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Actualités - OPINION

Le régime voudrait un partage général de la responsabilité Divergence de vues persistante sur le dossier économique

Nécessité fait loi : le sentiment (tardif) des graves priorités économiques ou régionales, la crainte de voir le navire commun couler, ont suscité une trêve sur la passerelle de commandement. Où l’on met de côté, jusqu’à plus ample informé, le litige hurleur sur le cellulaire. Mais, du côté des convictions, la séparation des pouvoirs, ou plutôt des instances, reste aussi tranchée. Ainsi, au lendemain même des retrouvailles de Baabda, des loyalistes n’hésitent pas à soutenir que le chef de l’État n’est pas du tout satisfait des mesures adoptées en vue du redressement économique. À son avis, leur application n’a pas permis d’améliorer le bilan financier, économique et social. Et si certains affirment le contraire, la population pour sa part voit bien qu’il n’en est rien. Le président Lahoud, ajoutent ces sources proches du régime, souhaite que l’on modifie ou qu’on remplace le dispositif retenu. Et, surtout, que la responsabilité (entendre la décision) soit partagée. Soit par une session spéciale du Conseil des ministres, soit à travers un séminaire élargi permettant de faire appel aux lumières des experts. Dans les deux cas, en présence, pour ne pas dire sous l’égide du président de la République aussi bien que du président du Conseil. M. Rafic Hariri répond qu’il n’a aucune objection à discuter toute idée nouvelle. Il se hâte de préciser toutefois que les critiques formulées au sujet des mesures gouvernementales ne peuvent être recevables si elles ne s’accompagnent de propositions de substitut valables. En rappelant que l’action de son équipe a non seulement été avalisée par le Conseil des ministres, mais encore, et surtout, approuvée par la Banque mondiale ainsi que par le Fonds monétaire international. Enfonçant ce clou, le Premier ministre souligne que ces institutions haut de gamme reprochent même au Liban de ne pas aller assez vite dans la réalisation de ses projets, à cause de tiraillements internes d’ordre politique. Les idées attribuées à Salamé et à neuf experts Pour leur part, des pôles locaux observent que le camp du régime a sans doute vu dans le dossier économique un champ de bataille propice pour attaquer les haririens. Ils rappellent que le chef de l’État, passant outre au refus du président du Conseil d’élaborer un plan de longue durée, a prié en début d’année le gouverneur de la Banque centrale de préparer un programme global. Par suite de quoi, le gouverneur, M. Riad Salamé, a pris soin de jeter par écrit ses recommandations. Document que, pour une raison non élucidée, les autorités ont gardé sous le coude sans en révéler la teneur. Cependant, une revue spécialisée, al-Mou’acherr (« L’Indice »), croit pouvoir révéler les grandes lignes de cette étude : – Les privatisations, gérées par une direction centralisée, peuvent servir à rembourser certaines créances, tout en attirant des capitaux et en encourageant des investisseurs arabes à souscrire derechef aux bons du Trésor libanais. – La revente anticipée des royalties du cellulaire pour les dix ans à venir peut rapporter 3,2 milliards de dollars. La Régie vaut un milliard, l’EDL 750 millions, les actions Intra 120 millions. Avec d’autres opérations similaires, l’État peut décrocher un total de 5,07 milliards de dollars. –  Ce qui permettrait de couvrir le déficit budgétaire pour l’année 2002, tout en gardant un pécule de 2,4 milliards. Qui viendrait renforcer le stock de réserves en devises fortes de la Banque du Liban. Le marché s’en trouverait décongestionné et la dollarisation amortie. Avec un regain notable de confiance et de dynamique économique stimulée par une baisse des taux d’intérêt. Ainsi que par une réduction sensible du service de la dette publique. La même revue signale que neuf économistes ont adressé au chef de l’État un projet à réaliser en six mois. Et qui développe les conseils suivants : – Pleins pouvoirs économiques au Conseil des ministres. – Mise en application immédiate du programme de privatisations, pour amortir une partie de la dette publique. – Restructuration de l’Administration. – Abolition des conseils ou caisses parasitaires, et réorganisation du CDR. – Dégraissage du mammouth administratif par le renvoi du personnel excédentaire. – Réduction des salaires trop élevés de certains fonctionnaires. – Contrôle étroit des factures de soins et d’hospitalisation aux frais de l’État. – Règlement de la question des biens domaniaux maritimes ou autres. – Imposition d’une taxe de 10 % sur les intérêts des dépôts bancaires. – Élaboration d’un plan cohérent pour le rééquilibrage budgétaire. – Remplacement des indemnités de fin de service par des pensions de retraite, dans le public comme dans le privé. – Demande pressante d’assistance aux pays arabes riches pour assurer les besoins du pays en carburants, cette année et l’année prochaine. Ces économistes estiment que ces mesures peuvent alléger la dette, réduire les intérêts de 2%, abaisser le déficit budgétaire au-dessous de la barre des 30 %, attirer les capitaux et assurer une croissance d’au moins 2%. Ils concluent cependant qu’en vue de provoquer un choc salutaire, il faudrait un changement de gouvernement. Dont nombre de membres, prenant connaissance de ces idées, les ont jugées irréalisables, pour ne pas dire irréalistes. En faisant valoir qu’il est difficile d’obtenir les pleins pouvoirs, d’imposer 10 % sur les dépôts, d’expurger l’Administration de son trop-plein. Ou de faire passer à la trappe, entre autres, des corps comme le Conseil du Sud ou la Caisse des déplacés qui sont politiquement protégés. Par ailleurs, revenant à la brûlante actualité, ces sources jugent que les parties qui ne partagent pas les vues haririennes sur le cellulaire, et a fortiori sur l’économie, n’ont qu’un seul droit : les contrer en Conseil des ministres. Ajoutant, pour mieux cerner le problème, que le chef de l’État n’est pas responsable des décisions prises à la majorité. En effet, la Constitution issue de Taëf lui a ôté le pouvoir de désigner le Premier ministre et les membres du cabinet. Tout comme elle l’a privé du droit de vote en Conseil des ministres. Enfin, ce n’est pas au président de la République, mais à la Chambre que le gouvernement doit rendre des comptes, rappellent encore ces personnalités. Pour qui le conflit entre les deux présidents n’a pas lieu d’être, puisqu’en tout cas la décision appartient au Conseil des ministres. Émile KHOURY
Nécessité fait loi : le sentiment (tardif) des graves priorités économiques ou régionales, la crainte de voir le navire commun couler, ont suscité une trêve sur la passerelle de commandement. Où l’on met de côté, jusqu’à plus ample informé, le litige hurleur sur le cellulaire. Mais, du côté des convictions, la séparation des pouvoirs, ou plutôt des instances, reste...