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Actualités - CHRONOLOGIE

PEINTURE - Sur les traces d’un grand artiste libanais du XIXe siècle Daoud Corm n’a toujours pas un musée digne de son œuvre(photos)

Beit es-Sakhra à Bikfaya a accueilli, dans le cadre du cycle de conférences organisé par le Clac et la municipalité de Bikfaya-Mhaïdssé, Georges Corm, l’ancien ministre des Finances. Lequel n’a pas parlé chiffres ou situation économique (à part une petite pointe en passant sur le montant de la dette nationale), mais a donné une très intéressante conférence en arabe (accompagnée de projection de diapositives) sur la vie et l’œuvre de son grand-père : le célèbre peintre Daoud Corm, considéré comme le père de la peinture libanaise du XIXe siècle. «Il m’est difficile de parler d’un grand-père que je n’ai pas connu, étant donné qu’à ma naissance, il était décédé depuis dix ans. Le fait qu’ il soit célèbre me rend l’entreprise encore plus difficile, car je ne voudrais pas alimenter la légende d’enfant prodige qui l’entoure. Et cela même si son don s’est manifesté très jeune dans un milieu et à une époque qui ne favorisaient nullement cette éclosion artistique», a commencé par signaler Georges Corm. Qui a donc choisi de présenter l’artiste à travers les histoires entendues auprès des enfants de ce dernier, dont le poète francophone Charles Corm (le célèbre auteur de La montagne inspirée) et son propre père, le peintre Georges Corm. «Mon père vouait une admiration sans borne à son père. À tel point qu’il a choisi la même voie artistique. Il est même resté fidèle au style classique de Daoud Corm, à une époque où les artistes se tournaient plutôt vers le dadaïsme et le cubisme, ce qui lui a d’ailleurs valu bien des critiques.» Figure éminente de l’école classique libanaise du XIXe siècle, Daoud Corm (1852-1930) s’est illustré en tant que portraitiste de personnalités locales et régionales (comme le khédive d’Égypte) de son temps (mais aussi occidentales, comme le roi Léopold II de Belgique ou le pape Pie IX, dont le portrait se trouve au Vatican) et en tant que peintre « missionnaire ». En effet, les toiles religieuses, disséminées un peu partout dans les églises et les couvents du Liban, composent la majeure partie de son œuvre. Cette inspiration religieuse dense, outre le fait qu’elle répondait à des commandes, s’accordait parfaitement avec la foi profonde de ce natif de Ghosta (dans la région du Kesrouan), son tempérament contemplatif et calme d’ascète, et sa rigueur morale. Une personnalité sans doute forgée par une éducation stricte auprès d’un père précepteur des enfants de l’émir Béchir le Grand, qui s’était également illustré à son époque par sa fermeté et son intransigeance. «Le père de Daoud, qui s’appelait Chidiac Semaan Hokayem, ayant un jour giflé disciplinairement son pupille, et sommé de s’expliquer devant l’émir, lui démontra la portée pédagogique de son geste. L’émir, convaincu par sa réponse, le surnomma alors Corm, (ce qui veut dire racine en arabe) en référence à sa solidité et à son courage.» Cet héritage moral a certainement influencé la peinture de Daoud Corm qui, malgré ses quatre ans passés à Rome – où les pères jésuites l’avaient envoyé, presque contre le gré de ses parents, étudier l’art –, s’est caractérisé par une pudeur tout orientale dans la représentation du corps humain. «Sa préférence allait aux visages, qu’il représentait avec un parfait réalisme, mais aussi souvent avec une pointe de tristesse dans le regard. Et il prenait bien soin dans ses portraits en pied de couvrir entièrement le corps, de manière à ce qu’aucune nudité sensuelle ne transparaisse. Contrairement à son fils Georges, qui, lui, n’avait aucun problème à peindre des nus et aimait doter les figures féminines qu’il représentait de regards surdimensionnés, leur conférant ainsi une beauté mystérieuse», compare le conférencier. Qui signale aussi les différences chez le père et le fils dans le registre des couleurs: «Sombres à la Rembrandt, à part le visage dans les huiles de Daoud, et plus claires dans les toiles de son fils Georges. Lequel, essentiellement portraitiste comme son père, s’est néanmoins attaché à immortalisé non seulement les personnalités et les notables de son époque, mais aussi le commun des mortels, notamment les fellahs d’Égypte où il a longtemps vécu.» Précisions de critique La critique d’art Maha Sultan, présente dans la salle, a ajouté quelques éclaircissements sur Daoud Corm, dont elle a fait avec Habib Srour le sujet de sa thèse de doctorat. «Portraitiste des rois et des émirs, Daoud Corm s’est distingué par un sens du détail et une précision remarquables. Il accordait autant de soin à représenter le moindre ornement d’un vêtement qu’à reproduire parfaitement les traits du visage humain. Ses tableaux et fresques sont généralement d’une extrême beauté et justesse de composition, à part quelques-unes qui, bizarrement, présentent certains défauts de proportions et un style naïf, justifié sans doute par le désir de dépeindre toute une scène de l’Évangile dans l’espace parfois exigu d’une toile», a-t-elle fait remarqué. Reconnu et honoré de son vivant – il était détenteur de plusieurs distinctions honorifiques dont la Médaille ottomane délivrée par la Sublime Porte –, Daoud Corm aurait mérité que l’État libanais aménage enfin un musée, qui conserverait et exposerait ses œuvres ainsi que celles de ses illustres confrères à l’instar de Habib Srour, Saliba Doueihy, Moustapha Farroukh, César Gemayel, Omar Ounsi... L’ancien ministre a d’ailleurs lancé un appel en ce sens, avant de conclure par l’impossibilité à l’heure actuelle de recenser le fonds de tableaux peints par Daoud Corm. «Bon nombre d’entre eux sont à l’étranger. Ou chez des particuliers qui ne sont pas conscients de leur valeur», devait déplorer Nadine Mohasseb, une jeune historienne qui a consacré au grand peintre un ouvrage dans lequel elle présente quelque soixante-dix tableaux du maître. Z.Z.
Beit es-Sakhra à Bikfaya a accueilli, dans le cadre du cycle de conférences organisé par le Clac et la municipalité de Bikfaya-Mhaïdssé, Georges Corm, l’ancien ministre des Finances. Lequel n’a pas parlé chiffres ou situation économique (à part une petite pointe en passant sur le montant de la dette nationale), mais a donné une très intéressante conférence en arabe...