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Actualités - CHRONOLOGIES

Société - Une équipe du ministère du Développement administratif a enquêté sur les locaux publics - Voyage au bout de l’Administration

Pour la plupart des citoyens, l’Administration publique, c’est un peu le royaume d’Ubu : des bâtiments laids, où le laisser-aller et la saleté se font une concurrence permanente et où, en tout cas, les usagers feraient mieux de ne pas pointer leur nez. C’est d’ailleurs pourquoi, les formalités indispensables sont généralement confiées à des intermédiaires qui, eux, savent se retrouver dans ce labyrinthe où seuls les initiés ont droit de cité. Pour mieux comprendre l’état d’esprit des usagers, une équipe du ministère du Développement administratif s’est rendue incognito dans tous les ministères et elle a publié un rapport, où finalement le bilan est moins terrible qu’on ne pourrait le croire. Nos parents ont eu beau nous répéter que l’habit ne fait pas le moine, les apparences comptent de plus en plus dans le monde d’aujourd’hui. Surtout lorsqu’il s’agit d’un bâtiment public, censé incarner le prestige et l’autorité de l’État. Pourtant, dès qu’on dit administration, on imagine aussitôt des locaux insalubres, des murs qui suintent d’humidité, des linoléums déchirés, des ascenseurs qui ne marchent pas ou à peine, des cendriers débordant de mégots des fonctionnaires en train de manger... et des bureaux directoriaux, gigantesques et parfaitement équipés. Des bâtiments dignes, d’autres non Voulant en avoir le cœur net, une équipe du ministère de la Réforme administrative a décidé de faire la tournée des bâtiments administratifs, en se faisant passer pour de simples usagers. C’est la première fois qu’une initiative de ce genre est prise et elle s’est concrétisée par un rapport sans la moindre complaisance qui dénonce mais aussi relève les efforts. Si certains bâtiments ont une apparence tout à fait digne de leur fonction, notamment le ministère de l’Intérieur et celui des Affaires étrangères, contrairement à d’autres dont le local est plutôt décrépit, la plupart ont en commun un manque d’informations destinées à l’usager. En général, les pancartes sont inexistantes ou incomplètes, le bureau d’information n’est pas accessible dès l’entrée et l’individu en quête d’un fonctionnaire n’a finalement d’autre recours que d’interroger le militaire de faction à l’entrée pour savoir comment se diriger. Le bâtiment du ministère de l’Intérieur, déjà assez imposant en lui-même, est totalement dépourvu de pancartes indicatives et reste inaccessible au simple usager qui, pour des raisons évidentes de sécurité, doit passer d’abord par l’agent de sécurité de faction. Mais ce qui est compréhensible pour ce ministère l’est moins pour d’autres, où l’agent de sécurité fait plus office de concierge que de garde. Fausses pancartes et ascenseurs désaffectés Sur ce plan-là, le ministère de l’Information mérite bien son nom. Dès l’entrée, des panneaux indiquent les divers départements et leurs étages respectifs qui permettent à l’usager de situer sa destination sans avoir à poser de questions. Le ministère du Travail, lui, manque visiblement de travailleurs. Ni panneau ni bureau d’informations à l’entrée, mais des indications recouvertes d’une épaisse couche de poussière et personne à qui demander son chemin. Le ministère de l’Environnement, par contre, apparaît bien aménagé et bien organisé. Le bâtiment est propre et les locaux avenants, détail qui a son importance pour qui est censé s’occuper d’écologie. Mais c’est dire que dans les bâtiments nouvellement aménagés, l’effort est visible, même s’il est encore le plus souvent le fait d’une initiative individuelle. Au cours de sa minutieuse enquête, l’équipe du ministère du Développement administratif a soigneusement noté tous les détails, de la lisibilité de la pancarte à la localisation du bureau des informations, en passant par l’efficacité de l’ascenseur, la propreté des lieux, l’amabilité des fonctionnaires et surtout leur disponibilité. Des formulaires et des commissionnaires Car même lorsqu’un usager connaît sa destination ou a réussi à trouver son chemin, cela ne signifie pas que sa formalité est accomplie. Il lui faut encore attendre que le fonctionnaire soit prêt à l’aider. Pour faciliter cette démarche, certains ministères ont pensé à mettre à la disposition des usagers des formulaires standard pour tous les genres de formalités. C’est notamment le cas dans certains départements du ministère des Finances et au ministère de l’Industrie. La démarche est particulièrement louable et mérite d’être saluée, dans l’espoir de la voir se généraliser. Dans ce domaine, la palme de l’organisation revient à la Sûreté générale où, désormais, les formalités sont facilitées au maximum, puisque les papiers sont envoyés par la poste et il est quasiment impossible de se perdre dans les couloirs du bâtiment puisqu’un militaire surgit toujours au bout d’une minute. Ce n’est malheureusement pas le cas dans les divers Palais de justice et les sérails des mohafazats, où les pancartes, lorsqu’elles sont en bon état, sont fausses ou périmées. C’est donc la croix et la bannière pour connaître son chemin ou savoir à qui s’adresser. Et si par malheur l’usager n’a pas de téléphone portable et s’il souhaite passer un coup de fil, il tombe le plus souvent sur des appareils en panne que personne ne se soucie de réparer. Évidemment, dans tous les locaux administratifs, de petits commissionnaires traînent pour aider le visiteur à achever ses formalités mais surtout pour le plumer moyennant service rendu. Le système a d’ailleurs longtemps fonctionné ainsi, aux dépens des finances des usagers, mais au bénéfice de leurs nerfs. Toutefois, de plus en plus de fonctionnaires souhaitent en finir avec ces pratiques, considérant qu’après tout, l’Administration doit être au service du citoyen, qui doit être en mesure de faire ses formalités lui-même. L’idée fait son chemin, mais elle est difficile à mettre en œuvre, tant la machine publique est lourde. Ainsi, la plupart des ministères sont désormais dotés d’un site sur Internet qui permet à l’usager de s’informer sur le fonctionnement de cette administration et de se procurer des formulaires standard. Mais selon l’enquête de l’équipe du ministère du Développement, les ministères des Affaires étrangères, du Travail et des Ressources hydrauliques et électriques n’ont pas de site sur le réseau Internet. D’autres sont en train de le créer, mais tout cela prend énormément de temps et certains responsables n’en voient pas l’utilité, tant les mentalités sont parfois rigides. Beaucoup d’initiatives individuelles donc, mais nous sommes encore loin de la systématisation du processus. L’Administration publique n’est pas encore au service du citoyen, mais elle n’est plus non plus ce labyrinthe peuplé de fantômes hostiles et surtout inefficaces.
Pour la plupart des citoyens, l’Administration publique, c’est un peu le royaume d’Ubu : des bâtiments laids, où le laisser-aller et la saleté se font une concurrence permanente et où, en tout cas, les usagers feraient mieux de ne pas pointer leur nez. C’est d’ailleurs pourquoi, les formalités indispensables sont généralement confiées à des intermédiaires qui, eux,...