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Actualités - INTERVIEWS

Entretien - La présidente de la Fédération des municipalités du Metn répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » Myrna Murr Aboucharaf : Je mènerai la bataille jusqu’au bout(photos)

La rue libanaise dans son ensemble ne la connaît pas. Elle sait simplement que Myrna Murr Aboucharaf est la (très discrète) présidente de la Fédération des municipalités du Metn. Savoir ce qui la meut. Le politique ou le social ? « Le social, surtout. » Certes. Mais comment faire du social au Liban sans toucher, de près ou de loin, à la politique ? « Quelque part, ça se retrouve, c’est vrai. Mais mon but principal n’est pas politique. » L’annonce faite au « Printania » fait effectivement foi, mais quel est-il ce but principal ? « Le culturel. Le social justement. Les conditions de vie des Libanais. » Elle le dit simplement – comme si, étrangement, elle n’avait rien à prouver : qu’elle vit les problèmes de ces gens, qu’elle souffre avec eux, qu’elle se rend bien compte qu’elle ne peut pas aider tout le monde. Elle allume encore une Marlboro Light et raconte entre autres cette femme, miséreuse, venue lui demander non pas de l’argent, mais une bonbonne de gaz. « Nous pouvons le faire pour une, deux, trois personnes... Mais nous ne sommes pas une banque... » Elle veut mettre un terme à cette seule obsession du politique. Il faut occuper l’esprit, le cultiver, dit-elle. Le sport par exemple, pour les jeunes. Elle sort l’imposante photo-maquette d’une espèce de Palais des congrès en construction à Antélias. Avec une bibliothèque, une école de musique, une salle de théâtre pour mille personnes, un scénographe venu spécialement de Lyon pour superviser les travaux. « C’est un projet sur lequel nous travaillons depuis très longtemps. Quand je vous parlais de culture, ce n’était pas des mots en l’air. Quitter ce projet me déchire... » Myrna Murr Aboucharaf a du mal à parler d’elle. De se décrire en deux ou trois mots, de présenter la femme publique qu’elle est devenue depuis quelques jours. « Demandez plutôt aux présidents de municipalité. Même ceux qui sont contre moi politiquement, comme à Baabdate ou à Beit-Méry. Moi je veux être correcte avec tout le monde. Traiter tout le monde à pied d’égalité. » Elle reconnaît, « qu’on le veuille ou non », que le travail au niveau des municipalités est politique. On dirait qu’elle le déplore presque. « Je demandais même que les noms des demandeurs ne figurent pas sur les formalités qu’avait à gérer la Fédération des municipalités », ajoute-t-elle. Allait-elle jusqu’à demander, au sein de la fédération, que l’on oublie qui est son père ? « Mon père, ma sœur, mon frère... Que les gens pensent ce qu’ils veulent, mais les employés savent. Et d’ailleurs, sans les nommer, il y a eu un certain nombre de formalités présentées par des politiciens, et qui ont été traitées bien plus positivement que si ces gens-là avaient été de notre bord. » On ne saura pas s’il s’agit, entre autres, de Nassib Lahoud. Myrna Murr Aboucharaf ne veut pas être une name dropper. Réalisme Revenir avec elle sur sa profession de foi du Printania. Ce n’est pas une bataille pour la démocratie ou les libertés, de l’opposition ou du loyalisme, avait-elle dit. C’est une bataille pour quoi alors ? Pour l’honneur ? Elle élude, revient d’abord sur la rapidité de l’annonce de la candidature de l’oncle qu’elle a du mal à nommer, et estime que c’était tout naturel qu’un Moukheiber prenne le relais. Sans vouloir faire du legs politique héréditaire une règle sacro-sainte, précise-t-elle. « Il y a des familles où les enfants n’aime pas la politique, des musiciens dont la progéniture n’aime pas la musique... Mais s’ils aiment ça, c’est à eux de continuer. Comment peuvent-ils penser, par exemple, que Ghassan Moukheiber n’est pas un défenseur des libertés ? » Si sa candidature est pour on contre quelqu’un, quelque chose ? « Il faut être positif dans la vie. C’est pour. » Pour quoi ? « Nous ne voulons pas d’un second siège de député dans la famille, c’est ridicule. Nous ne voulons pas tout. » Alors pourquoi êtes-vous là ? « Il y a eu un affront. » Myrna Murr Aboucharaf se contentera de ce mot. Le linge sale se lave en famille. « Mais ce n’est pas une histoire de famille. Les gens verront, décideront, comprendront. Moi je ne dis rien. » Sauf que le gant est jeté, le duel aura lieu. Jusqu’au bout. « Oui, je mènerai la bataille jusqu’au bout. » Elle n’acceptera plus le consensus, même autour du nom de Gebrane Tuéni. Son ex-mari. Parce qu’il y avait des délais. La base populaire que sa candidature a nécessairement mobilisée, « ce ne sont pas des jouets ». Elle dit : « Tout cela, il fallait y penser avant. La bataille est désormais lancée. » Et sur le père de ses filles, elle ne dira rien. Elle sourit. Quand elle est en face d’une faute, elle l’a souligné, elle ne peut pas se taire. Où est la faute, là ? « Il n’y a pas eu qu’une seule faute. Prenez la région du Metn. Il y a plein d’erreurs encore. Le réseau d’égouts par exemple. Parfois j’ai l’impression que nous sommes en plein tiers-monde. Il faut que cela cesse. Il faut que l’État soit bien plus présent, qu’il nous soutienne bien plus activement. » Mais ce Metn est sous la tutelle de l’omnipotent « ministre-abadaye », le père de Myrna Murr Aboucharaf. « Lui a beaucoup fait pour la région, et sans cela, la situation aurait sans doute été bien pire. Il aurait fallu que tout le monde fasse. Ils ont peut-être fait, mais pas assez. » Cette impression qu’elle est un peu Iphigénie sacrifiée, utilisée, qu’elle est forcée de faire ce qu’elle a fait – l’annonce de sa candidature. Avec, tout de même, de sérieuses garanties de réussite. « Obligée ? Non, personne ne peut m’obliger. » On dit d’un autre côté qu’elle est dévorée d’ambitions politiques. « Non plus. J’ai des ambitions oui, mais pas politiques. » Et si elle avait mille Metniotes de l’opposition face à elle, comment les convaincre de voter pour elle ? « Cela veut dire quoi, l’opposition dont vous parlez ? Moi je l’ai dit, mon combat n’est ni loyaliste ni opposant. » Ces gens qui refusent que des jeunes manifestants soient battus. « J’ai une fille univeristaire. Je l’encouragerai à manifester pour ses opinions. Mais vous pensez vraiment que je voudrais la voir battue ? » Et la tutelle syrienne ? « Chacun s’exprime et agit dans le cadre de ses propres limites. Il y a aujourd’hui un problème régional. Je ne veux pas jeter de slogans en l’air qui feraient plaisir à certains et déplairaient à d’autres. Des slogans qui seraient applaudis, mais que je ne pourrais pas mener à application. Il faut être réaliste. Moi je veux m’occuper de social, de culture, du quotidien des Metniotes. Les slogans, ce n’est pas pour moi. » Elle dira donc à tous ceux qui ne sont pas convaincus par sa candidature, et cela n’engage qu’elle, qu’elle n’est ni contre les libertés ni contre la démocratie. Assumer un éventuel échec Myrna Murr Aboucharaf connaît, évidemment, le feuilleton Dallas. Cette lutte pour le pouvoir entre les différents membres d’une même famille. Est-ce qu’elle veut que les Metniotes oublient tout cela ? « Cette histoire est douloureuse. D’autant plus qu’en Orient, la seule chose sacrée qui nous reste, c’est le noyau familial, les racines. Ce n’est pas normal qu’on vienne hacher tout cela. » Pourtant elle le fait. « Non. J’ai attendu le dernier moment pour annoncer ma candidature. On nous a entraînés. Et c’est triste. La crise économique est énorme, et l’on aurait pu se passer de toute cette agitation. » L’impression que tout cela pèse beaucoup sur les épaules de Myrna Murr Aboucharaf. Qu’elle a fort frêles : un homme s’est jeté sur elle pour lui témoigner, avec beaucoup de véhémence, son allégeance, « il a failli me briser les os ». Quoi qu’il en soit, elle est fière de tous les soutiens : le Tachnag, les Kataëb de Pakradouni, le PSNS, etc. Elle veut même remercier le président Gemayel. Le coparrain de son oncle. Parce qu’il l’a encensée à la télévision. Son espoir ? Qu’après le 2 juin, on oublie tout, et qu’on ressoude le Metn. « C’est ce que j’ai fait au niveau des municipalités. » Prête à travailler pour le Metn avec Nassib Lahoud ? « Pourquoi pas. » Elle sera plus loquace par contre sur la façon de faire de la politique au Liban. « J’aurais aimé qu’on s’élève au-dessus de tout cela. Oui, si je le pouvais, je changerais tout cela. J’essayerai. Mais il faut avoir les moyens de sa politique. » Justement, y a-t-il désaccord politique entre elle et son père ? « Sur certaines choses. » La tutelle syrienne par exemple ? « Certaines choses. » Elle estime aussi que le ministre de l’Intérieur, son frère Élie, n’a pas failli, ni plus ni moins que dans n’importe quel pays européen, à la déontologie du poste. Et martèle que son père ne fera rien pour faire pencher la balance en faveur d’un quelconque candidat. Myrna Murr Aboucharaf est discrète. Et il semble, jusqu’à nouvel ordre, qu’elle n’ait gardé, de son héritage politique, que l’intelligence. Et laissé aux vestiaires, volontairement ou pas, tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à de l’arrogance, ou à une certaine idée néronienne de la praxis politique. Elle répond ainsi le plus tranquillement du monde à la dernière question : « Si j’échoue, ou si je gagne avec un très petit écart de voix ? Ça sera mon échec personnel, et pas celui de Michel Murr. » Et sourit, encore, quand on lui demande si elle aurait préféré voir son frère à sa place aujourd’hui. Ziyad MAKHOUL
La rue libanaise dans son ensemble ne la connaît pas. Elle sait simplement que Myrna Murr Aboucharaf est la (très discrète) présidente de la Fédération des municipalités du Metn. Savoir ce qui la meut. Le politique ou le social ? « Le social, surtout. » Certes. Mais comment faire du social au Liban sans toucher, de près ou de loin, à la politique ? « Quelque part, ça se...