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Actualités - CHRONOLOGIES

Le chef du gouvernement décide de prendre des mesures contre les écoutes illégales

Animosité de Nabih Berry, véhémence de Boutros Harb, persiflage d’Omar Karamé, indignation de Mohammed Fneich, et pas mal d’hypocrisie ont ponctué hier la plaidoirie de M. Rafic Hariri pour son projet de budget, qui a frôlé durant quelques longues minutes le vote de défiance. Tout commence avec les généralités. «Aucune lueur d’espoir à l’horizon régional», constate le chef du gouvernement, avec un Ariel Sharon à la tête de l’État israélien. Passant à la situation au Liban, le chef du gouvernement affirme que la résolution 425 n’est pas encore entièrement appliquée, tant que Chebaa continue d’échapper à notre souveraineté et que notre ciel est sillonné par les avions israéliens. Évoquant le redéploiement syrien, M. Hariri rend hommage à la parfaite coordination entre les armées syrienne et libanaise qui l’a marqué, avant de dire combien la présence syrienne est «vitale et nécessaire» pour le Liban. «Non, enchaîne le président du Conseil, la priorité ne va pas à la remise en cause de la présence syrienne», mais à «la préservation de la démocratie menacée, sous une forme ou une autre, par certaines pratiques» contre lesquelles les Libanais en général, et les parlementaires en particulier, ont le devoir de réagir. C’est toute la question soulevée par Bassem el-Sabeh que M. Hariri pose donc à nouveau, en affirmant qu’une dérive antidémocratique menace le Liban et qu’en présence de ces abus, les Libanais ne doivent ni baisser les bras ni se décourager, mais lutter pour leur démocratie par une pratique quotidienne et en s’aidant des textes constitutionnels. C’est par ce biais que le chef du gouvernement soulève le problème des écoutes téléphoniques, qui lui vaudra d’être sérieusement malmené par les députés et M. Berry en personne. «Nous ne pouvons appliquer la loi sur les écoutes, dans sa forme actuelle ; pour l’appliquer, il faut d’abord qu’elle soit amendée». Ce constat d’impuissance vaudra à M. Hariri une dizaine de minutes d’interruptions successives, de réparties, d’attaques parfois personnelles, la plus mordante provenant de M. Berry lui-même, qui affirme, frisant l’impolitesse, que «celle-ci, vous ne nous la ferez pas passer…». M. Berry affirmera même qu’il refuse d’inscrire la phrase de M. Hariri au procès-verbal de la Chambre, et que le gouvernement doit appliquer une loi, en attendant d’en introduire une autre. Opiniâtre, M. Hariri, qui se laissera démonter par une répartie de M. Antoine Haddad, reviendra sur le sujet, utilisant pratiquement la même phrase, pour demander l’amendement de la loi. «Mon téléphone est surveillé, et celui d’autres aussi» dit-il. Interpellé, M. Hariri écorche ceux qui, tout à la fois, sont objectivement complices des parties pratiquant les écoutes illégales et réclament au Parlement l’application de la loi. «Ce n’est pas d’eux que je recevrai des leçons», s’écriera-t-il. Finalement, mis au défi, le chef du gouvernement demande, en pleine séance, au ministre de la Justice de saisir aujourd’hui même le parquet d’une note dans laquelle seront dénoncés ceux qui se livrent aux écoutes en dehors du contrôle judiciaire prévu par la loi. Et obtient en retour les applaudissements des députés. « La récession s’est arrêtée » Mais M. Hariri n’est pas au bout de ses peines. Il aborde le second volet de son intervention et parle des efforts du gouvernement pour replacer le Liban sur la carte économique mondiale. Il évoque les «signes positifs» qui ont marqué les cinq premiers mois de l’année. «La reprise a commencé, la récession s’est arrêtée», affirme-t-il , tout en soulignant qu’il existe un délai entre la reprise et le moment où ses effets commencent à être perçus par les Libanais. Ce que le gouvernement cherche à faire, dit-il en substance, ce qu’il fait en préparant la conférence Paris II, c’est de réduire ce point focal du projet de budget qu’est le service de la dette, qui absorbe 43 % des recettes de l’État. Il y a deux moyens de le faire, résume M. Hariri, avec son génie des lapalissades : augmenter les recettes et réduire les dépenses. C’est le chapitre de l’augmentation des recettes qui animera de nouveau la séance budgétaire. Sous ce chapitre, M. Hariri défend le bien-fondé de la récente décision de résiliation des contrats des compagnies Cellis et LibanCell, qui a valu au Liban une rentrée annuelle de 300 millions de dollars l’an dernier. La question lui vaudra de nombreuses réactions parlementaires, dont se détachent celles, contradictoires, de Nicolas Fattouche et Omar Karamé. M. Fattouche soulèvera une exception de forme, en affirmant que, constitutionnellement, l’Exécutif n’a pas le droit de modifier la situation juridique en cours, tant que le contentieux entre l’État et les compagnies n’a pas été tranché, ce qui est le cas puisque les deux compagnies et l’État se sont pourvus devant un conseil d’arbitrage. Pour M. Karamé, au contraire, les abus des deux compagnies sont tels qu’elles ont mérité purement et simplement la résiliation de leurs contrats, sans dédommagement. «Les infractions entraînent des amendes, mais ne suspendent pas les clauses du contrat», rétorque M. Hariri, tandis que M. Karamé soulève une nouvelle exception de fond, en affirmant qu’un arbitrage ne peut se faire aux dépens de l’intérêt public. M. Berry parviendra toutefois à calmer le jeu en affirmant que le débat pourrait être rouvert à l’occasion du vote du nouveau cahier des charges qui doit précéder l’adjudication des deux licences. Généralisation de la CNSS M. Hariri poursuit alors son parcours et aborde le volet social de sa politique, en affirmant que le CDR, remanié et refondu, doit approuver des projets pour 2 milliards de dollars, susceptibles de contribuer à la relance et à la création d’emplois. Surprenant tout le monde, M. Hariri, expliquant en détail pourquoi le régime des pensions de retraite doit succéder à celui des indemnités de fin de service, propose pour finir de généraliser la Sécurité sociale à toutes les couches de la population. Y compris aux patrons. Après tout, explique-t-il, le budget du ministère de la Santé est en croissance constante, en raison des frais qu’il assume. Au passage, M. Hariri promet également aux professeurs et étudiants de l’Université libanaise de «ne pas prendre de décision hâtive» en ce qui les concerne. Ménageant ainsi la chèvre et le chou, M. Hariri demande aux étudiants en grève des premières sections, qui ont décidé de boycotter les épreuves officielles, de revenir sur leur décision. Avant la tempête finale, M. Hariri aura également le temps de parler de la prudence justifiée avec laquelle le Liban, en dépit des pressions exercées par certains industriels, doit accepter d’échanger ses produits contre du pétrole brut irakien. C’est ensuite le coup de tonnerre que M. Hariri a réservé pour la fin. Y a-t-il des redevances téléphoniques dues à l’État qui vont dans les poches de particuliers ? demande-t-il à la cantonade, avant de répondre : «Oui, les redevances de certaines communications internationales» sont détournées par des particuliers, dont il refuse de révéler l’identité en public. Ce qui lui vaudra de véhémentes réparties de Boutros Harb, Omar Karamé et consorts. Confusion, prises de paroles anarchiques, les propos de M. Hariri produisent leur effet. Ce dernier assure, en conscience, qu’il n’a appris l’existence de ce scandale que récemment, et parvient à calmer la tempête en annonçant que dès aujourd’hui, il va agir pour mettre fin à cette pratique. Encore un combat perdu ? M. Nabih Berry, qui n’a cessé de regarder sa montre au cours de la dernière demi-heure, entame immédiatement l’approbation du quitus.
Animosité de Nabih Berry, véhémence de Boutros Harb, persiflage d’Omar Karamé, indignation de Mohammed Fneich, et pas mal d’hypocrisie ont ponctué hier la plaidoirie de M. Rafic Hariri pour son projet de budget, qui a frôlé durant quelques longues minutes le vote de défiance. Tout commence avec les généralités. «Aucune lueur d’espoir à l’horizon régional»,...