Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Vie politique - L’ancien ministre des AE met en garde contre une mauvaise lecture des développements internationaux Boueiz : Le véritable obstacle, c’est l’imperméabilité de l’État à tout dialogue

Ses six années au ministère des Affaires étrangères lui ont donné l’habitude de placer les événements dans un contexte global. Et, aujourd’hui, dans son vaste bureau avec vue sur le chantier du centre-ville, le député Farès Boueiz a du temps pour l’analyse et la réflexion. Si la situation régionale l’inquiète, c’est surtout ce qu’il appelle « l’apathie de l’État libanais » qui le met hors de lui. « L’arbre va forcément porter des fruits, dit-il, mais je crains qu’il n’y ait personne pour les cueillir ». Car, selon lui, la souveraineté ne peut être exercée que par un État. Et, lorsque, dans sa quête de voix modérées pour renforcer l’immunité du Liban face à la tourmente régionale, Walid Joumblatt lui a rendu visite, Boueiz a répondu : « Nous pouvons certes créer un large mouvement, mais ensuite ? S’il n’y a pas un gouvernement de leaders capable de gérer la situation, nos efforts n’aboutiront pas. » Farès Boueiz souffre de voir son pays dans cette situation. Même lorsqu’il expose son analyse des faits, qui se veut détachée et objective, la tristesse perce à travers ses mots recherchés. Selon lui, ce qui se passe actuellement sur la scène chrétienne, c’est une quête identitaire. « Les chrétiens cherchent à se positionner politiquement. Mais leur grand problème réside dans l’imperméabilité de l’État à tout dialogue et dans la nature des personnes susceptibles de les représenter. Certaines d’entre elles lisent à leur guise les données régionales et internationales. Un désir de changement syrien est ainsi perçu par elles comme un signe de faiblesse. De même, des divergences syro-américaines tactiques sont comprises comme étant un conflit profond et la politique de Walid Joumblatt au cours des deux dernières années est interprétée comme une rupture définitive entre lui et la Syrie. Sur base de ces considérations, des mouvements se sont créés, patronnés par des tendances extrêmes. Pourtant, aujourd’hui, beaucoup de signes montrent que cette lecture des événements n’était pas très précise. Considérer que Walid Joumblatt est revenu à sa politique traditionnelle par crainte de développements régionaux est une fausse lecture. De même, il ne faut pas voir dans le retrait d’une grande partie des troupes syriennes du Liban, ainsi que dans la concentration du dialogue syro-libanais entre les deux États, des indices de la faiblesse de la Syrie. Quant aux relations syro-américaines, lorsqu’on écoute le chef de la CIA déclarer devant le Congrès que la coopération de la Syrie a permis de lutter contre le terrorisme et de sauver des centaines de vies américaines, on comprend que ceux qui ont voulu voir des changements permettant des positions extrêmes contre la Syrie refont aujourd’hui leurs calculs. D’autres, au départ plus modérés dans leur interprétation des événements, essaient de trouver le canal à travers lequel pourrait passer une véritable réconciliation nationale, un équilibre politique interne, ainsi qu’une plus grande dose de souveraineté n’exigeant pas provocation ou conflit avec la Syrie. » La souveraineté ne peut être exercée que par un État Pour Boueiz, il faudrait plutôt mettre à profit certains changements de style en Syrie, après l’accession au pouvoir de Bachar el-Assad. « Le problème, c’est l’absence totale de l’État de ces surfaces de dialogue, de souveraineté ou de rassemblement. Car, aimé ou non, l’État est incontournable. Il demeure la partie essentielle du dialogue, de l’exercice de la souveraineté et dans toute guidance d’entente nationale. » La solution, selon lui, est la formation d’un gouvernement de leaders, de sauvetage et d’entente nationale. « Je vois mal un gouvernement déséquilibré, prétendant réaliser l’équilibre, un gouvernement isolé prônant une entente, faible et non représentatif, voulant exercer une souveraineté, surtout dans cette période de turbulences que connaît actuellement la région. » Par contre, remplacer un gouvernement par un autre, semblable à l’actuel, lui paraît une grave erreur. Boueiz ne croit pas que l’exercice de la souveraineté libanaise passe par l’incitation au conflit avec la Syrie et, plus particulièrement, par l’entrée du Liban dans les jeux tactiques américains qui visent à ôter des cartes à ce pays. « Je pense plutôt que tout conflit avec la Syrie est un élément de rupture de l’entente nationale et de division interne, de nature à nous éloigner de l’exercice de la souveraineté. Nous avons, dans le passé, tenté de poser le problème de la souveraineté de façon conflictuelle, en jouant des cartes étrangères et en misant sur la faiblesse de la Syrie. Nous avons vite découvert que ceux qui nous faisaient ces analyses nous utilisaient tactiquement à leurs propres fins et notre souveraineté était le dernier de leurs soucis. » Selon lui, malgré les divergences de points de vue, le régime syrien reste un partenaire incontournable pour les Américains et les Israéliens, parce que garant de stabilité contre l’extrémisme, qui pourrait se développer dans un terrain aussi fertile, qui, avant le régime de Hafez el-Assad, avait donné un pays instable. Boueiz confie ensuite que Joumblatt lui a fait part de ses angoisses quant à l’évolution de la situation régionale, qui risque d’aboutir à des changements géopolitiques. « Pour Joumblatt, la guerre contre l’Irak, avec un éventuel morcellement du territoire irakien, et la guerre contre Arafat, qui cache la dissolution du concept d’État palestinien, auront des conséquences sur toute la région et sur un Liban vulnérable. J’avais moi-même mis en garde il y a plus de deux ans, dans un discours au Parlement, contre de tels dangers. Joumblatt souhaite donc constituer une immunité interne face au séisme et à la tempête qui pointent à l’horizon. Il veut créer une tendance politique modérée pouvant jouer un rôle essentiel dans le dialogue et l’entente nationale. Il pense aussi que l’extrémisme de certaines forces politiques est de nature à envenimer la situation et, en tout état de cause, il émet des doutes quant à la capacité de celles-ci à participer à un dialogue national. Personnellement, je crois que ce problème peut être résolu en temps voulu, mais le véritable obstacle, c’est l’État qui ne veut rien faire et ne veut pas laisser faire les autres... L’arbre va forcément donner des fruits, mais personne ne sera là pour les cueillir. Résultat, la politique d’ouverture du président syrien s’arrêtera. Il faut donc commencer par habiliter le gouvernement afin qu’il soit en mesure d’accueillir les bonnes initiatives... » Scarlett HADDAD
Ses six années au ministère des Affaires étrangères lui ont donné l’habitude de placer les événements dans un contexte global. Et, aujourd’hui, dans son vaste bureau avec vue sur le chantier du centre-ville, le député Farès Boueiz a du temps pour l’analyse et la réflexion. Si la situation régionale l’inquiète, c’est surtout ce qu’il appelle « l’apathie de...