d’un ange et morsures d’accords puissamment arpégés et nerveux comme des coups de boutoir à la pointe du cœur. Lumière et profondeur des forêts romantiques avec le prince et le poète du clavier, Frédéric Chopin. Comme jaillie d’un cossu salon lambrissé très «viscontien» où crissent les crinolines et scintillent les pendeloques des lustres, cette mélodie diaphane et troublante teintée d’une tristesse d’aquarelle, tel est cet impalpable «impromptu» (op 29) aux notes fluides et fuyantes de l’exilé polonais. Fantaisie-Impromptu op 6, avec plus d’audace et de liberté dans l’imagination et la narration de cette œuvre aux phrases tourbillonnantes comme une toupie folle. On reste sans souffle devant la myriade de notes et la pluie diluvienne de ces grands arpèges s’abattant sur l’auditeur en grappes dorées et opalescentes comme une nuée de papillons aux diaprures phosphorescentes. Fin de la première partie réservée à l’ami et maître Boghos Gelalian tapi à l’ombre parmi les auditeurs et qui signe là en première audition publique une Canto Mesto et Fantasia-toccata composés en janvier 2000. Quelques notes, des accords tendus, le soupçon d’une mélodie arméno-orientalisante et surtout une vigoureuse toccata, nerveuse, torrentielle, redoutablement rythmée et arpégée pour dire une tornade intérieure faite de fureur, d’angoisse et d’inquiétude. Tonnerre d’applaudissements pour l’intrerprète au-dessus de tout éloge et le compositeur toujours d’une confondante modestie, unis dans une sympathique et chaleureuse embrassade dans la rangée centrale parmi une audience enthousiaste et émue. Après l’entracte, un monument du répertoire pianistique : Les tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgsky. Trois notes haut perchées et comme indicatives pour introduire cette «galerie» faite d’une superbe suite de pièces évoquant les dessins de l’architecte allemand Hartmann. Suites somptueuses où les images sonores sont envoûtantes et d’une incroyable éloquence. Rêverie en catimini sur un ton parfois orientalisant ou martèlements intempestifs sur un rythme d’enfer, ce sont là mieux qu’un commentaire. Il s’agit en fait d’impressions sugéerées par la vue des tableaux que le musicien a transcrit en phrases musicales. De l’audace, un lyrisme inhabituel, des mélodies saisissantes, le tout avec cette manière unique qu’ont les Russes d’aborder la musique avec de tendres emportements... Longues salves d’applaudissements pour un pianiste que le public «sympathise» pour son talent énorme et sa présence. Deux rappels généreusement accordés dont un splendide Vocalise de Rachmaninoff. Par le souffle de liberté, le sens de la féerie et la chaleur humaine qui l’habitent, ce concert est un vrai moment de bonheur. Edgar DAVIDIAN
Fidèle à ses rendez-vous saisonniers avec les mélomanes libanais, fidèle à ses pertinents traits d’humour qu’il décroche comme des flèches de Cupidon à un public qui l’ovationne – à juste titre – toujours à tout rompre, fidèle à ce gilet d’artiste qu’il porte, plastronnant des notes de musique – partition, peut-être fantaisiste qu’on rêverait un jour de...