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Actualités - REPORTAGES

PATRIMOINE - De l’expédition organisée par Bonaparte au coup d’arrêt, au XXe siècle La lumière vient-elle de l’Orient ?

La première expédition archéologique scientifique fut organisée par Bonapart lors de son voyage en Égypte. Elle découvrit en 1799, entre autres trésors, la pierre de Rosette, qui servit à Champollion (1790-1832) dans ses travaux de déchiffrage de l’écriture hiéroglyphique et lui permit de faire son importante communication à ce sujet à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, le 14 septembre 1822. Ce raz-de-marée archéologique qui submergea l’Europe atteignit la Russie. Tatishev écrit son «Introduction pour les fouilles» et Lomonossov son «Histoire de la Russie ancienne» après qu’il eut fouillé les tombes des Scythes, peuplades encore très mal connues qui vécurent et fondèrent leur civilisation en Russie méridionale. Cet ouvrage fut le premier à introduire entre ses pages les premiers hors-texte de cartes et de planches archéologiques. Le côté positif de cet éveil de l’Occident au monde antique fut qu’il suscita beaucoup de vocations parmi les jeunes chercheurs et les savants en herbe des universités européennes. En 1812, Burkhardt découvrit la ville de Pétra, et Lepsius, les vestiges de la Nubie et de l’Égypte. Tessier fit connaître au monde les vestiges de la civilisation des Hittites en Asie mineure et au Proche-Orient en reproduisant leurs monuments et leur art entre 1832 et 1840. Flandin et Coste partirent à la découverte des Mèdes, Parthes et Achéménides. Botta, Place et Layard s’attaquèrent aux Sumériens, aux Babyloniens et aux Assyriens en 1840. Vers le milieu du XIXe siècle, Arcisse de Caumont fonda à Paris l’École française d’archéologie et publia en 1850 une étude intitulée : Abécédaire ou rudiment d’archéologie. Le comte Uvarov (1824-1884) et Zaboline fondent à la même époque, respectivement la Société archéologique et le Musée d’histoire à Moscou. Le général Stoffel découvrit, sous le règne de Napoléon III, les traces des campements militaires de Jules César. De Vogüé précéda de peu Ernest Renan en Phénicie, en Syrie et en Palestine. Renan au Liban Ernest Renan fut le premier orientaliste-archéologue-phénicologue. Il s’installa au Liban en 1860 et se consacra à l’étude de la civilisation phénicienne ; après avoir fouillé superficiellement à Tyr et à Sidon, il acquit la certitude que seule la ville de Byblos, de par sa situation géographique et la conservation de sa stratigraphie, pouvait lui fournir un enchaînement cohérent de l’histoire des civilisations qui se sont succédé sur le sol de ce petit pays. N’ayant pas sous la main, une main-d’œuvre qualifiée, il fit appel au commandement de l’expédition militaire française envoyée par Napoléon III à la suite des massacres de 1860. Le commandant du corps expéditionnaire mit tout de suite à sa disposition un bataillon qui l’aida dans ses excavations. Le fruit de ses recherches archéologiques fut publié dans un ouvrage monumental intitulé : Mission de Phénicien. Ce savant encyclopédique ne s’en tint pas à l’étude des Phéniciens, mais déborda dans ses recherches sur les Sémites en général et les Arabes en particulier, disséquant tel un adroit chirurgien leurs langues, leurs mentalités et leurs coutumes. Son Histoire des langues sémitiques, sa Correspondance et sa Vie de Jésus sont autant de preuves de son génie universel et de sa connaissance profonde des peuples sémitiques. Citons encore parmi les savants de différentes nationalités qui sillonnèrent nos régions et fouillèrent les sites antiques : Perrot en Galatie, Heuzey en Macédoine, Schliemann à Troie, Mycènes et Tyrinthe en 1870. En 1874, on découvrit les fresques préhistoriques des grottes d’Altamira, en Espagne. Les Allemands fouillèrent en Olympie et à Pergame, les Français à Naucratis, les Autrichiens à Ephèse et les Américains à Corinthe. Les comptes rendus de toutes ces fouilles permirent à l’historien de l’art Furtwangler de publier en 1893 son Chef-d’œuvre de la plastique grecque. L’archéologue russe Gorodsov est considéré par ses pairs, en 1888, comme un des plus grands archéologues du monde. L’apogée de ces recherches archéologiques se situe à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, lorsque Sir Arthur Evans découvrit dans l’île de Crète la fabuleuse civilisation minoenne avec ses palais, ses trésors et ses fresques d’une rare beauté et d’une technique, d’une esthétique tellement actuelles et modernes que les critiques d’art se réfèrent à elles malicieusement en discutant les sources d’inspiration de tel peintre ou de tel dessinateur ou sculpteur contemporain. L’art minoen est considéré actuellement comme l’une des sources les plus crédibles de la civilisation classique gréco-romaine. « L’Orient au Rome ? » Les expéditions archéologiques s’arrêtèrent presque définitivement juste au début du XXe siècle pour laisser le temps et l’opportunité aux savants et aux chercheurs de se livrer à leurs travaux de synthèse dans les bibliothèques et les instituts spécialisés, et de se consacrer entièrement à la publication des résultats de leurs fouilles. C’est ainsi que des livres d’une rare valeur scientifique, et qui sont considérés comme ayant opéré un tournant parfois douloureux pour l’Occident dans sa conception archaïque de la civilisation, virent le jour les uns après les autres. Le premier ouvrage dont la parution fit l’effet d’une bombe dans les milieux scientifiques de l’époque fut le traité historique de Strzygovski intitulé : Orient Oder Rom ?, dans lequel il met en question pour la première fois et d’une manière sérieuse tous les vieux concepts traditionnels de la civilisation occidentale en prouvant que la civilisation humaine première est d’origine orientale et ne découle pas nécessairement du classicisme gréco-romain, d’où son titre en guise de question : L’Orient ou Rome ? Cet ouvrage est suivi d’autre plus techniques et plus méthodologiques dont celui de Sir Flinders Pétrie : Les méthodes et les buts de l’archéologie, paru en 1904. À la suite de la parution de ces ouvrages, le monde commença à considérer l’archéologie comme une science à part entière et non comme un passe-temps ou un hobby. Malgré certains aspects durs et secs, l’archéologie se développa rapidement au XXe siècle et évolua à la même cadence que les autres sciences techniques et artistiques. Quant au grand public, il garda à l’archéologie, comme il l’a toujours fait d’ailleurs, une affection particulière teintée d’un romantisme désuet, de ce romantisme qu’on attache aux vieilles choses chères qu’on garde chez soi, dont on n’arrive pas à se défaire et qui ont acquis au contact des générations une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer. Si nous prenons l’époque romaine, par exemple, nous constatons que l’archéologie, contrairement à sa signification actuelle, voulait dire tout simplement : approfondir ses connaissances de la littérature et de la poésie grecques. Mais à partir de l’époque contemporaine, et plus précisément au XVIIe siècle, l’objet de l’archéologie devient l’étude de l’antiquité classique grecque et romaine. Ce n’est qu’au XXe siècle que s’est précisé le sens moderne de l’archéologie qui est devenue une science complète et indépendante avec ses méthodes propres et autonomes qui régissent les travaux de l’archéologue depuis le premier coup de pioche sur le chantier de fouilles jusqu’à l’exposition finale de l’objet antique tel qu’il apparaît au grand public. Une science historique De par leur interprétation et leur tronc commun, l’archéologie, l’Histoire et l’histoire de l’art sont souvent apparues aux profanes comme formant une seule et même discipline. Or, bien que complémentaires et appartenant parfois à un même passé, ces trois sciences n’en sont pas moins distinctes et indépendantes de par leurs méthodes, leurs objets et leurs résultats. Si nous considérons l’Histoire tout court, elle nous apparaît comme une science ayant pour objet les hommes et les sociétés à travers les âges. Elle étudie leurs cadres de vie (géologique, botanique, zoologique), leurs modes d’expression (littéraire, artistique) ainsi que leurs modes de vie politique et sociologique. Tant que cette somme de connaissances nous parvient facilement à travers les textes et les monuments connus et préservés, elle relève de l’Histoire. Mais à partir du moment où ces éléments se trouvent enfouis sous terre, c’est l’archéologie qui les prend en charge. Son rôle est donc de mettre au jour les vestiges des civilisations disparues, de les étudier et de livrer le fruit de ces études à l’Histoire qui en complétera la trame. Quant à l’histoire de l’art, une fois que l’archéologie et l’Histoire ont accompli leur rôle, elle se préoccupe d’étudier les objets de fouilles ou les monuments dans leur monde intrinsèque et autonome en mettant en valeur l’aspect esthétique et la beauté plastique de l’œuvre. Elle essaie de dégager également, autant que possible, les états d’âme de l’artiste et l’influence du milieu dans lequel il a évolué, sur l’ensemble de son œuvre ; alors que l’archéologie ne voit dans ces objets que des témoins du génie humain ou des spécimens culturels et sociologiques relevant de telle ou telle civilisation. Ils auront valeur de documents historiques indispensables à l’archéologue et à l’historien. De ce point de vue, l’archéologie peut être considérée comme une science historique, mais elle se distingue de l’Histoire de par ses méthodes et les résultats qu’elle espère atteindre. Son ambition est de ressusciter les civilisations anciennes en étudiant tout vestige humain qui permettrait d’éclairer le passé de l’homme. C’est une science humaine par excellence et non l’étude des vieilles pierres, comme on a tendance à le croire en général. Étant donné qu’il est impossible d’appliquer l’archéologie monolithiquement sur toute civilisation disparue, il s’est avéré plus commode de la subdiviser pour la rendre plus malléable en vue de l’appliquer à chaque civilisation. Mais toutes ces subdivisions doivent rester provisoires, car le but final à atteindre reste et restera toujours l’homme, quelles que soient sa race, son ethnie ou sa couleur. Des subdivisions Les différentes subdivisions qui vont suivre ne se sont dégagées que pour rendre plus aisée l’étude de l’homme dans son contexte géographique, historique et humain : – L’archéologie préhistorique commence avec l’apparition de l’homme sur terre, il y a quelque trente millions d’années et l’accompagne jusqu’à l’époque de la découverte du métal. – L’archéologie protohistorique s’occupe de la petite période qui s’intercale entre la fin de la préhistoire et le début de l’histoire ; c’est la période au cours de laquelle l’homme employa le métal mais sans connaître l’écriture. – L’archéologie historique est celle des civilisations qui ont connu l’écriture, en d’autres termes les civilisations qui s’épanouirent à partir du IVe millénaire av. J-C. Cette date a été fixée par les savants en fonction de la civilisation sumérienne qui s’est développée au sud de la Mésopotamie et qui a légué à l’humanité les premiers textes gravés sur des tablettes d’argile. Dans cet ordre d’idées, on cite à titre d’exemple l’archéologie classique : grecque et romaine, l’archéologie égyptienne pharaonique, l’archéologie orientale, l’archéologie phénicienne, l’archéologie biblique, etc. – L’archéologie continentale : européenne, asiatique, américaine, océanienne, africaine, polaire ; toutes ces archéologies se divisent suivant les données géographiques et historiques pour qu’elles puissent mieux cerner les problèmes humains soulevés par chaque région mais sans dissocier ces régions les unes des autres. Car les vagues humaines migratrices se déplaçaient dans l’espace sans tenir compte des barrières naturelles telles que montagnes, plateaux, steppes, vallées, déserts ou fleuves ; on en a vu même qui ont traversé les océans. – L’archéo-civilisation est une science qui s’applique à rechercher et à étudier les traces des us, des coutumes et des traditions qui restent vivaces dans nos civilisations modernes actuelles. – En dernier lieu, notons que les savants espagnols ont mis au point une discipline scientifique à laquelle ils ont donné le nom d’archéologie anhistorique qui s’applique à l’étude des structures souterraines de la terre. Quant aux données historico-géographiques, sur lesquelles s’appuie l’archéologie, elles sont assez nombreuses ; elles suivent les limites d’un état moderne, ou bien d’une terre jadis habitée par des peuplades aujourd’hui disparues, ou bien encore les hauts lieux d’une ancienne civilisation. C’est ainsi que nous avons à faire à : – L’archéologie hindoue qui groupe l’Inde et le Sud-Est asiatique. – L’archéologie chinoise : Chine, Japon et Corée. – L’archéologie pré-colombienne qui étudie les civilisations des Incas, des Mayas, des Aztèques, des Toltèques et des Indiens de l’Amérique du Nord. – L’archéologie chrétienne ou paléo-chrétienne qui s’occupe des monuments et des textes du christianisme primitif. – L’archéologie médiévale, l’archéologie iranienne et l’archéologie musulmane. Il est à noter que ces subdivisions superficielles qui ont été imposées par les données géographiques et historico-politiques portent en elles malheureusement des germes d’erreurs graves qui apparaîtront au moment de porter un jugement final sur ces civilisations. Car il n’est pas permis de figer dans des enclos géographiques artificiels des peuples qui, pendant une grande partie de leur histoire, ont sillonné les continents et les mers, laissant leurs empreintes là où ils sont passés et véhiculant les idées et les coutumes des peuples qu’ils ont visités. – L’archéologie monumentale étudie les monuments tels que grands temples, châteaux, palais, citadelles, manoirs et statues gigantesques. – L’archéologie religieuse étudie tous les édifices culturels ou religieux : temples, églises, mosquées, et les instruments du culte, les rites, la liturgie et les textes sacrés ainsi que leur traduction et leur explication. – L’archéologie aérienne consiste en des prises de vue par avion des sites à prospecter, elle doit son développement à la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle fut vite reconnue son importance stratégique. La France avec les recherches du père Poidebard en Orient, plus précisément sur les ports disparus de Tyr et de Sidon, l’Angleterre avec des hommes comme Crawford montrèrent très vite ce que l’archéologie pouvait attendre de cette technique nouvelle. Archéologie clandestine Les sites terrestres, occupés depuis l’Antiquité par l’homme, ont sans cesse changé, évolué. Il est toujours difficile et long d’en retrouver sur le terrain les traits estompés ou apparemment disparus. La photographie aérienne aide à restituer fidèlement ces visages que l’on aurait pu croire effacés. – L’archéologie sous-marine : la prospection des fonds marins voisins des côtes ouvre à l’archéologie un nouveau champ de recherches. En fait, il ne s’agit pas d’une technique absolument nouvelle. La première grande fouille sous-marine a eu lieu à 5 km au large de Mahdia, sur la côte orientale de la Tunisie en 1907. Elle avait permis de retrouver la précieuse cargaison d’un bateau antique, découvert fortuitement par les pêcheurs d’éponge. Tout comme la photographie aérienne et les fouilles terrestres, l’archéologie sous-marine a beaucoup évolué avec le développement des techniques, on emploie de plus en plus dans ces trois disciplines les appareils électroniques pour effectuer les sondages et repérer les traces des sites antiques. – L’archéologie des bureaux et des laboratoires s’attelle à l’étude scientifique des objets de fouilles entreposés dans les dépôts des musées en vue de les classer, les publier ou bien les exposer dans les vitrines des musées, après que le laboratoire les eut analysés, datés et restaurés. Enfin, il nous reste à citer une des tares de notre société, l’archéologie clandestine qui consiste à entreprendre des fouilles non autorisées par l’État pour vendre au plus offrant le patrimoine national. Cette action est passible d’une très lourde peine de prison dans les pays civilisés, jaloux de la conservation de leur patrimoine.
La première expédition archéologique scientifique fut organisée par Bonapart lors de son voyage en Égypte. Elle découvrit en 1799, entre autres trésors, la pierre de Rosette, qui servit à Champollion (1790-1832) dans ses travaux de déchiffrage de l’écriture hiéroglyphique et lui permit de faire son importante communication à ce sujet à l’Académie des inscriptions et...