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Actualités - INTERVIEWS

Louis Ingea, bourgeois gentilhomme

Louis Ingea est un vrai bourgeois gentilhomme ; un vrai bourgeois, un vrai gentilhomme, qui appartient à une génération perdue dans une nostalgie collective et qu’il fait bon retrouver, pour s’assurer qu’elle existe encore. otre bourgeois gentilhomme en costume cravate est un personnage plein de contrastes qu’il déclame avec verve sur les planches de la Belle Brocante, sa galerie d’antiquités récemment aménagée à la rue Abdel Wahab. «Un bourgeois bon petit diable, pantouflard et fantaisiste, rêveur et révolté, ange et démon, mystique et noceur». Monsieur Ingea est surtout un vrai gentilhomme qui manie avec la même aisance la plume, les couleurs, le pinceau, les textes, la décoration et le bonheur. «Si j’avais été metteur en scène – ce que je suis en décoration – je n’aurais fait que des films intimistes. J’aime les intérieurs, les villas, les maisons de famille, pénétrer le cœur des gens, être le confesseur. On ne réussit pas si l’on n’entre pas dans ces zones là». Loulou Ingea, ainsi surnommé par sa mère, d’abord – elle éprouvait une affection particulière pour son neveu – «un beau bébé qui portait ce prénom», fut un élève des jésuites peu modèle, «médiocre car rêveur» qui préférait gribouiller sur les pages blanches de ses livres scolaires des esquisses de costumes d’époque. Il reconnaît pourtant humblement que les jésuites lui ont tout inculqué «de A à Z, une culture unique au monde» et la passion des mots et des langues. « Il s’agit d’être jésuite et pas jésuitique», de «récolter bien des années plus tard la belle cuisson de cette école». Son père le destinait à une carrière commerciale, sa mère le voyait déjà grand médecin. Que nenni ! Loulou sera un «décorateur de la mesure» après avoir été un des premiers élèves de l’Académie libanaise des beaux-arts. En 1956, il installe dans le quartier des jésuites – encore eux ! – une galerie et un bureau. « J’avais compris dès le début que le papier et le crayon ne suffisaient pas et qu’il fallait fournir une marchandise à une clientèle libanaise exigeante».Il apprendra donc la menuiserie «sur le tas», en s’associant dans un projet d’atelier d’ébénisterie. «J’ai toujours dessiné – et je continue à le faire – des pièces qui sont exécutées devant moi». Cette collaboration va durer une quinzaine d’années pour s’interrompre avec la guerre. En 1975, Louis Ingea et sa famille quittent le pays pour la France où ils resteront jusqu’en 1990. «Je faisais la navette ; je travaillais pour des clients en France et ailleurs, comme tous les autres décorateurs». En 1982, Tony, le fils aîné, gestionnaire, prend en mains – de pro – l’administration et la gestion de l’entreprise, rejoint en 1987 par Roy, fraîchement diplômé de l’École supérieure des arts modernes à Paris. «Aujourd’hui, mes enfants s’occupent de la galerie située à Jal el-Dib pendant que je me fais plaisir dans les antiquités». Et qu’il poursuit ses rêves. Entre rêves et passions Car des rêves, Louis Ingea en a, qu’il ressort de sa manche imaginaire et qu’il effeuille enfin, souhaits, regrets, un peu, beaucoup, passionnément. «J’aurais aimé naître et vivre en Italie, y être décorateur et peintre ; j’adore la culture italienne, sa mode, son art». Passionné par la langue d’abord et par la vie, surtout, Luigi a obtenu une licence en langue italienne à l’Université d’Urbino où il s’en est allé à l’âge de 60 ans goûter à ce nouveau bonheur, «sans aucun complexe ! Je me suis senti hors du temps et du monde». Ses différentes passions flirtent avec ses désirs et deviennent possibilités, puis réalité. «Je suis né pour être architecte» – il ne le sera pas mais réussira tout de même à entièrement exécuter les travaux de plusieurs villas. Né également pour être peintre, «ma deuxième passion», il le deviendra, «je fais de la peinture figurative», pour son propre plaisir, «je n’ai jamais exposé, je n’aime pas les étalages». Loulou qui aime tant se dédoubler a également réussi une carrière d’acteur, interprétant de nombreux rôles sur les planches du théâtre libanais. «Ma première prestation eut lieu à l’Alba, dans la pièce de Barillet et Grédy, “Ami, ami” en 1954». Noha – aujourd’hui Madame Ingea – et Louis s’aimeront sur scène puis dans la vie. «En 1990, le démon m’a repris», ainsi que Antoine et Latifé Moultaka, qu’il retrouvera dans La visite de la vieille dame. Depuis, «Alain Plisson m’a happé». Avec lui, il sera décorateur et acteur dans L’Alouette, Le malade imaginaire, L’émigré de Brisbane et enfin Sur la terre comme au ciel. Les mots, ses complices, l’ont accompagné dans toutes ces amours. Non content de simplement les réciter, il les réunira dans un premier livre Par-delà fiel et miel paru en 1991, puis dans un roman – en quête d’éditeur, Ziad ou l’évanescence. Le dernier rêve, sans doute le maillon qui manquait à la chaîne de cet épris de la vie, écrire une pièce de théâtre qu’il mettrait en scène et qu’il interpréterait, «l’histoire d’un mort revenu surprendre sa famille». Il serait , on s’en doute... un bourgeois gentilhomme. Carla HENOUD
Louis Ingea est un vrai bourgeois gentilhomme ; un vrai bourgeois, un vrai gentilhomme, qui appartient à une génération perdue dans une nostalgie collective et qu’il fait bon retrouver, pour s’assurer qu’elle existe encore. otre bourgeois gentilhomme en costume cravate est un personnage plein de contrastes qu’il déclame avec verve sur les planches de la Belle Brocante, sa galerie...