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Actualités - ANALYSE

Élection Partielle - Pourquoi et comment la bataille du Metn est devenue une échéance nationale Une victoire de l’opposition pourrait faire boule de neige

L’élection partielle 2002 au Metn est une échéance archétypale : c’est une synthèse. Un condensé de dualismes, de duels, de divergences. De combats mano a mano. Une kyrielle d’enjeux, nationaux. Ne serait-ce qu’au niveau de ces nombreux pôles politiques qui ont décidé, volontairement, de se mettre eux-mêmes à l’épreuve. En s’immergeant littéralement dans une bataille épique, et qui ne ressemble à nulle autre de par le monde. Une bataille sans concessions. À la guerre comme à la guerre. Une bataille qui a pour cadre la région la plus politisée du Liban, et pour timing le mi-mandat parlementaire et présidentiel. Une bataille devenue on ne peut plus nationale. En ligne de mire : les élections 2005 et les futures alliances, que les résultats du Metn contribueront fortement à dessiner. Ce qu’il ne faudrait pas oublier, en premier chef, c’est que cette partielle a été l’occasion de montrer que l’on pouvait chambouler une règle que l’on pensait d’or depuis une décennie. Celle qui veut que ce soit le pouvoir qui prenne toutes les initiatives et que l’opposition se contente des restes. Aujourd’hui, c’est l’opposition qui a pris de court le camp loyaliste. Belle démarche. Mais en agissant, en prenant la pole position, l’opposition s’est divisée. Et cette scissiparité risque de lui coûter cher. Les combats Voilà justement le premier combat singulier que va connaître cette élection. Celui entre l’opposition et l’opposition. Et pour beaucoup de Libanais, cette triangulaire ressemble à une véritable hérésie. Autre combat : celui, bien plus naturel cette fois, entre l’opposition (scindée) et le pouvoir (« idéalement » représenté par un ancien vice-président du Conseil toujours, et quoi qu’on dise, omnipotent). Avec une caractéristique bien insolite : la candidate loyaliste se dit et se veut indépendante. Troisième combat : celui entre deux façons de penser et de faire la politique au Liban. L’une se conçoit dans l’affect pur, dans les rapports personnels, dans des pseudo-valeurs familiales, dans le comment-peux-tu-me-faire-ça-tu-étais-mon-témoin-à-mon-mariage. Cette conception-là a un corollaire : l’apologie moukheiberiste de la transmission héréditaire du strapontin place de l’Étoile. L’autre façon de penser et de faire la politique se base, elle, sur la nécessité de mener une bataille purement démocratique. Et républicaine. Pour mettre un terme à l’exercice arrogant et néronien du pouvoir en place, tel qu’il se perpétue depuis 1992. Dernier combat, et pas des moindres : celui au sein de la rue. Les Libanais sont désorientés, perdus, ils ne savent plus quoi penser de tel ou tel candidat qui portait, avant le décès d’Albert Moukheiber, tous leurs espoirs. Il y a ceux qui ne comprennent pas pourquoi leurs leaders de l’opposition se sont divisés, et il y a ceux qui sont conscients des enjeux et des sacrifices. Et qui voient un peu plus loin que le bout de leur nez, pour finir par comprendre que cette bataille est aujourd’hui largement au-delà du règlement de compte. Les Metniotes savent – et l’ensemble des Libanais les regardera – qu’ils devront, ce coup-ci, voter utile. C’est-à-dire voter pour la consécration d’une praxis politique, ou pour le changement. Provoquer un point d’inflexion. Donner l’exemple à leurs concitoyens. Les hommes et les pôles Cette bataille, c’est aussi, évidemment celle de ces hommes et de ces femmes qui n’ont pas hésité à mettre en jeu, à différents degrés, leur crédibilité. Nassib Lahoud est certainement celui qui suscite aujourd’hui le plus de passions. On lui reproche de n’être mû que par l’esprit de revanche. Lui argue, et il l’a sans aucun doute prouvé, que ce n’est plus sa bataille, mais celle de tout un pays, qu’il milite pour la démocratie. En cas de défaite de son poulain, c’est moins pour lui que pour une liste complète qu’il présidera qu’il faudrait qu’il s’inquiète. Michel Murr : en novembre 2000, la constitution du gouvernement Hariri l’a écarté d’un pouvoir avec lequel il voulait se confondre. Pire : elle a consacré son fils. La victoire de sa fille prouverait qu’il est toujours le « ministre-abadaye » de toute une région, un pôle national avec lequel il faudra immanquablement compter en 2005. Et consacrerait la primauté d’un « pouvoir corrompu ». Élias Murr, le ministre de l’Intérieur, non content de manquer à toute déontologie, à toute éthique ou morale politique, a prévu de graves incidents au cas où Gabriel Murr l’emportait. Si discorde il y avait, il en serait le premier responsable. Amine Gemayel : il suit sa ligne. Sauf que sa côte d’amour auprès du fils Murr, et ses œillades à l’adresse de Myrna Murr Aboucharaf sont pour le moins troublantes. Gebrane Tuéni : un homme extrêmement courageux. Mais ce non-Metniote a été, dans cette affaire, bien puéril. À trop rêver et à trop chercher un fauteuil, à trop vouloir incarner un consensus qui n’avait pas lieu d’être, il a électrocuté Kornet Chehwane. Sauf que, parfois, des électrochocs peuvent s’avérer salvateurs. Idem pour Ghassan Moukheiber. L’homme est de grande valeur, sauf qu’il n’a pas voulu renoncer, lui, à ce qui ne lui reviendra sûrement pas : la place de son oncle. Il n’a pas compris qu’il menaçait, ainsi, les minces chances de voir l’opposition à laquelle il appartient remporter la partielle. Il a terriblement manqué de pragmatisme. Gabriel Murr : il a eu la chance – et il y a travaillé, tout au long des cinq dernières années, par le biais de sa télévision – d’être « the right man at the right place ». Pour l’opposition. C’est une bataille électorale dont il s’agit finalement, et non pas de la canonisation de Saint-Vincent-de-Paul. Enfin, Myrna Murr Aboucharaf fait de très belles choses au niveau des municipalités. Elle pourrait, sans aucun problème si elle le souhaitait, assurer la relève de son père en 2005. Mais bien plus important que tout cela : les aounistes et le PNL ont mis un terme à leur boycott. En soutenant clairement Gabriel Murr. Des résultats de dimanche dépend la nouvelle place que Michel Aoun entend désormais avoir sur l’échiquier local. Douze ans d’exil, c’est terriblement long. La victoire de Gabriel Murr permettra également à Dory Chamoun de se renforcer. Contrairement à Carlos Eddé, qui a préféré faire primer la fidélité au pragmatisme. Quant aux FL, ils ont décidé de ne pas avoir à choisir entre deux candidats de l’opposition, la base estudiantine marquant sa préférence pour Gabriel Murr. Rafic Hariri appuie Myrna Murr Aboucharaf ; on évite ainsi, même si ce n’était pas le but, une énième discorde avec Émile Lahoud. Walid Joumblatt enfin : en se prononçant pour un des candidats, Ghassan Moukheiber, il confirme et son appartenance nette au camp de l’opposition, et le caractère national de cette partielle. La démocratie se jouera le dimanche 2 juin ? Sûrement pas. D’autant que pour bon nombre de Libanais, opposants et loyalistes, c’est désormais bonnet blanc et blanc bonnet. Soit. Mais en cas de victoire de l’opposition, ce sera, clairement, un premier pas. Un effet boule de neige, une jurisprudence : que le Liban a besoin, et est capable, de pratiquer, voire d’imposer ensuite la démocratie. En initiant les bonnes batailles. En les livrant. Et puis en assurant – et c’est fondamental – le service après-vente de cette démocratie dont l’opposition s’est prévalue. Ziyad MAKHOUL
L’élection partielle 2002 au Metn est une échéance archétypale : c’est une synthèse. Un condensé de dualismes, de duels, de divergences. De combats mano a mano. Une kyrielle d’enjeux, nationaux. Ne serait-ce qu’au niveau de ces nombreux pôles politiques qui ont décidé, volontairement, de se mettre eux-mêmes à l’épreuve. En s’immergeant littéralement dans une...