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Actualités - INTERVIEWS

Charbel Rouhana, un homme et un oud

harbel Rouhana et le oud. Lorsque l’un parle, l’autre se tait, attentif, respectueux. Entre ces deux s’est instaurée une longue histoire d’amour exprimée à deux voix, une relation qui a donné naissance à de nombreux morceaux et moments musicaux particuliers. Ce fut certainement un coup de foudre, comme une certitude ; plus qu’une simple intuition, une évidence ; Charbel qui s’était mis aux cours de piano dès l’âge de 14 ans abandonne ce premier amour pour une passion qui l’habitera entièrement et pour longtemps. Jeune adolescent de 18 ans, c’est sans doute lui qui fit le premier pas, séduit par la magie de l’instrument, fasciné par les sonorités qui exprimaient si bien son attachement à une musique orientale traditionnelle et son appartenance à une culture riche et enrichissante, «une prolongation naturelle de notre patrimoine». Leur langage est commun. Ils sont sur la même longueur d’onde et se comprennent au premier regard. Celui de Charbel, profond, vrai, sincère, fit presque rougir le oud, touché en plein cœur. L’enseignant Impatient de mieux saisir la cause de tous ses émois, Charbel Rouhana a étudié le oud à l’Université de Kaslik et obtenu son diplôme en 1986 puis une maîtrise en musicologie l’année suivante. Pour mieux communiquer cet amour, il enseigne en même temps qu’il étudie et entame des recherches sur le oud, à partir de 1990. «C’est là que j’ai commencé à me poser des questions essentielles sur l’enseignement et les méthodes de travail ; il me fallait trouver des réponses. Je me suis alors attelé à écrire moi-même des esquisses d’idées, des petites formules que j’ai fait évoluer». En 1995, les réflexions de Charbel Rouhana aboutissent à une méthode pour le oud, actuellement adoptée par le Conservatoire national de musique – où il enseigne également depuis 1992 – et de nombreuses écoles musicales au Liban et dans certains pays arabes. «J’ai voulu élargir l’horizon de la composition, développer une méthodologie de travail qui était assez absente, une technique qui permette de jouer de nouvelles compositions avant-gardistes. Nous sommes encore au début du chemin, il faudra plusieurs générations pour aboutir à quelque chose de solide». À 35 ans, le jeune artiste jette un coup d’œil satisfait sur son parcours de «pédagogue», «même si, souligne-t-il, je suis entré trop tôt dans la vie. L’aspect productif a rapidement pris une grande part de mon existence, me faisant perdre quelques plaisirs que j’essaie de récupérer». Le musicien «Je commence enfin à goûter au plaisir de la musique pure, surtout sur scène ; il y a quelques années, le trac se mêlait au bonheur de jouer devant un public. À présent, c’est le plaisir qui gagne». Que de chemins parcourus depuis ce concert avec le cousin et instigateur Marcel Khalifé, où le jeune Charbel, qui a huit ans à peine, monte sur scène pour la première fois. «Je chantais avec la chorale des filles !». Que d’angoisses avant cette inoubliable nuit de 1988, lorsque Charbel donne son premier concert à Amchit, son village natal, accompagné par les musiciens du village, devant une petite audience, ses 6 frères et 5 sœurs, les voisins et les amis. «J’étais le chef de cette troupe ! Il avait tellement neigé, j’ai pensé que personne ne viendrait». On rajoutera des chaises aux retardataires, au total 110 personnes l’écouteront interpréter les chansons de son premier album, Tanchouf. Depuis, le temps a passé, vite, rythmé par de nouvelles compositions. En 1990, l’Hymne à la paix de Charbel Rouhana remporte le premier prix musical de la composition au Japon, et sera suivi par un nouvel enregistrement Yom Eelek ou Yom Eelek. «J’ai senti alors qu’il restait tant de choses à faire dans le domaine instrumental pur». Charbel abandonne les poèmes et autres textes de son frère Boutros et sort en 1993 Zikra, «ma carte d’identité. La première fois que les gens m’écoutaient et me percevaient en tant que musicien et compositeur». En 95, 97 et 99, il compose pour Caracalla. De même, il enregistre en 1997 Salamat «ma seconde carte d’identité. Encore une fois, je n’avais pas parié sur la mode mais sur ce que je trouvais beau», puis, en 1998, Mada composé et arrangé en duo avec Hani Siblini. Il se produit sur scène dans de nombreux concerts au Liban et ailleurs, laissant la parole à un oud avide de musique. Très bientôt, ses inconditionnels retrouveront les nouvelles mélodies de Charbel réunies dans un nouvel album, Unveiled Mood, «une déclaration d’amour et d’autres sentiments en musique». Avec son compagnon d’émotions, Charbel a archivé dans sa mémoire et sa sensibilité des années de travail, des moments chargés d’interrogations et de bonheurs. «Je suis un grand angoissé, mais je ne peux pas vivre sans mes angoisses !» et ses rêves… qui durent. «Le rêve d’être heureux, qui me rend encore heureux !» dira l’homme au oud, avec un sourire complice.
harbel Rouhana et le oud. Lorsque l’un parle, l’autre se tait, attentif, respectueux. Entre ces deux s’est instaurée une longue histoire d’amour exprimée à deux voix, une relation qui a donné naissance à de nombreux morceaux et moments musicaux particuliers. Ce fut certainement un coup de foudre, comme une certitude ; plus qu’une simple intuition, une évidence ; Charbel qui...