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Actualités - CHRONOLOGIES

JUSTICE - L’évolution des mœurs dicte une nouvelle approche judiciaire - Les peines de moins d’un an de prison désormais supprimées

Vacances judiciaires ou pas, le Palais de justice de Baabda ne chôme pas. Le juge d’instruction Élias Khoury – qui assure actuellement les permanences – est littéralement débordé. En travaillant près de 10 heures par jour, c’est à peine s’il vient à bout de tous les dossiers qui lui sont remis et qui portent essentiellement sur des cas d’accidents de la route, de trafic de drogue et… d’homosexualité. Or, il fait faire d’autant plus vite que, depuis l’adoption du nouveau code de procédure pénale, la tendance est à l’allègement des peines et à éviter au maximum de recourir à l’emprisonnement. Une véritable révolution au sein de la justice. Nicolas A. n’en menait pas large en arrivant chez le juge d’instruction après avoir été arrêté par les forces de l’ordre. Ce qu’il croyait n’être qu’un petit mensonge sans conséquence est devenu une grosse affaire et le voilà pris au piège. Ce jeune Palestinien (il est né en 1984) a choisi de vendre son corps à des hommes fortunés pour arrondir ses fins de mois plutôt maigres. Mais comme il est mineur et vit chez ses parents, il devait à chaque fois inventer des excuses pour justifier ses retards. À l’issue d’une de ses absences répétées, se trouvant à court d’idées, il appelle le 5 juillet ses parents et leur affirme qu’il a été enlevé et que ses ravisseurs après avoir abusé de lui l’ont relâché et déposé dans une station-service à Dékouané. Les parents appellent les forces de l’ordre qui mènent leur enquête… et l’adolescent se retrouve devant le juge d’instruction. Sous le feu des questions, il reconnaît qu’il se prostitue pour 20 dollars la passe avec de riches clients du Golfe et un Syrien Ahmed H. en situation illégale au Liban. Convoqué par le juge, Ahmed H. reconnaît avoir eu recours aux services du jeune Nicolas, moyennant de l’argent, et le juge a considéré que Nicolas n’est pas un mineur ignorant. Étant consentant, il n’y a plus qu’un délit de relations contre nature, passible d’une peine maximale d’un an de prison. Or, selon le nouveau code de procédure pénale, les peines de prison de moins d’un an sont annulées, dans le but évident de décongestionner les prisons et de recourir le moins possible à la détention. Pour les deux hommes c’est une révolution, une véritable aubaine, car même si la procédure doit se poursuivre, puisqu’ils doivent être déférés devant le juge pénal unique du Metn, ils ne risquent plus la prison et les magistrats reconnaissent à ce sujet qu’on ne peut plus émettre des jugements sans tenir compte de l’évolution des mœurs. «En Europe, les homosexuels se marient et au Liban ils sont poursuivis, cette situation a quelque chose d’anachronique», a même commenté un juge. Le nouveau code de procédure pénale permet ainsi d’alléger les peines et de répondre à une nouvelle tendance sociale, sans pour autant choquer les conservateurs. Cette disposition n’est pourtant pas toujours heureuse. Prenons ainsi le cas de Béchara, qui a porté plainte contre Dany, à la suite d’un accident de voiture qui l’a mené à l’hôpital pendant plus d’un mois, avec des blessures graves. Or, la loi au Liban ne prévoit une peine de détention de plus d’un an que si l’accident a causé la mort de la victime. Le cas de Béchara est considéré comme un simple délit. Par conséquent, Dany ne sera pas emprisonné, même si sa victime a gardé des séquelles de son accident. «C’est comme une sorte d’encouragement à commettre des délits mineurs», s’insurge un plaignant au palais de justice. Le sujet peut certes donner lieu à une vaste polémique, mais ce qui est sûr, c’est que le nouveau code se veut plus sensible aux droits de l’homme et moins sévère pour les agressions mineures, pour la bonne raison qu’il y a déjà trop de détenus dans les prisons, ce qui rend les conditions de détention particulièrement dures. Une justice pour les Syriens À Roumié, par exemple, les locaux sont prévus pour 3 000 prisonniers ; or, il y en a 5 000, dont 2 000 Syriens et autant de Libanais, les autres appartenant à diverses nationalités. Même dans le domaine judiciaire, les Syriens monopolisent une grande partie de l’énergie des Libanais, les juges ayant la plupart du temps à traiter des dossiers qui les concernent. Selon eux, les interventions sont rares, mais les détenus syriens restent des mois, voire des années, dans les geôles libanaises aux frais du contribuable libanais. Pourquoi ne sont-ils pas renvoyés chez eux ? «Ils reviennent. Tant que les frontières resteront des passoires, le problème ne sera pas réglé», répond un magistrat entre l’examen de deux «dossiers urgents». Urgent surtout parce que depuis l’adoption du nouveau code de procédure pénale, les demandes de remise en liberté pleuvent et les juges souhaiteraient répondre positivement le plus souvent et le plus rapidement possible. Sauf dans les cas de trafic de drogue où le mot d’ordre est encore à la sévérité, afin de ne pas encourager cette activité illicite et nocive. Le tollé provoqué par la loi d’amnistie des crimes liés à la drogue adoptée en 1997 ne s’est pas encore calmé et les juges préfèrent appliquer strictement les lois traitant ce sujet. Par contre, la justice est désormais beaucoup plus clémente dans tout ce qui concerne les affaires de mœurs, tant qu’il n’y a pas contrainte ou abus de mineurs. Ainsi, les magistrats ont de moins en moins recours aux commissions chargées de vérifier l’existence d’actes sexuels contre nature ou non. Un grand pas vers le respect de la dignité humaine. Mais le chemin est encore long…
Vacances judiciaires ou pas, le Palais de justice de Baabda ne chôme pas. Le juge d’instruction Élias Khoury – qui assure actuellement les permanences – est littéralement débordé. En travaillant près de 10 heures par jour, c’est à peine s’il vient à bout de tous les dossiers qui lui sont remis et qui portent essentiellement sur des cas d’accidents de la route, de...