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Actualités - OPINION

Engluer, refouler, assassiner

À défaut d’avoir été l’improbable coup de baguette magique d’une fée, bonne et providentielle, qui aurait gommé en un clin d’œil trente milliards de dettes, Paris II aura joué un mauvais double rôle. Celui, d’abord, d’une glu qui colle plus fort, plus vite que son ombre, ou qui colmate les brèches, toutes les brèches. Celui, aussi, d’une sacrée substance refoulante, de celles qui font oublier, tout oublier. L’homme de la semaine : Rafic Hariri. Il serait anormal de ne pas saluer l’énorme apport du Premier ministre. On se doute bien que ce n’est pas uniquement pour ses beaux yeux que plus de quatre milliards de dollars ont été alloués : son gouvernement, qu’il essaie de diriger d’une main de maître (du moins en ce qui concerne le volet économique), a bien mieux travaillé cette année – ce n’était pas difficile. Sauf que Paris II, les dithyrambes chiraquiennes, le casting élyséen, le succès semblent avoir recollé dans la tête du maître de Koraytem l’image de lui-seul-Zorro-capable-de-sauver, recollé les branches de cette bonne étoile sur laquelle il a toujours trop (es)compté et que l’on espérait bel et bien éteinte depuis qu’il a appris à ne plus confondre son apprentissage public et ses performances privées. Ce recollage n’est pas de très bon augure. Même si un très grand nombre de Libanais se passent volontiers des satisfecits du pays qu’il représente, Vincent Battle est l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique. Son « les résultats sont très positifs mais beaucoup reste à faire », en parlant des Libanais et de leur gouvernement, résonne encore. Zorro n’a plus droit d’exister, ni la bonne étoile de briller. Il faut un travail perpétuel, des mesures budgétaires impopulaires et équitables à la fois. Il faut, aussi, moins de Fouad Siniora bonhomme, sirupeux, et qui se contente de se gargariser de mots et de promesses qu’il ne tiendra jamais. Il faut, surtout, moins d’adéquation, moins d’identification entre des hommes politiques et les institutions du pays qu’ils sont censés sauver. Les Libanais pleuraient et payaient les scènes de ménage lahoudo-haririennes. Il serait ubuesque qu’ils se mettent à pleurer, à payer, et leur pays avec, leurs procédés de compères. Cet autre recollage post-Paris II (pauvre Jean-Louis Cardahi ; et à quand, en contrepartie, Samir Jisr ou Ghazi Aridi ?) ne laisse pas présager, lui non plus, des meilleurs demains. Même si le chef de l’État, qui n’a toujours pas compris que ses concitoyens désespèrent aujourd’hui de le voir en président de tous les Libanais, répète à qui veut l’entendre que la solidarité des huiles du pouvoir ne vise aucunement au torpillage des institutions du pays. Idem, comme un écho, pour le Premier ministre. Sauf que les Libanais n’ont même plus envie de faire semblant de prendre des vessies de plus en plus ballonnées par des pratiques politiques détestables et scandaleuses pour des lanternes d’Aladin. Un autre collage cette fois – plus encore : un engluage, un ancrage. Celui de Nabih Berry dans son personnage préféré. Le chef de clan, le chef (toujours menacé) de communauté. Son « Paris II, seul, ne suffit pas, il faut un Liban économique un et uni » vaut, lui aussi, son pesant de cacahuètes. Anxieux d’être relégué, par les grâces de ce lavage de deux cœurs que Paris II semble avoir encore plus rosis d’amour mutuel, aux troisièmes rôles, le président de la Chambre entend même, murmure-t-on, caresser la plèbe dans le sens de son poil et, en démagogue ultra-averti, promet en coulisses d’annuler toutes les réductions budgétaires qui pourraient faire grogner les Libanais. Enfin, au côté de ces éminentes «vertus» de recollage, Paris II et tout ce qui s’en est suivi sont venus à point, en amont certes, mais désormais en aval, pour permettre aux dirigeants du pays de refouler, psychanalytiquement et techniquement parlant, l’essentiel. Désormais, plus personne n’a le droit de dénoncer la syrianisation avancée du Liban, les violations quotidiennes des libertés, de la démocratie, de l’indépendance de la justice, ni la gestion de la situation économique, plus personne n’a le droit de manifester, on continuera de museler et de diffamer l’opposition, on nommera même des baassisto-pakradouniens doyens de l’UL-IIe section. Pourquoi ? Parce que, disent-ils, Paris II et le sauvetage économique doivent réussir. Parce que, ajoutent-ils, la syrianisation doit se bonifier. Si des conférences de donateurs réussies mais atrocement gérées ensuite peuvent tuer un pays à petit feu, certains lavages de cœurs, parfois, l’assassinent. Net. Ziyad MAKHOUL
À défaut d’avoir été l’improbable coup de baguette magique d’une fée, bonne et providentielle, qui aurait gommé en un clin d’œil trente milliards de dettes, Paris II aura joué un mauvais double rôle. Celui, d’abord, d’une glu qui colle plus fort, plus vite que son ombre, ou qui colmate les brèches, toutes les brèches. Celui, aussi, d’une sacrée substance...