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Actualités - CHRONOLOGIE

« Hariri vient d’être égorgé politiquement par cette affaire », affirme à « L’Orient-Le Jour » une source ministérielle « Voici pourquoi Ghazi Aridi n’a pas démissionné... »

Laissés sans voix par le retour abrupt de l’obscurantisme au moment où le Liban s’en serait le plus passé ; sidérés par la férocité et la brutalité des forces de l’ordre, à qui l’on a enjoint de sceller à la cire rouge les portes de la MTV et de bouter hors leurs bureaux l’ensemble des employés ; abasourdis en regardant un seul homme réussir, par pur esprit de vengeance et parce qu’il a l’oreille de la première présidence, à suicider tout un pays, les Libanais se sont tout de même donné le temps de se demander – après avoir certes applaudi sa prise de position ferme et sans concessions – pourquoi le ministre de l’Information, Ghazi Aridi, n’a pas démissionné. Pourquoi il n’a pas confirmé ses mots par un acte fort, plus lourd de sens encore que le boycottage d’une séance du Conseil des ministres. « Il ne démissionnera pas parce que c’est exactement ce qu’ “ils” veulent. » Interrogé par L’Orient-Le Jour, un ministre équidistant des deux pôles de l’Exécutif, ultrapréoccupé par la défense des libertés et qui a tenu à garder l’anonymat, répond sans circonlocutions inutiles : « “Ils”, c’est le président Lahoud et ceux à qui il a donné un quasi-potentat. Ils veulent en finir avec le ministre Aridi, surtout depuis le sommet arabe de Beyrouth. Et, au-delà, ils veulent changer de gouvernement. Ils sont de plus en plus impatients : le ministre Aridi leur tient tête. De plus, il appartient à un parti, et sa démission dépend de la décision que prendraient le PSP et son chef. Pour toutes ces raisons, le ministre Aridi a décidé qu’il valait mieux, pour l’instant, ne pas jouer leur jeu, ne pas démissionner. Sinon “ils” seraient tout à fait capables de nommer un Nasser Kandil à sa place. Vous imaginez le reste... ». Le ministre interrogé rappelle que Ghazi Aridi savait depuis le début que cela allait se terminer par la fermeture « définitive » de la MTV, en donnant pour preuve l’article paru le 7 août dernier dans L’Orient-Le Jour. « Ils ont tout essayé, pour se rabattre en dernier lieu sur la justice », dit-il. Précisant que le ministre de l’Information a passé la quasi-totalité de la journée d’hier au téléphone, à écouter ses collègues ou des députés lui dire : « Tu as raison en tout, on ne peut rien redire à ta prise de position, mais tout cela va créer une crise politique. » Il a aussi écouté « d’autres personnes » lui conseiller fermement « de faire très attention et de faire en sorte d’être présent à la séance du Conseil des ministres », hier. Le glas de la MTV ? Peut-on comparer ce qui se passe aujourd’hui avec ce qui est arrivé à la LBC et au Safir, qui avaient été fermés « définitivement » au début des années 90 puis rouverts quelques jours plus tard ? « Ce n’est pas pareil du tout. Le président Hariri, lorsqu’il a décidé la fermeture d’as-Safir, était un novice en politique. Une réaction impulsive. Aujourd’hui, c’est plus grave, et cela va aller plus loin. Je crois que la MTV va être réellement et définitivement fermée. Qu’ils ne reviendront pas sur la décision. Cela va être comme pour Samir Geagea. Michel Murr a dit qu’il voulait ruiner son frère et lui supprimer son strapontin place de l’Étoile. Voilà la MTV fermée, et on dit que la décision du Conseil constitutionnel d’annuler la députation de Gabriel Murr a déjà été prise. Qu’au cours de la prochaine partielle du Metn, tout sera fait – fraudes, triches, etc. – pour assurer la victoire du candidat, quel qu’il soit, de Michel Murr », s’écœure le ministre en question. Qualifier ce que vous venez de dire de très grave serait pur euphémisme. « Oui, bien sûr que c’est très grave. Mais quoi qu’on dise, et que cela nous plaise ou non, le président de la République, quel qu’il soit, est incontournable. Un homme politique, qu’il appartienne ou non au pouvoir, se verra obligé d’en revenir à chaque fois, tôt ou tard, au président de la République. Et dans cette affaire, tout revient à lui. » Mais ce que vous dites est irrémédiable ? Ce n’est pas sonner un peu trop vite l’inacceptable glas de la MTV ? « Je crois vraiment que cette fois, malheureusement, ils semblent vraiment décidés à aller jusqu’au bout. Mais tout dépend de la solidarité entre les gens des syndicats, entre les politiques qui défendent les libertés, de la solidarité au sein de la société civile. Des paramètres régionaux aussi. De la rue – moi je souhaite vivement que la rue bouge, mais encore faut-il qu’elle le fasse. Et l’on sait très bien qu’ “ils” sont tout à fait capables de créer de toutes pièces un autre scénario qui éloignera la fermeture de la MTV des spotlights. » Il est impossible de compter sur une réaction de Nabih Berry et de Rafic Hariri ? « Tout ce qu’ils pourraient dire, c’est que c’est une affaire judiciaire et que la justice est au-dessus de tout, et de tous. » Les Syriens sont étrangers à tout cela ? « Tout ce qui s’est passé est une initiative purement locale. Maintenant, il est clair que les conséquences de tout ce qui se passe touchent tout de suite Damas. Les Syriens sont suffisamment intelligents pour ne pas se mêler de la plupart des affaires internes. Ce qui n’empêche pas qu’ils vont essayer d’intervenir dans ce qui se passe, plus ou moins indirectement. » Vous avez clairement imputé la décision de la fermeture définitive de la MTV au président Lahoud. Le Premier ministre Hariri n’a rien à voir dans tout cela ? « Absolument rien. Au contraire. Attention, je ne suis pas en train de dire qu’il pleure les libertés bafouées ou la suspension sans recours de la MTV. Le fait est qu’il vient d’être égorgé politiquement. Cette affaire lui tombe sur la tête alors qu’il s’emploie désespérément à faire réussir Paris II, et qu’il est empêtré dans le budget 2003, etc. Voici ce qu’il en est. » Ziyad MAKHOUL
Laissés sans voix par le retour abrupt de l’obscurantisme au moment où le Liban s’en serait le plus passé ; sidérés par la férocité et la brutalité des forces de l’ordre, à qui l’on a enjoint de sceller à la cire rouge les portes de la MTV et de bouter hors leurs bureaux l’ensemble des employés ; abasourdis en regardant un seul homme réussir, par pur esprit de...