À la semelle de nos souliers

Cordonnier pas plus haut que le soulier ! Jamais adage ne nous aura si bien collé au berlingot. Le populo se crève la dalle à joindre les demi-bouts, nos finances n’en ont que pour trois mois d’importation, le Trésor, que dis-je, le Cache-Misère public patine dans la mouise… Et pendant ce temps, tu as trois présidents qui, un jour se crêpent les tifs et la touffe, un autre se bécotent à grand renfort de rires gras. Le pays ne produit plus ou si peu, créativité et dynamisme sont au ras des pâquerettes, les braves gens ont la langue collée au plafond et les orteils en bouquet de violettes… Et tu as quoi, pour te rincer la rétine ? Deux brandons qui se visitent, tantôt pour comploter contre le troisième, tantôt pour le convaincre que le complot c’était pour son bien. Tu te croirais revenu à la République du fermier de Zahlé ! Et puis, tu l’auras remarqué, chacun des trois voyage en solo. C’est tellement bon d’être seul maître à bord et ça évite le mélange des genres entre nababs et porte-serviettes. Sans oublier la farandole surréaliste des clans. Chaque patron a ses copains qui lui collent aux baskets dans tous ses déplacements. L’Émile se fait accompagner par un vieux croûton dont je n’arrive jamais à me rappeler le nom ; le Déshérité antédiluvien vaque à ses combines, talonné de près par ses cire-pompes habituels ; Bouboule, quant à lui, se fait chaperonner par deux ministres, toujours les mêmes, assis chacun sur son gros tas de fric. Et toi de haleter, comme un goret en rut, pour savoir lequel des trois fait la gueule aux deux autres… avant que, suspense insoutenable, un commis syrien vienne les rabibocher. Cordonnier pas plus haut que le soulier ! Sauf qu’à chaque fois, la semelle devient plus dure à avaler.