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Actualités - ANALYSE

Un geste dont la portée politique reste à définir

Bien entendu, dans la grâce accordée par le président Assad aux prisonniers libanais, on veut voir à Beyrouth l’effet d’une politique d’ouverture et d’aggiornamento relationnel, encouragée par les multiples initiatives de conciliation déployées ces derniers temps entre Bkerké et Damas. Une réaction bien naturelle. Mais l’on ne peut oublier dans cette affaire de libération la part prépondérante de Baabda, dont les inlassables relances ont très certainement produit la levée d’écrou souhaitée. Dans ce contexte, le geste du président Assad pourrait donc signifier la confirmation d’un principe de base : le dialogue effectif, qui induit des résultats concrets, ne peut se dérouler que d’État à État, d’institutions à institutions, à l’exclusion de toute tierce partie. Une façon de voir les choses, une interprétation que conforte le fait que le chef de l’État syrien avait laissé entendre qu’il allait amnistier les Libanais, bien avant d’entamer sa série d’entretiens avec des pôles locaux, notamment de l’Est. Selon des sources fiables, le président Assad aurait fait beaucoup plus vite un pas dans ce sens, sans la campagne menée pour le retrait syrien. Pour ne pas paraître se soumettre à une pression quelconque, il a de même retardé un redéploiement sur la Békaa, décidé de longue date, et qui avait connu un début d’exécution dès le mois d’avril dernier, ajoutent ces témoins. À ce propos, les mêmes sources pensent qu’avec la décrispation actuelle, le président Assad pourrait faire compléter le redéploiement sous peu, à condition que cela se fasse sans tapage médiatique. Et d’ajouter en substance que le nouveau maître de la Syrie «semble résolu à multiplier les mesures de détente, pour un réexamen à tête reposée des relations bilatérales». On en revient à la question initiale : les médiations politiques ou privées resteraient-elles à l’ordre du jour pour apurer le dossier de ces relations et le traitement ne serait-il pas derechef limité aux institutions officielles ? À cela, un chef de file parlementaire répond que de «toute manière, il aurait été hautement souhaitable que les instances officielles, présidence de la République en tête, prennent d’elles-mêmes l’initiative d’engager le dialogue. Dans un premier temps, nos dirigeants devraient suivre l’exemple que leur donne le président Assad. C’est-à-dire prendre la peine de consulter les pôles locaux, afin de recueillir leurs suggestions concernant l’assainissement des rapports avec la Syrie. Au besoin, cette quête de consensus pourrait donner lieu à un congrès national qui publierait des résolutions unifiées. Ou encore, le pouvoir pourrait former une commission spéciale. Ensuite, les responsables établiraient une liste de points et de propositions à négocier avec les Syriens». Cette personnalité ajoute que «la mise sur pied d’une commission mixte technique, formée de cadres sécuritaires et judiciaires, pour la libération des prisonniers libanais indique par elle-même la voie qu’il faudra suivre en matière de traitement du dossier relationnel global. C’est-à-dire qu’en définitive, il faut que les officiels des deux pays se retrouvent en tête à tête, également au sein d’une commission mixte mais qui serait cette fois de nature essentiellement politique. Ils pourraient ainsi discuter du redéploiement, et à partir de ce moment la levée de boucliers à ce sujet n’aurait plus lieu d’être. Les instances religieuses ou politiques extérieures au pouvoir n’auraient plus à intervenir et le processus de normalisation, tant sociopolitique qu’économique, suivrait son cours tranquillement. Sans heurter de front la partie syrienne, et en évitant de l’acculer à des réactions négatives. On ne doit pas oublier en effet que la direction syrienne, comme l’indique le discours d’investiture du président Bachar el-Assad, sait aussi bien que nous qu’il y a beaucoup de failles à corriger dans les relations bilatérales. Elle n’ignore pas que les immixtions sont très mal ressenties au Liban et souhaite elle-même y mettre un terme, mais progressivement, en douceur, pour ne pas braquer les services concernés. Et pour ne pas entretenir un climat de tension et d’animosité préjudiciable aux intérêts bien compris des deux pays». Selon cet influent député, «les Libanais ont bien raison de vouloir être souverains, maîtres chez eux. Ils sont presque tous d’accord pour cette solide coordination avec la Syrie, cette amitié indéfectible que même Bkerké appelle de ses vœux. Avec un peu de sang-froid, en dépassionnant le débat –ce qui est du reste en train de se faire aujourd’hui–, le problème sera vite dénoué». Il faut l’espérer. En priant pour que l’imbroglio régional actuel ne vienne pas brouiller les cartes et torpiller les efforts pour un arrangement. À l’amiable. Émile KHOURY
Bien entendu, dans la grâce accordée par le président Assad aux prisonniers libanais, on veut voir à Beyrouth l’effet d’une politique d’ouverture et d’aggiornamento relationnel, encouragée par les multiples initiatives de conciliation déployées ces derniers temps entre Bkerké et Damas. Une réaction bien naturelle. Mais l’on ne peut oublier dans cette affaire de...