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Actualités - REPORTAGES

Courrier - Un service efficace, mais un contentieux qui se développe - Quel avenir pour Libanpost ?

«Libanais… et il le restera, tout en demeurant à votre service. Libanpost poursuivra ses activités». Sur un jeu de mots subtil, la société libanaise, qui gère le service postal depuis 1998, rassure, à travers ses encarts publicitaires, les citoyens. «Nous continuerons notre mission», tel est le message que cherche à affirmer de toute évidence cette communication de crise. Et pour cause : l’investisseur principal dans ce projet, SNC Lavalin, une société canadienne, a annoncé sa volonté de se retirer et de mettre fin au contrat qui la lie au gouvernement libanais. Ainsi s’achève, du moins pour le moment, le premier acte de la toute première expérience de privatisation au Liban. Si entre-temps aucune explication officielle n’a été avancée par ce groupe sur les raisons de son départ, à part le fait «qu’il est en train de perdre dans cette affaire», une lettre de notification a été remise par SNC Lavalin au gouvernement libanais début mai, l’informant que le groupe canadien compte vendre sa part et qu’il se retire d’ici à fin juillet, dernier délai avant que le groupe n’ait recours à un arbitrage. À la recherche d’un investisseur Toutefois, cette dernière disposition est conditionnée par l’avènement d’un nouvel investisseur, affirme un reponsable au sein de Libanpost. «Le gouvernement se trouve actuellement devant trois oprtions : ou bien choisir une sortie à l’amiable pour l’investisseur. Cette solution consiste de la part du gouvernement soit à trouver un nouvel investisseur soit à offrir des compensations à la société canadienne». Sinon, souligne ce responsable, SNC Lavalin aura recours à l’arbitrage grâce auquel la société compte réclamer 75 millions de dollars à l’État. D’ici là, la question de savoir si Libanpost poursuivra véritablement ses activités au Liban reste en suspens. En effet, côté canadien, on affirme de sources diplomatiques que la société CanadaPost, qui est l’opérateur et le partenaire stratégique de Libanpost, ne compte pas lâcher le projet déjà entrepris. CanadaPost s’est en effet engagé auprès de l’État libanais à poursuivre sa mission en tant qu’expert dans ce secteur. La société a en outre affirmé au gouvernement libanais que le contrat ne sera pas résilié, même si l’investisseur (SNC Lavalin ) se retire et qu’il continuera de s’appliquer même en cas de reprise de Libanpost par l’État. Au siège de Libanpost, si le discours officiel ressemble un tant soit peu à la version canadienne, à savoir que la société libanaise poursuivra ses activités, sur place, l’atmosphère traduit un pessimisme généralisé et le baromètre est certes à la morosité. Cependant, les mains fébriles des trieurs de lettres continuent de s’activer, et les gestionnaires poursuivent fidèlement le suivi quotidien du service. 95 000 lettres par jour Pourtant, tout semblait aller pour le mieux du moins, c’est l’impression qu’avait jusque-là l’usager de sa nouvelle poste qui lui faisait parvenir, régulièrement et en un laps de temps relativement court, sa lettre ou son colis postal. Malgré les multiples défis lancés à cette nouvelle entreprise, près de 95 000 lettres par jour sont réceptionnées, triées et distribuées à travers toutes les régions libanaises, désormais repérables par quartier et par immeuble (ou résidence). Un nouveau système de code postal, un des plus sophistiqués, a été mis en place par une équipe d’experts formée par les Canadiens. Les Libanais pouvaient enfin bénéficier d’un service postal moderne, développé, qui devait non seulement profiter à l’utilisateur direct, mais à l’économie libanaise dans son ensemble. Car, comme l’explique un gestionnaire au sein de cette entreprise, Libanpost avait pour ambition de devenir «l’interface de communication entre le public et l’État». Or, c’est sur ce point particulier que les problèmes ont commencé à germer, pour aboutir à la crise actuelle. «Trois obstacles majeurs ont entravé les relations entre l’investisseur canadien et l’État», explique un responsable de Libanpost. «Dans les trois cas, il y a eu manquement au contrat de la part du gouvernement libanais», dit-il. La première entrave est illustrée par l’absence d’un interlocuteur de la part de l’État. «Et lorsque celui-ci existait (l’interlocuteur), il était peu ou pas crédible, en tous les cas toujours politisé à outrance». Ce responsable rappelle qu’après le CDR qui gérait la relation entre l’État et la société, ce dossier est ensuite passé aux mains du ministère des P. et T. sous l’impulsion d’un nouveau gouvernement, qui remettait systématiquement en question tous les contrats passés par son prédécesseur. En outre, le gouvernement n’a rien entrepris pour faire cesser les activités parallèlles des sociétés qui œuvrent sans licence et sans respect des tarifs de l’État, d’où une concurrence illégale qui a ôté à Libanpost un manque à gagner, ajoute l’interlocuteur de Libanpost. Sur la base du contrat passé avec le gouvernement libanais en 1998, Libanpost avait obtenu le monopole du courrier domestique de deux kilos au moins. Toujours selon les clauses de ce contrat, «le premier client de la société était censé être l’État, comme partout ailleurs dans le monde», poursuit ce responsable. En effet, le gouvernement s’était engagé à confier le monopole de la distribution de la correspondance publique ainsi que du paiement des factures émanant des services de l’Administration (eau, téléphone, électricité, contraventions, etc.), système dit de «guichet unique». Ce service a pour but de faciliter la vie des Libanais, en leur offrant de payer leurs factures via la poste, jusqu’à couvrir d’autres secteurs tels que celui de la perception des impôts, toujours par ce même moyen, (taxes municipales mécanique, etc.). Or, dit cet interlocuteur, «aucun de ces engagements n’a été honoré». Le point de vue du ministre Interrogé sur les manquements de l’État à ses obligations, et sur la part de responsabilité de ce dernier dans l’échec de ce projet, le ministre Cardahi a estimé que l’État libanais a fait beaucoup plus de concessions qu’il ne fallait dans ce partenariat. «L’État a accepté de réduire de moitié les loyers des locaux exploités par Libanpost ; il avait également mis pour condition que la société élargisse son spectre d’activité, ce qu’elle n’a pas fait. Enfin, le gouvernement n’a jamais perçu sa quote-part des bénéfices dans cette affaire», dit-il en reprenant point par point les reproches portés contre l’État dans cette controverse. Quant à la question du monopole de distribution accordé à Libanpost, le ministre des Télécommunications relève que l’État a fait son devoir en imposant aux autres distributeurs de courrier une taxe, «ce qui devait jouer en faveur de Libanpost». «S’il est vrai par ailleurs que l’État a reconnu à Libanpost l’exclusivité d’acheminer les factures et les paiements correspondants des factures issues des services publics, cela s’applique seulement dans le cas où ces administrations ont effectivement du courrier à envoyer. Or, je ne peux les obliger à en produire pour créer de l’emploi à Libanpost». Bref, quatre années d’investissement – dont un capital de 20 millions de dollars au départ –, 47 bureaux corporatifs dont plusieurs ont été rénovés et 157 agences postales prévues, tout un projet d’envergure nationale qui risque aujourd’hui d’aller à la dérive . Ce secteur qui commençait juste à se déployer, sera-t-il affecté par les mesures que pourrait prendre SCN Lavalin ? Sera-t-il tout simplement condamné à disparaître ? «Bien sûr que non», affirme M. Cardahi, qui certifie que bien que l’État ait déjà formé un groupe pour travailler sur «un plan de secours» qui devrait servir en cas de reprise de Libanpost par l’État, si à la date limite de la notification aucun investisseur n’est trouvé. Le ministre se dit pourtant confiant et affirme qu’au moins trois groupes sérieux ont exprimé leur intérêt de racheter la part canadienne. «Ces derniers ont eu accès aux chiffres de la société pour évaluer la quote-part de l’ancien investisseur et pour étudier la situation financière de la société. Entre-temps, nous avons demandé un avis légal au conseiller juridique détaché auprès du ministère afin de nous éclairer sur les mesures à prendre». Pour certains observateurs, l’investisseur canadien, qui s’attendait à un gain rapide qui ne s’est pas réalisé au cours de ces quatre années, n’a pas su patienter. Ce dernier aurait même encourru de lourdes dépenses en s’attendant à des rentrées substancielles en peu de temps. «Si le gouvernement a failli à certaines de ses obligations dans cette entreprise et il n’est pas moins vrai que le partenaire canadien a oublié qu’il est en train d’investir dans un secteur public, où la patience et la perséverance sont la clé de toute solution et le droit chemin vers le profit», souligne un observateur. Quoi qu’il en soit, dit-il, le gouvernement ne devrait plus jamais signer des contrats avant de les soumettre à des experts spécialisés dans le secteur que l’État cherche à privatiser. «Car, ce qu’il faut rétablir en premier, c’est un climat de confiance, ingrédient principal à tout investissement», conclut cet observateur.
«Libanais… et il le restera, tout en demeurant à votre service. Libanpost poursuivra ses activités». Sur un jeu de mots subtil, la société libanaise, qui gère le service postal depuis 1998, rassure, à travers ses encarts publicitaires, les citoyens. «Nous continuerons notre mission», tel est le message que cherche à affirmer de toute évidence cette communication de crise....