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Actualités - REPORTAGES

HISTOIRE - Création de sept circonscriptions administratives - Le Mont-Liban autonome -

En 1860, l’antagonisme entre les druzes et les maronites atteint des sommets de violence inégalés. La guerre fait vingt mille victimes parmi les chrétiens. Tandis qu’un corps expéditionnaire français gagne la région du Chouf, une commission internationale se réunit à Beyrouth le 5 octobre afin d’établir les diverses responsabilités dans ce conflit et d’imposer à la Porte le châtiment des coupables et l’indemnisation des victimes. La commission entend également se pencher sur les modifications qu’il convient d’apporter à l’organisation de la Montagne. Ses travaux, poursuivis sans relâche pendant huit mois, font apparaître des divergences profondes entre trois au moins de ses membres. Béclard, représentant de la France, assume continuellement la défense des intérêts du Liban, exigeant pour celui-ci la plus large autonomie et le plus ample territoire possible. Ces exigences suscitent alors les craintes et l’opposition systématique de Fouad Pacha, délégué de la Sublime Porte. Lord Dufferin, délégué britannique, prend le parti de Fouad Pacha et s’oppose à son homologue français. Les représentants de l’Autriche, de la Russie et de la Prusse jouent quant à eux le rôle de conciliateurs. Finalement, la commission réussit à se mettre d’accord sur le texte du Règlement organique que la conférence de Constantinople entérine le 9 juin 1861. Cet accord régit le fonctionnement de l’État autonome du Mont-Liban. Le gouvernement de Napoléon III considère alors comme terminée la mission confiée au corps expéditionnaire et, donnant enfin satisfaction aux instances de Londres et de Constantinople, retire ses troupes du Liban. Non sans avoir obtenu au préalable l’insertion, dans le nouveau Règlement organique, d’une disposition prohibant l’accès du territoire libanais à l’armée ottomane. Franco Pacha, « muchir » Sous le régime en vigueur à partir de 1861, la situation des gouverneurs, l’application du statut du Liban et la modification de ses dispositions dépendent des grandes puissances européennes, à savoir l’Autriche-Hongrie, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie et, à partir du 28 juillet 1868, l’Italie, qui fait son entrée dans le concert des grandes puissances en adhérant à la nomination de Franco Pacha comme gouverneur du Liban. À la tête de l’administration libanaise se place, sous le régime des Règlements organiques de 1861 et 1864, un gouverneur, qui doit être chrétien. D’après le Protocole du 9 juin 1861, il porte le titre de Muchir (c’est-à-dire maréchal), et relève directement de la Sublime Porte. Investi de l’autorité pour trois ans (mandat porté à cinq ans en 1864, à dix ans en 1868 et de nouveau à cinq ans en 1892), il ne peut être révoqué qu’à la suite d’un jugement ; trois mois avant l’expiration de son mandat, la Porte, avant de décider de son successeur, doit provoquer une nouvelle entente avec les représentants des grandes puissances. Si l’autorité du sultan continue d’exister en théorie, le choix du gouverneur, la durée de son mandat, sa révocation et même ses titres et ses fonctions ne relèvent plus exclusivement de la Sublime Porte. En second lieu, l’article 14 du Règlement du 6 septembre 1864 – qui stipule que, «en temps ordinaire, le maintien de l’ordre et l’exécution des lois seront exclusivement assurés par le gouverneur au moyen d’un corps de police mixte (composé de membres des diverses communautés religieuses du Liban), recruté à raison de sept hommes environ pour mille habitants» – exclut de fait les Ottomans du territoire libanais. Le gouverneur peut bien requérir, d’après le même article, l’assistance des troupes régulières de la Sublime Porte, mais seulement «en cas extraordinaire et de nécessité et après avoir pris l’avis du Medjliss [Conseil administratif élu]». Dans ce cas, l’officier commandant les troupes ottomanes reste subordonné au gouverneur de la Montagne durant le temps de son séjour au Liban et agit sous la responsabilité de ce dernier. Les troupes ottomanes doivent en outre se retirer dès que le gouverneur le juge possible. Ce texte a été rigoureusement appliqué de 1861 à 1915. Très strictement d’ailleurs, comme le prouve cette anecdote : un jour que le gouverneur Franco Pacha avait reçu une visite d’officiers ottomans en uniformes de gala, il fit l’objet de véhémentes protestations et dut s’excuser publiquement devant le Medjliss de cette violation théorique de l’article 14 du Règlement. Les différents Règlements organiques ont également doté le Liban de régimes financier, judiciaire, administratif spécifiques qui l’ont soustrait explicitement à la législation et à l’autorité de l’Empire ottoman. Ainsi, le ressortissant libanais ne paie plus d’impôts ni n’effectue de service militaire pour la Sublime Porte. Quant à la population libanaise, elle participe au gouvernement de son pays par l’intermédiaire de ses représentants élus au Medjliss central, «chargé de répartir l’impôt, de contrôler la gestion des revenus et des dépenses et de donner son avis consultatif sur toutes les questions posées par le gouverneur» (article 2 du Règlement de 1864). Le Medjliss, renouvelé par tiers tous les deux ans, est élu par les cheikhs (ou maires) que le peuple choisit directement dans chaque village ; le cheikh du village remplit, au surplus, les fonctions de juge de paix sans appel pour les petits procès portant sur des sommes inférieures à 200 piastres. Géopolitique et économie Ce régime de véritable indépendance – par rapport à l’Empire ottoman, dont le Liban continue à faire partie d’une manière nominale – s’est trouvé désavantagé par la diminution du territoire et la consécration du confessionnalisme. Le premier handicap est le démembrement territorial. Sous prétexte de se préoccuper d’abord de préserver la population chrétienne de l’arbitraire ottoman, l’Europe a ainsi exclu du Mont-Liban diverses villes ou régions où les populations musulmanes étaient majoritaires. Le territoire de la Province autonome défini par l’article 3 du Règlement de 1864 est constitué de sept circonscriptions administratives : Koura, Batroun (qui comprend la partie septentrionale du Liban, à savoir Djebbet Bécharré, Zaouié et Beled Batroun), le Kesrouan (avec Beled Djebeil, Djebbet Muneitra, Ftouh et le Kesrouan proprement dit), Zahlé et son territoire, le Metn, le Chouf et, enfin, Jezzine et le Teffah. De cette partition, le Liban sort amoindri et économiquement incapable de prospérer. Ce dénuement a d’ailleurs été à l’origine d’une importante émigration vers l’Amérique, l’Océanie et l’Afrique, qui s’accélère à partir de 1880. Enfin, la grande faille des Règlements organiques est d’avoir consacré le confessionnalisme en stipulant une répartition rigide de toutes les fonctions publiques. C’est ainsi que chacune des sept circonscriptions précitées devait être administrée par un caïmacam appartenant à la confession de la majorité locale : maronite pour Batroun, Kesrouan, Metn et Jezzine ; grec-orthodoxe pour Koura ; grec-catholique pour Zahlé ; druze dans le Chouf. Le vice-président du Medjliss, le procureur général, le président de la Cour d’appel civile, le commandant de la Milice, le chef du Bureau arabe devaient être maronites. Le président de la Cour d’appel criminelle devait être druze. La direction des affaires politiques revenait à un grec-orthodoxe ; un musulman étant chef du Bureau turc, et ainsi de suite. Mais la répartition s’étendait également aux postes les plus modestes et ne comportait aucune exception. Ce système, rendu en partie nécessaire par les conflits, tendait non à protéger une minorité – comme c’est généralement le cas dans les pays où une majorité intolérante risque de dominer les groupes ethniques minoritaires – mais à empêcher une compétition interconfessionnelle pour les mêmes charges publiques. Le confessionnalisme allait peser longtemps sur les destinées du Liban, empêchant notamment jusqu’à nos jours l’institution d’un véritable régime de droit civil. Le Mandat français, au lieu de le supprimer, cherchera à le maintenir au moins partiellement. Aujourd’hui encore, le régime confessionnel prévaut au Liban, tout Libanais désireux de se marier se trouvant obligé de le faire devant l’autorité religieuse ; les sièges parlementaires sont équitablement répartis entre les différentes communautés, 50 % pour les chrétiens et 50 % pour les sunnites, chiites, druzes et alaouites.
En 1860, l’antagonisme entre les druzes et les maronites atteint des sommets de violence inégalés. La guerre fait vingt mille victimes parmi les chrétiens. Tandis qu’un corps expéditionnaire français gagne la région du Chouf, une commission internationale se réunit à Beyrouth le 5 octobre afin d’établir les diverses responsabilités dans ce conflit et d’imposer à la...