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Actualités - CHRONOLOGIES

Festival de Baalbeck - « Clavigo » de Roland Petit

Grâce, évanescence, romantisme et modernité. D’un romantisme à la fois vénéneux et vaporeux, profondément «wertherienne» dans son délire affectif, cette histoire d’amour fou et meurtrier a des accents à la fois gracieux et troublants sous les pas des chaussons en satin, les entrechats, les grands écarts, les gazes transparentes et les justaucorps serrés... Dans une chorégraphie admirable, dynamique et sobre, conciliant rigueur classique et originalité contemporaine, de Roland Petit et une superbe création musicale au lyrisme poignant et aux lancinantes déchirures mahlériennes de Gabriel Yared, le Ballet de l’Opéra National de Paris a donné au temple de Jupiter Clavigo un drame librement inspiré de Goethe. La lune, les pierres millénaires, la fraîcheur nocturne, les chauves-souris affolées par les rais des projecteurs et volant en rase-motte, le velours d’un firmament qu’envierait le Booz d’Hugo, les ifs mélancoliques et solitaires, ces colossales colonnes jaillies d’un autre temps, tout cela est une atmosphère éminemment romantique pour ces amours pures et infidèles... Clavigo, œuvre de jeunesse de Goethe et portant en embryon déjà toute la thématique wertherienne de folie amoureuse, est une sorte de liaisons dangereuses où on ne badine pas avec l’amour…Tiré d’une sorte de fait divers mêlant la cadette des sœurs de Beaumarchais, auteur du Barbier de Seville, à un jeune séducteur, Clavigo se transforme sous la plume de Goethe en une ténébreuse histoire où se conjuguent fête et malheur, plaisir et solitude, élan et désespoir, turpitude et élévation, vie et mort. Entraîné dans le tourbillon frénétique des plaisirs et de la luxure par un ami dépravé, Carlos, incarnation du roué sans vergogne, Clavigo brise mortellement, au sens premier du terme, le cœur de Marie éperdument éprise de lui... Pour se venger, le frère de cette dernière le tue dans un duel. C’est sur ce sombre canevas à quatre personnages, oscillant entre frivolité et fatalité, entre légèreté et gravité, entre dissolution morale et vertu inflexible, entre sincérité et mensonge que se déroule ce drame des passions et des aspirations contrariées. Images magnifiques et raffinées (notamment le tableau à la Fussli du baiser au lit, les scènes des fêtes galantes ainsi que la procession funèbre) avec des costumes élégants aux tonalités accordées avec justesse. Brillant langage des corps d’une éloquence aérienne où toute parole est brusquement superflue surtout quand la partition de Gabriel Yared subjugue l’auditoire avec tant d’émotion et de force. Une musique dense, grave, nerveuse, fluide qui tout en accordant aux mouvements et gestes leur totale crédibilité n’en est pas moins omniprésente. Un spectacle d’une beauté rayonnante et éthérée, à la fois évanescent et moderne, tendre et cruel. De l’image d’une sylphide éplorée aux volatiles pas de deux des amants éphémères, de l’éclosion de l’amour à sa défaite, la danse ici (grâce soit rendue au talent de Benjamin Pech, Clairemarie Osta, Jérémie Bélingard et Marie-Agnès Gillot) est bien plus qu’un aimable divertissement.
Grâce, évanescence, romantisme et modernité. D’un romantisme à la fois vénéneux et vaporeux, profondément «wertherienne» dans son délire affectif, cette histoire d’amour fou et meurtrier a des accents à la fois gracieux et troublants sous les pas des chaussons en satin, les entrechats, les grands écarts, les gazes transparentes et les justaucorps serrés... Dans une...