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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Conférence de Chibli Mallat sur le procès Sharon - Quand la justice peut défier le politique au nom de la vérité

Le timing n’était que pure coïncidence. La conférence, samedi, de Chibli Mallat sur le procès intenté contre Ariel Sharon, poursuivi par les victimes du massacre de Sabra et Shatila, était en effet prévue depuis un certain temps. Mais le fait qu’elle s’est tenue le lendemain même de la décision de la justice belge de suspendre l’instruction de cette affaire n’en était que plus symbolique. Paradoxalement, le sursis obtenu par Sharon a conféré à l’intervention de M. Mallat une puissance incontestable. Tablant sur les concepts de «vérité et de justice», M. Mallat a fait le point, témoignages à l’appui, de la situation. «De quelle vérité parlons-nous ?», s’est interrogé l’avocat. Dans la mesure où il n’existe pas de données précises sur le nombre de victimes, les chiffres avancés variant entre 400 et 3 500, parfois même le double ou le triple de cela, «comment donc connaître la vérité à travers cet ignoble épisode de l’histoire ?». Chacun de nous a une lecture différente d’un évènement donné, a affirmé Chibli Mallat, en expliquant comment un même fait historique peut donner lieu à plusieurs versions. «Que serait-ce alors lorsqu’il s’agit de 28 personnes qui ont échappé au massacre, celles-là mêmes qui ont fait parvenir leur demande en justice au cœur de l’Europe, dans les faits relatifs aux crimes de Sabra et Chatila ?», s’est interrogé l’avocat. Ce sont ces voix-là et leur version des faits que Me Mallat fera entendre à son public, très nombreux ce soir-là, avec leurs photos à l’appui (voir encadré). Les victimes racontent de mémoire les souvenirs douloureux de cette nuit apocalyptique au cours de laquelle les leurs, parents, amis, voisins, ont péri sous les coups de feu et sous la hache des agresseurs. Toutefois, la recherche de la vérité n’est pas suffisante sans son complément, incarné par la justice, poursuit M. Mallat. «La défense des objectifs juridiques lors de ce procès suppose la soumission du politique à la justice, car elle seule est garante de la victoire des critères humains universels sur les conflits sanglants». Là réside toute la problématique que l’avocat s’évertuera à développer le long de son exposé, à savoir l’indépendance du juridique par rapport au politique, dans une région où tout, abosolument tout, est d’essence politique. Chibli Mallat, qui défend plusieurs des victimes du massacre, est conscient que ce procès n’est pas de tout repos. La décision, annoncée la veille par la justice belge de suspendre l’instruction pour que soit examinée la régularité de la procédure, en est un signe précurseur. Outre le danger «procédural», celui qui consiste à invoquer des motifs de forme pour rejeter le procès, une seconde menace plane constamment sur le déroulement de ce procès : celui de la politisation du procès, a indiqué le juriste. «Ce procès ne réussira que dans la mesure où il est séparé du politique», a affirmé Chibli Mallat, qui met en garde contre les tentatives de l’adversaire de politiser le contentieux, dès lors qu’il a compris que «le sérieux du language juridique» utilisé par les plaignants. Car, dit M. Mallat, ils ont saisi que «notre discours est un discours humanitaire et non politique». «Il s’agit d’un procès intenté par des individus contre d’autres individus et non pas d’un cas national». Ce n’est ni un procès d’un peuple contre un autre ni d’un État contre un autre. Or, affirme M. Mallat, Ariel Sharon a nommé un avocat de défense au nom de l’État d’Israël et non en son nom. Il déploie tous les efforts possibles afin de démontrer qu’il s’agit d’un procès antisioniste. «Nous sommes devant une grande bataille. Elle nous conduit à pousser la justice belge à voir en la personne d’Ariel Sharon un criminel de guerre et non en sa qualité de Premier ministre». Et M. Mallat de rappeler le point de divergence fondamental entre ce dossier et d’autres procès qui ont hanté l’histoire de la justice contemporaine : au Chili, plus récemment au Kosovo, en Serbie, au Cambodge, etc. «La différence, a-t-il souligné, c’est qu’en Palestine, l’enfant innocent est massacré tous les jours, l’homme est encerclé à chaque instant et la barbarie est quotidienne». Dans ce cas précis, «la victime est toujours victime et le responsable des massacres de Sabra et Chatila est bien assis au pouvoir». Ainsi, poursuit le conférencier et pour la première fois dans l’histoire, le procès n’est point un aboutissement logique imposé par le vainqueur, mais une demande de la victime avant même que le bourreau ne soit sanctionné. Et de conclure : «Nous ne nous arrêterons pas tant que la porte est ouverte. Et nous croyons qu’elle le restera pendant longtemps, mais avec un peu moins d’entousiasme que ce que nous avons vu jusqu’à présent».
Le timing n’était que pure coïncidence. La conférence, samedi, de Chibli Mallat sur le procès intenté contre Ariel Sharon, poursuivi par les victimes du massacre de Sabra et Shatila, était en effet prévue depuis un certain temps. Mais le fait qu’elle s’est tenue le lendemain même de la décision de la justice belge de suspendre l’instruction de cette affaire n’en...