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Actualités - CHRONOLOGIE

DIESEL - Une vingtaine de manifestants hospitalisés lors du sit-in des chauffeurs devant le Parlement Dialogue de sourds entre les propriétaires de minibus et l’État(photo)

Le mouvement de protestation des chauffeurs et propriétaires de minibus, qui a pris hier devant le Parlement la forme d’une manifestation plutôt violente dans les paroles comme dans les actes, prouve une fois de plus que l’État se trouve pris dans les sables mouvants de l’interdiction du mazout, dont il n’a apparemment pas su mesurer toutes les conséquences. Plus de vingt manifestants, la plupart pris de malaise en raison de leur grève de la faim, ont été transportés à l’hôpital par les ambulances de la Défense civile. Le sentiment d’avoir été injustement sacrifiés sur l’autel des « décisions politiques arbitraires » a poussé les manifestants à crier leur colère sur tous les tons, dénonçant même un « carnage ». Les Forces de sécurité intérieure (FSI) et l’armée étaient présentes en grand nombre pour contenir la situation. Afin d’appliquer la loi n° 341 pour la lutte contre la pollution de l’air, le gouvernement a exigé des propriétaires de minibus (moins de 15 passagers), importés légalement et conçus pour fonctionner au diesel, de changer leurs moteurs et de rouler à l’essence à partir du 15 juillet. Les propriétaires de minibus se sont sentis lésés à plus d’un titre. « Sommes-nous les seuls à polluer l’air ? Pourquoi les grands bus des compagnies appartenant aux hommes politiques roulent-ils toujours au mazout ? » C’est se basant sur ce qu’il considère comme une injustice que le président du syndicat des propriétaires de minibus, Abdallah Hamadé, qui se trouvait hier en tête de la manifestation, a déclaré à L’Orient-Le Jour en fin de journée qu’il avait « envoyé au Parlement une lettre demandant l’inclusion de toutes les catégories de véhicules utilisant le mazout dans l’interdiction ». « Qu’ils nous accordent cela et nous n’exigerons même plus d’indemnités », a-t-il assuré. L’interdiction de circuler au mazout (industriel et de mauvaise qualité) a durement frappé les propiétaires des quelque 4 000 minibus pour passagers puisqu’ils continuent à payer des traites pour l’achat de leurs véhicules, dont ils n’ont toujours pas amorti le coût. Le plus frappant, c’est que nombre de manifestants nous ont montré des carnets d’enregistrement de minibus achetés il y a quelques mois à peine, c’est-à-dire après l’adoption de la loi n° 341 (en août 2001). Une femme originaire de la partie libérée du Liban-Sud, désirant rester anonyme, assure n’avoir acquis son minibus « pour mon mari chômeur » que depuis six mois à peine. « Pourquoi les autorités concernées ne nous ont-elles pas prévenu ? » se demande-t-elle. Mais pourquoi, d’un autre côté, être tombé dans le panneau alors que l’application de la loi était imminente ? « On murmurait que son application ne se ferait pas avant 2004 », poursuit-elle. Et les propriétaires de minibus de renchérir en parlant de « marchés douteux conclus par les hommes politiques à nos dépens ». Les chef du Parlement, Nabih Berry, et le président du Conseil des ministres, Rafic Hariri, sont particulièrement visés. « Ce sont les blocs parlementaires de ces deux leaders qui, en 1994, ont voté pour la réintroduction du mazout sur le marché », font remarquer plusieurs manifestants. « Aujourd’hui, ils sont à la tête de ceux qui veulent son interdiction pour permettre à leurs propres compagnies de prospérer, et parce qu’ils veulent renflouer les caisses de l’État avec l’argent du peuple. » Un des manifestants, qui s’est présenté comme un « cadre du mouvement Amal et un blessé de guerre » mais qui a refusé de donner son nom, a assuré que « 1 800 minibus appartiennent à des membres du mouvement ». « Nous nous sentons trahis par le président Berry, nous qui lui avons offert notre sang », a-t-il poursuivi. Les manifestants ne sont par ailleurs pas avares de récits poignants. Assaad Hachem, qui avait auparavant perdu son emploi, a vendu sa maison il y a trois mois pour acheter son minibus. « Je me retouve aujourd’hui criblé de dettes, sans toit et chômeur », dit-il. « Comment va-t-on nous demander de respecter les lois alors que l’État ne le fait pas ? » Un autre manifestant raconte : « Depuis hier (lundi) mes enfants n’ont plus rien à manger, parce que mes maigres réserves sont épuisées. Je vivais, en effet, au jour le jour. » Les femmes et les enfants d’abord Plusieurs manifestants, à l’instar de Ahmed al-Achaal, de Baalbeck, rappellent que les agences de voitures ne possèdent pas de moteurs à essence pour les minibus et que nombre d’entre elles ne peuvent s’en procurer. D’ailleurs, la moindre modification coûterait à des chauffeurs, croulant déjà sous les dettes, la coquette somme de 5 000 à 10 000 dollars, selon la marque du véhicule. « Le gouvernement a trois solutions : soit il importe un diesel propre, soit il nous rachète nos vans, soit il nous procure des visas pour n’importe quel pays parce que nous ne nous sentons plus chez nous », souligne al-Achaal. « Pourquoi les chauffeurs syriens peuvent-ils circuler en toute liberté au Liban alors que nous sommes interdits de travail ? », s’interroge un autre chauffeur. Et le prêt de 50 millions de livres promis par l’État ? « Encore une supercherie », disent-ils. « Les conditions imposées sont presque impossibles à remplir. Il nous faut obtenir une garantie de deux employés dignes de foi. Comment allons-nous faire ? De plus, au nom de quelle justice veulent-ils augmenter le montant de nos dettes ? » Lors de la manifestation d’hier, qui avait commencé le jour précédent, les propriétaires de minibus, généralement des hommes, n’étaient pas venus seuls. Leurs épouses, mères, sœurs et enfants les avaient accompagnés, jouant un rôle-clé au cours de la journée, faisant entendre leur voix plus haut que les hommes. « Qu’ils se chargent de l’éducation de nos enfants parce que nous en sommes incapables dorénavant », lance une mère, approuvée par beaucoup d’autres. Ce sont également les femmes qui, vers 13h, ont fendu les lignes des forces armées et des brigades antiémeutes pour se rendre, en compagnie du président du syndicat des propriétaires de minibus et de plusieurs responsables de cet organisme, au bâtiment des bureaux des députés, adjacent au Parlement. C’est là que leur groupe a attendu en vain une entrevue avec le chef du Parlement, auquel Abdallah Hamadé a adressé plusieurs messages. Seuls les députés du Hezbollah, Ali Hajj Hassan et Ali Ammar, se sont adressés directement à eux. Accueillis dans un premier temps à l’intérieur du bâtiment, la trentaine de manifestants et les journalistes qui les accompagnaient ont été priés d’évacuer les lieux. Les manifestants ont alors pris position sur l’escalier, refusant de se soumettre aux injonctions des forces armées. « Nous sommes issus du peuple, tout comme vous », lancent quelques femmes aux agents de l’ordre. Les journalistes ont été une nouvelle fois éloignés de la scène, malgré leurs protestations. Par ailleurs, M. Hariri a reçu en soirée le président de la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL), Ghassan Ghosn, son vice-président, Bassam Tleiss, et son secrétaire général, Saadeddine Hamadé Sakr, pour envisager une solution au problème. M. Hamadé a assuré à L’Orient-Le Jour qu’ « une solution à laquelle le syndicat des propriétaires de minibus ne serait pas associé ne saurait être acceptée par les manifestants ». En soirée, ceux-ci se trouvaient toujours à proximité du bâtiment des bureaux de députés et comptaient y rester « jusqu’à ce qu’un dénouement soit trouvé », selon M. Hamadé. Suzanne BAAKLINI
Le mouvement de protestation des chauffeurs et propriétaires de minibus, qui a pris hier devant le Parlement la forme d’une manifestation plutôt violente dans les paroles comme dans les actes, prouve une fois de plus que l’État se trouve pris dans les sables mouvants de l’interdiction du mazout, dont il n’a apparemment pas su mesurer toutes les conséquences. Plus de vingt...