Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Quarantième - Plus de deux mille personnes ont assisté à la messe de requiem Tristesse, révolte et incompréhension chez les proches et les fidèles d’Élie Hobeika(PHOTOS)

Quarante jours plus longs qu’une éternité. Pour ses proches et ses nombreux partisans, l’absence d’Élie Hobeika, ancien ministre et député, mais surtout chef aimé autant que craint, n’a jamais semblé aussi lourde qu’en ce jour de commémoration. Les portraits et les banderoles sont bien là, ainsi que les fidèles en larmes et les officiels moins émus, mais c’est le silence sur le plan de l’enquête qui est perçu comme une terrible injustice, voire une trahison. Pour tous ceux qui l’ont aimé et même pour ses adversaires, Élie Hobeika méritait un meilleur traitement. L’église de Mar Takla étant trop petite, c’est à Badaro que la messe de requiem pour le quarantième de la mort d’Élie Hobeika a été célébrée. Mais même avec ses dimensions respectables, l’église du Sacré-Cœur est bondée. La foule occupe le moindre espace libre et déborde à l’extérieur, dans les cours entourant les deux entrées et même dans la rue. Des femmes et des hommes en deuil pleurent, encore en état de choc, comme si le drame était survenu hier. Ces quarante derniers jours n’ont d’ailleurs été pour eux qu’une suite de déceptions : d’abord la terrible explosion, puis le silence sur l’attentat, interprété par eux comme une volonté officielle d’étouffer l’enquête, et enfin le déchaînement des médias contre Hobeika, comme si sa vie se résumait à une suite de massacres. «Savez-vous combien de fois il nous a empêchés d’exécuter des assassinats ?» s’écrie un de ses partisans, les yeux rougis et les traits tirés. «Savez-vous comme il se souciait de l’avenir des chrétiens au Liban ? Il a inité une politique très courageuse, mais il est resté incompris dans les deux camps...» Sabra et Chatila encore Un autre ne comprend pas pourquoi on le poursuit avec le massacre de Sabra et Chatila. «Qui a commis ce massacre ? Les Israéliens, bien sûr. Et probablement les travaillistes pour faire sauter Begin et Sharon. Quant aux Américains, ils ont alerté la presse parce que, eux aussi, ne voulaient plus de cette équipe…» Jeunes et vieux, tous éprouvent la même révolte et la même incompréhension. «L’assassin de Béchir Gemayel a été arrêté le soir même. Pourquoi, alors que le portrait-robot de celui qui a garé la voiture là où elle a explosé a été distribué auprès des services concernés, l’homme n’a toujours pas été arrêté ? Qui a pu planifier et exécuter un tel assassinat et bénéficier d’une si totale impunité ? Les services traquent et débusquent les réseaux les mieux enfouis et sont incapables d’arrêter un homme dont ils possèdent le portrait-robot... Comment ne pas se poser des questions, comment ne pas ressentir de l’amertume ?» Les partisans d’Élie Hobeika en ont gros sur le cœur. Errant dans la rue ou dans les deux cours entourant l’église, ils se sentent comme des orphelins. Ils ne tarissent pas d’éloges sur le défunt, qui, selon eux, se démenait pour rendre service, cherchait constamment à resserrer les liens avec les vieux compagnons et, les derniers temps de sa vie, ne se souciait plus que du sort des chrétiens. «Vous en connaissez beaucoup, vous, qui auraient osé dire au ministre des Finances ses quatre vérités comme l’avait fait Hobeika ?» rappelle un jeune homme vêtu de noir et portant sur sa veste un discret HK en or, comme d’autres porteraient une croix ou le sigle d’un parti. Présence officielle et foule anonyme Ils sont si nombreux qu’ils en feraient presque oublier les officiels, pourtant fortement présents. Le chef de l’État, le président Berry, le président du Conseil, le président syrien et le commandant en chef de l’armée avaient tous envoyé des représentants, sans compter les députés et les divers responsables. Mgr Béchara Rahi prononce une homélie très émouvante dans son humanité, présentant Hobeika comme un homme qui a fait son mea culpa, qui a longuement médité sur la guerre et qui avait choisi une nouvelle voie pour ce qu’il pensait être le bien de son pays. Timide consolation pour ceux qui voyaient en Hobeika un chef. Que vont-ils devenir, ils n’y pensent pas encore, tout à leur peine. Que va devenir le parti al-Waad, qui signe toutes les banderoles accrochées dans la rue et assume l’organisation de la cérémonie ? Les promesses de continuer sur la même voie, faites solennellement par le porte-parole de ce parti, n’apportent pas vraiment une réponse à la question. Pour la plupart des personnes présentes, tant qu’on n’aura pas identifié les assassins, aucune décision fondamentale ne pourra être prise. Et s’ils ne sont jamais identifiés ? «Alors, la peur sera la plus forte…» Joe, le fils unique dont Élie Hobeika était si fier, prend ensuite la parole pour s’engager à lutter pour le Liban dont son père rêvait. Mais en prononçant son nom, sa voix s’étrangle et il doit s’arrêter un instant, alors qu’autour de lui, les partisans pleurent à gros sanglots. Il se reprend et poursuit son petit discours improvisé devant une foule silencieuse. Il parle de fidélité, de cause, de vision, de dévouement et les compagnons de son père se mettent à scander : «Tu peux reposer en paix, nous poursuivrons ta lutte». Une lutte qu’Élie Hobeika, cet enfant de la guerre, a menée avec les seuls moyens qu’il connaissait, même si aujourd’hui, on préfère l’oublier, parce que son passé, qui est aussi le nôtre, dérange. Les morts ont peut-être toujours tort, mais les vivants ont-ils, pour autant, raison ? Scarlett HADDAD
Quarante jours plus longs qu’une éternité. Pour ses proches et ses nombreux partisans, l’absence d’Élie Hobeika, ancien ministre et député, mais surtout chef aimé autant que craint, n’a jamais semblé aussi lourde qu’en ce jour de commémoration. Les portraits et les banderoles sont bien là, ainsi que les fidèles en larmes et les officiels moins émus, mais c’est le...