Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Quinze jours d’occupation à Bethléem « Même les chiens n’ont pas cette vie »

Confinés dans leurs maisons, à l’écoute des tirs et de la rumeur des chars dans la ville, les habitants de Bethléem, occupée par l’armée israélienne depuis quinze jours, naviguent entre l’ennui et la peur, la lassitude et le fatalisme. Le sévère couvre-feu imposé par l’armée israélienne s’est certes assoupli au cours des derniers jours, et les tirs qui claquaient dans la ville se concentrent désormais principalement autour de la place de la Mangeoire, où 200 Palestiniens sont retranchés depuis quinze jours dans la basilique de la Nativité. Mais, à l’exception d’une levée totale du couvre-feu pendant quelques heures tous les trois jours, où les habitants se ruent dans les magasins d’alimentation, Bethléem est une ville aux volets et aux portes fermés, dont le silence n’est troublé que par les bruits – tirs, sirènes, explosions – en provenance de la basilique. Tirs sporadiques inexpliqués «Les premiers jours ont été les plus difficiles. Ça va mieux maintenant, mais lorsqu’il y a des tirs la nuit, on écoute, on se demande à quelle distance tout cela se produit par rapport à chez nous», raconte Michel Nasser, dont la maison est située à la lisière de la vieille ville, un des secteurs les plus détruits de Bethléem. Michel ne sort jamais, sauf pendant la levée du couvre-feu. «Je reste assis sur ma chaise, tout habillé. Je ne me suis rasé qu’une seule fois en quinze jours», raconte cet homme d’une cinquantaine d’années, qui vient de retrouver l’électricité. «C’est une vie inacceptable, ce n’est même pas pour les chiens. Eux, ils peuvent sortir», s’indigne-t-il, tandis que sa sœur Suzy, qui regarde la rue depuis son pas de porte, soupire : «On survit». «On s’ennuie» répond en écho Walid, qui a profité lundi d’une levée du couvre-feu pour se promener en voiture avec son oncle, «juste se promener». À Aïda et Dheishé, deux camps de réfugiés situés près de Bethléem, également sous couvre-feu, les gens vont et viennent. «C’est moins strict qu’autour de la basilique de la Nativité», explique le docteur Abdel Fatah Abou Srour. «Mais le problème, c’est les snipers israéliens. Il y a des tirs sporadiques, on ne sait pas pourquoi. Et puis tous les mouvements de chars... On est à l’écoute en permanence, on n’est jamais sûr de rien», confie ce biologiste, dont un des cousins est retranché dans la Nativité. «Nous n’avons pas encore craqué», dit-il en riant, avant de s’assombrir de nouveau : «Le plus dur, c’est pour les vieux. Ça leur rappelle toutes les misères de 1948 et de 1967 (guerre des six jours)». Les soldats israéliens qui patrouillent la ville peuvent se montrer indifférents, voire débonnaires, comme cette équipe croisée sur une place de la vieille ville, occupée à réparer les pylônes électriques détruits une semaine auparavant par le passage des chars. Mais la situation est toujours susceptible de basculer d’un moment à l’autre. Alors, pour éviter les rues trop dangereuses, les habitants se réfugient sur les terrasses et les balcons. Une mère pousse son enfant en vélo sur un toit d’immeuble de 30 m2. À Dheishé, deux petites filles se hissent sur la pointe des pieds au-dessus de la rambarde du balcon et désignent, toutes excitées, une jeep militaire israélienne qui remonte la route à toute allure.
Confinés dans leurs maisons, à l’écoute des tirs et de la rumeur des chars dans la ville, les habitants de Bethléem, occupée par l’armée israélienne depuis quinze jours, naviguent entre l’ennui et la peur, la lassitude et le fatalisme. Le sévère couvre-feu imposé par l’armée israélienne s’est certes assoupli au cours des derniers jours, et les tirs qui claquaient...