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Actualités - OPINION

Le manque d’énergie se limite au courant Beaucoup d’électricité ( politique ) dans l’air

Chauffe Marcel, chauffe ! lançait feu Brel à son accordéoniste préféré devant un parterre électrisé. Bien évidemment, le courant passait encore mieux entre la salle et Monsieur cent mille volts, ce Bécaud que la bise vient d’emporter. Côté spectacle, malgré cette double disparition, le public d’aujourd’hui n’a pas à se plaindre. Car, quand la politique s’en mêle, le strapontin a droit tout de suite à de grands numéros de cirque. Ainsi en est-il en France où la triplette Pasqua-Marchiani-Safa danse sur la corde raide comme sur l’air de la carmagnole. Idem ici, où des guignols déchaînés échangent des volées de torgnoles. En nous prenant en somme pour des enfants qu’un rien suffit à distraire sinon à réjouir. On rit certes un peu jaune devant ce divertimento politisé pour mieux faire diversion. Mais on applaudit quand même à tout rompre, parce qu’il n’y a plus moyen de se réchauffer autrement. Où passe le fuel, ce liquide argenté ? C’est l’une des questions auxquelles le ministre de l’Énergie et des Ressources (il n’en manque pas du reste) se trouve prié de répondre. Par le chef de l’État, qui lui a commandé un rapport détaillé à remettre dans les meilleurs délais. Si possible avant que la neige ne fonde au soleil et avant que les Libanais, mis dedans, n’oublient leur rage (de dent). Comme ils ont oublié, magnanimes, qu’il y a à peine quelques semaines, M. Mohammed Abdel Hamid Beydoun leur annonçait, en étrennes de fêtes, la fin des années de vaches maigres et du rationnement. Expliquant que les experts lui avaient certifié que le problème était réglé pour de bon. Un détail qui lui a permis de se défausser sur ces cadres, qui l’auraient donc induit en erreur, lorsqu’il s’était avéré qu’on n’était toujours pas sorti de l’auberge. Très vite d’ailleurs, on le sait, M. Beydoun a procédé à une virulente escalade dans ses attaques contre le personnel, prenant l’ancien directeur de l’office, l’ingénieur Georges Moawad, pour sa bête noire. Plus exactement pour son bouc émissaire, puisqu’il n’a pas hésité à lui imputer l’entière responsabilité du mal, pour chronique et antédiluvien (c’est le mot) qu’il fût. M. Moawad s’est défendu du mieux qu’il pouvait, n’hésitant pas à son tour à rendre coup pour coup à son ministre de tutelle à travers des déclarations incendiaires. Mais le fuel ? Lors de la prise en charge de son portefeuille, peu garni, le ministre, rempli de bonnes intentions, avait projeté de conclure un marché d’approvisionnement pour trois bonnes années. Bien entendu, de bons amis politiques s’étaient empressés de lui mettre des bâtons dans les roues et le projet était tombé à l’eau, fin funeste pour un carburant. On a donc continué les achats au coup par coup, bien que cela fût nettement plus coûteux qu’un contrat global. L’Électricité du Liban a accumulé les déficits au rythme d’une dépense atteignant le million de dollars par jour. En effet, le refrain est connu, depuis des années, le taux de perception des quittances ne dépasse pas les 40 %. Ce qui revient à dire, si l’on préfère les chiffres frappants, qu’il y a 60 % des consommateurs inscrits, dont des services publics, qui ne règlent pas leur note. Sans parler des régions exonérées et encore moins de ceux qui volent le courant, pratique que les responsables qualifient pudiquement de «branchement illicite». Cela étant, pour en revenir au volet civique sinon politique du dossier, des pôles opposants, tout en donnant acte à M. Beydoun de ses cris d’alarme répétés, se demandent ce que le ministère a fait pour aider vraiment l’office. Soit au niveau de la perception des factures, soit à celui de la réhabilitation des centrales énergétiques et de diverses autres installations. Ainsi, bien que la plupart des centrales aient été conçues pour fonctionner au gaz de pétrole liquide (gpl), on y utilise toujours le fuel ou le mazout. Comble d’absurdité, le pouvoir a créé au Nord comme au Sud des usines flambant neuf, sans leur prévoir de réseau de transport et de distribution ! Ce qui fait que ces merveilles sont encore hors- circuit, portes closes. En tout, le Trésor a déboursé pour l’EDL quelque deux milliards de dollars ces dernières années, alors que le produit n’arrive que sporadiquement aux usagers. On serait tenté de croire que les raids israéliens, notamment en 96, ont lourdement grevé le budget financier. En réalité, l’Égypte et la France ont offert les réparations à Jamhour ou ailleurs. Les donations régulières de pays amis en faveur du Liban électrique ne se comptent pas, mais on en voit rarement les effets sur le marché de la consommation. La crise vient donc d’atteindre son paroxysme, en ce rude hiver. Il faudra donc voir ce que le rapport exigé par le chef de l’État sous deux semaines va apporter pour éclairer sinon les foyers du moins l’opinion publique. Pour sa part le directeur sortant (sorti plutôt), M. Moawad, se propose de publier un livre gris, c’est-à-dire blanc et noir. Blanc pour justifier l’EDL, en soulignant le poids des impayés. Noir pour souligner que nul n’a jamais voulu aider l’office. Ni le Trésor puisque l’on a multiplié les commandes d’onéreux audits à des sociétés spécialisées (autant de contrats juteux pour beaucoup de parties) sans jamais suivre leurs conclusions. Dans son état de délabrement actuel, comment l’électricité pourra-t-elle jamais être privatisée ? Et comment espérer qu’un jour des régions cesseront de payer pour d’autres ? Philippe ABI-AKL
Chauffe Marcel, chauffe ! lançait feu Brel à son accordéoniste préféré devant un parterre électrisé. Bien évidemment, le courant passait encore mieux entre la salle et Monsieur cent mille volts, ce Bécaud que la bise vient d’emporter. Côté spectacle, malgré cette double disparition, le public d’aujourd’hui n’a pas à se plaindre. Car, quand la politique s’en...