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Actualités - REPORTAGE

CÉLÉBRATION - Aujourd’hui, Journée nationale du patrimoine « L’homme, la terre et la pierre », une présence obsédante, riche de résonances (photos)

L’homme, la terre et la pierre. Dans un livre-album édité par la Fondation nationale du patrimoine, Fadlallah Dagher a rassemblé plus de 500 photographies qui racontent les caractéristiques de l’archiecture traditionnelle au Liban. Ces clichés, objet d’une exposition au Musée des sciences, à Solidere, visent un objectif : sensibiliser l’opinion publique à un passé évanoui qui garde une présence obsédante, riche de résonances. Et ils tombent d’autant plus à point que l’on célèbre aujourd’hui la Journée nationale du patrimoine. L’homme, la terre et la pierre appartient à cette catégorie de documents qui fixent un pan de l’histoire. De l’identité du Liban. Le livre, en trois chapitres, déroule une vaste symphonie de pierres qui évoque la sérénité, l’équilibre classique et l’élégance sobre, où la lumière joue librement. En creux des éléments de la construction, de l’architecture et des usages à travers les siècles, c’est toute une culture, toute une esthétique, toute une harmonie sans rupture qui se dégagent. Dans quelles limites peut-on encore sauver les derniers fragments témoignant de la beauté et de la douceur de vivre passées de notre pays ? Depuis l’indépendance, la progression démographique, l’extension foncière de la capitale et des villes ont rogné le patrimoine architectural. Aujourd’hui, les pierres rescapées sont prises en étau par le béton et l’acier et ne représentent plus que 2,5 % de l’immobilier, selon les experts. En ce début du troisième millénaire, tandis que s’élèvent plus haut les murs et que se fixent encore plus haut les toits, on s’interroge sur le nouveau genre humain, ses goûts, ses rêves... D’est en ouest, du nord au sud, en passant par Beyrouth et sa périphérie, l’homme contemple son œuvre : des villes champignons pétrifiées dans leur vulgarité, dépouillées de leurs espaces verts, érigées dans un chaos absolu sur la dépouille d’un patrimoine architectural davantage détruit en vingt années qu’en deux siècles. Blessures irrémédiables infligées à un environnement qui rafle sa mise dans l’instant, sans mémoire du passé, ni considération pour l’avenir. En attendant qu’une loi vienne planifier les choses, quelques voûtes anciennes laissent encore échapper la sourde rumeur de celui qui se refuse à mourir tout à fait... Et de céder la place à l’épopée tragique du béton. Le Dieu aux visages infinis L’homme, la terre et la pierre est publié à l’occasion de l’Année de la francophonie. En guise de présentation, M. Ghassan Tuéni écrit : (... ) Il faut à la fois préserver les valeurs du passé, s’en inspirer, mais aussi préparer le futur et répondre aux impératifs d’un monde dont la mutation est de plus en plus accélérée. Difficile chimie ? La mathématique de la création est là, summum d’intelligence, pour dessiner non seulement le plan d’un logis ou ceux d’une cité, mais pour aller au-delà : pour permettre à l’homme, à la société, d’être eux-mêmes et les autres. En ce temps de «Dialogue des cultures», serait-ce trop de dire qu’il n’est de dialogue concret, donc réel, que celui entrepris à partir des fondements (j’allais dire : « fondations» !) fortement ancrés dans le passé et sa terre, mais résolument tourné vers les horizons d’une universalité plurielle ? Dialogue des cultures ? Le Liban l’entreprend comme une communion ininterrompue entre les cités d’hier, d’aujourd’hui et celles de demain. Cités de l’homme, qu’aime habiter et faire siennes le Dieu aux visages infinis, ceux d’une prière toujours même, et pour un Amour où terre et ciel se retrouvent. La soie vivante La restauration, la conservation et le développement du patrimoine bâti et végétal sont le but de l’association Mémoire et développement (Amed). Elle présente, en collaboration avec la Commission séricicole internationale, une exposition intitulée «La soie vivante». De l’œuf du «bombyx» au ver à soie jusqu’au tissu de soie naturelle, le parcours raconte tout ce qu’une feuille de mûrier peut offrir. Mise superbement en scène par Jean-Louis Mainguy, cette manifestation se déroule dans le cadre historique de la magnanerie de Bsous. Un bâtiment datant de 1901, restauré et aménagé par Georges et Alexandra Asseily en un lieu de référence... À visiter absolument. Tous les jours de 9h à 13h et de 15h à 17h. Chronique d’un sauvetage La destruction du centre-ville est un des facteurs qui ont mené à une prise de conscience de la nécessité de sauver le patrimoine architectural. Des ONG sensibles à l’histoire sinon à la beauté réagissent. De son côté, le ministère de la Culture s’efforce, depuis 1995, de mettre fin à l’érosion du patrimoine architectural. Mais l’application des mesures proposées est toujours renvoyée aux calendes grecques. Voici, en vrac, la chronologie d’un sauvetage : – Le 25 septembre 1995, M. Michel Eddé, alors ministre de la Culture, demande à l’Apsad (Association de protection des sites et anciennes demeures) de faire l’inventaire des principaux ensembles de bâtiments construits avant 1945, c’est-à-dire avant la modernisation du paysage urbain de Beyrouth. L’Apsad charge un groupe d’architectes de répertorier toutes les vieilles demeures libanaises. Dans une première étape, l’opération s’étale sur 15 secteurs situés dans la couronne autour du centre-ville. Suite à cet inventaire, M. Eddé prend, le 10 octobre 1996, un arrêté interdisant provisoirement la démolition des bâtiments recensés. Trois commissions sont formées : l’une technique pour définir les critères précis justifiant la conservation des bâtiments ; l’autre pour étudier l’impact économique du projet ; et la troisième, les formes juridiques permettant la protection des bâtiments moyennant une compensation pour les propriétaires. – Le 10 novembre 1996, remaniement ministériel. Les trois commissions sont suspendues. Mais l’interdiction de démolir les bâtiments «répertoriés» est maintenue. – Le 5 février 1997, la polémique engagée entre les propriétaires et les associations de protection du patrimoine amène le Premier ministre, Rafic Hariri, à désigner une nouvelle commission présidée par le directeur général des Antiquités, alors M. Camille Asmar, et comprenant le directeur général de l’Urbanisme, M. Saad Khaled. Les études techniques sont confiées à cinq architectes et urbanistes, dont certains faisant partie de l’ancienne commission. Le périmètre d’étude englobe l’ensemble du territoire municipal de Beyrouth, c’est-à-dire les quartiers centraux à l’exclusion du centre-ville. Les volets économiques et juridiques restent cependant en suspens. Les cinq secteurs dont le caractère devrait être préservé selon la commission technique sont : – Gemmayzé, un des premiers quartiers à s’être développés entre 1850 et 1920, hors des murs médiévaux de Beyrouth. – Achrafié, Furn el-Hayek, Abdel Wahab el-Englisi et la rue Monnot. Là, les édifices datent de la période 1920-1940. – Bachoura, Basta, Patriarcat, îlot construit en deux temps : 1850-1920 et 1920-1940. – Rues Spears et May Ziadé comprenant de très beaux immeubles bâtis entre 1920 et 1945. – Aïn Mreissé, 1850-1920. Malheureusement, les vieilles maisons historiques ne riment plus à rien quand elles sont ceinturées de tours de béton. Une architecture contemporaine sobre, respectant certains rythmes et agencements volumétriques, peut parfaitement s’intégrer et mettre en valeur le caractère des immeubles historiques qu’elle côtoie. L’harmonie, au-delà des formes Dans son introduction, l’architecte Fadlallah Dagher écrit : (...) L’architecture traditionnelle au Liban est façonnée par deux modes de vie. L’un urbain, ouvert aux influences culturelles qu’elles soient d’Orient ou d’Occident. Son architecture est l’œuvre de bâtisseurs professionnels, travaillant pour le compte d’une bourgeoisie commerçante ou artisanale. L’autre rurale, vernaculaire, reflétant les techniques et les traditions séculaires simples : ses bâtiments sont utilitaires, œuvre de paysans, vivant au rythme des jours et des saisons. Ces deux modes de vie se rejoignent souvent dans leur aspect architectural, à travers l’unité des techniques de construction, à base de pierre de taille ; mais aussi dans les éléments du bâtiment et l’usage de certains espaces, cour, liwan ou galerie ; ils se retrouvent enfin lorsque le type urbain par excellence, la « maison à hall central » du XIXe siècle, se répand dans les campagnes. (...) Comprendre cet héritage et l’apprécier, c’est regarder, au-delà des formes, la cohérence harmonieuse de l’architecture dans le paysage avec les rapports sociaux qui l’ont façonnée. May MAKAREM
L’homme, la terre et la pierre. Dans un livre-album édité par la Fondation nationale du patrimoine, Fadlallah Dagher a rassemblé plus de 500 photographies qui racontent les caractéristiques de l’archiecture traditionnelle au Liban. Ces clichés, objet d’une exposition au Musée des sciences, à Solidere, visent un objectif : sensibiliser l’opinion publique à un passé...