Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIES

Malgré les soldats israéliens à l’étage, la famille Bachir s’accroche

Au cœur de la bande de Gaza, une maison palestinienne tout près d’une colonie juive : la famille Bachir refuse d’abandonner la terre de ses aïeux, quitte à vivre avec des soldats israéliens à l’étage. «Les Israéliens ont tout essayé : intimidation, tirs, occupation, mais je ne suis pas parti», lance fièrement Khalil Bachir, un professeur d’anglais de 50 ans. Une échelle est posée contre le mur, des filets de camouflage sont pendus au 2e étage, inhabité : les soldats gardant la colonie voisine de Kfar Darom s’y sont installés il y a quelques mois. Une porte-parole de l’armée a évoqué une décision prise «en accord» avec les Bachir pour des motifs de sécurité. Elle a qualifié cette présence d’«irrégulière», assurant que les soldats n’occupaient plus qu’occasionnellement l’étage depuis la mi-juillet. Depuis le début de l’intifada fin septembre, pour ces mêmes raisons de sécurité, le verger – 170 oliviers, des amandiers et des figuiers – a été déraciné, les serres démolies et la maison du grand-père rasée, comme 300 autres dans la bande de Gaza, selon le Centre palestinien pour les droits de l’homme. Mais le chef de famille, un intellectuel passionné d’histoire, a un sacerdoce : sa terre. Quitte à devoir «cohabiter» avec l’armée. Surtout, ne pas monter à l’étage. Même si l’on doit se passer d’eau chaude, car le réservoir sur le toit ne peut être réparé. «Certains soirs, on entend leurs pas», dit sa fille Amira, 16 ans. «Un jour, un jeune soldat m’a dit : “Votre maison, c’est zone A, mais l’étage est en zone C”», raconte M. Bachir. La zone A couvre les secteurs sous contrôle total palestinien, selon les accords d’Oslo de 1993, et la zone C couvre les secteurs entièrement sous contrôle israélien. «Je ne suis pas un surhomme, poursuit-il. J’ai peur, mais la peur de perdre ma maison est plus forte. Le départ, c’est la mort, alors si je suis tué, ça ne fait pas de différence». « Je crois en la paix » La mort, il l’a frôlée en avril, lorsqu’il a été blessé à la nuque, dans son lit, par des éclats de munitions qui lui ont valu une semaine d’hôpital. Il assure qu’il s’agissait de tirs de soldats israéliens. Le fortin militaire qui garde la colonie est, en effet, situé sous ses fenêtres, et la famille raconte avoir été victime de nombreux tirs depuis le début de l’intifada. Amira montre ainsi une collection de douilles de toutes espèces, la façade criblée de balles, les vitres brisées. Depuis, les 10 membres du clan s’imposent un couvre-feu, vivent dans une pièce unique, font bloc. Et M. Bachir est un peu devenu un porte-drapeau. «S’il s’en va, après notre tour viendra», dit-on dans le voisinage. «Ma force ? Je la tire de mes souvenirs d’enfance, de mon enracinement dans ces lieux, du refus que mes enfants me demandent un jour pourquoi je suis parti», explique M. Bachir, qui dit avoir «retenu la leçon de 1948», date de la création de l’État d’Israël et du départ forcé de centaines de milliers de Palestiniens. Les colons, ses voisins retranchés derrière de hauts murs, il se dit «prêt à les rencontrer». «Je leur dirais “s’il vous plaît, rentrez chez vous”. Les colonies sont des provocations». «Il faut donner une chance à nos enfants, nous avons perdu trop de temps. Israël doit se retirer des territoires» palestiniens, dit-il. Sa fille Amira sourit. La relève semble assurée. «Je crois en la paix», dit dans un excellent anglais l’adolescente, qui rêve d’études d’ingénieur en Allemagne. «Mais si je dois rester ici pour toujours pour garder ma maison, alors je suis prête», conclut-elle.
Au cœur de la bande de Gaza, une maison palestinienne tout près d’une colonie juive : la famille Bachir refuse d’abandonner la terre de ses aïeux, quitte à vivre avec des soldats israéliens à l’étage. «Les Israéliens ont tout essayé : intimidation, tirs, occupation, mais je ne suis pas parti», lance fièrement Khalil Bachir, un professeur d’anglais de 50 ans. Une...