Une sainte révolte à sens unique

 Selon la Charte des droits de l’homme que le Liban officiel et populaire affirme reconnaître, les hommes sont égaux. Mais en réalité, les inégalités et autres injustices n’empoisonnent pas seulement les vivants, elles se perpétuent aussi dans la mort. Barakat el-Amil, décédé à la prison des Massaleh des suites de troubles dans la pression artérielle, a ému les Libanais, les associations des droits de l’homme et autres personnes de bonne volonté. Tout le monde a parlé d’éventuelles tortures et s’est brusquement souvenu de l’exiguïté des prisons libanaises soudain surchargées de plusieurs milliers de nouveaux pensionnaires venus du Sud. Quelques jours plus tard, Abdel Meneem Karout, lui aussi ancien milicien de l’ALS, mais de confession chiite, est mort à Roumié dans des circonstances obscures. On ne s’est pas beaucoup interessé à son cas, pas plus qu’on n’a jugé bon de se demander s’il a été à son tour victime de tortures. Dans le cas de Karout, personne n’a mis en cause la version officielle qui veut qu’il soit décédé des suites d’une maladie incurable. Et sa mort n’a eu droit qu’à une mention dans le communiqué des évêques maronites et aux protestations de l’association du Liban-Sud, encore non identifiée. Sa famille, soumise sans doute à de fortes pressions dans son village chiite passé sous le contrôle moral et politique de la Résistance, n’ose même pas le pleurer en silence. Quant aux associations connues des droits de l’homme, elles n’ont pas jugé bon d’évoquer son cas. Les bons principes et la sainte révolte ne fonctionneraient-ils donc qu’à sens unique au Liban ? Scarlett HADDAD